Le choc des accommodements raisonnables pour un Nicolétain-Marocain

9 décembre 2007 - 19h05 - Monde - Ecrit par : L.A

Aslam Bouhia est Marocain. Installé à Nicolet depuis plusieurs années, il a vu une partie de son univers changer avec le débat sur les accommodements raisonnables et la Commission Bouchard-Taylor. « Les gens ne me regardent plus comme avant », pense-t-il.

Aslam Bouhia s’estime déjà bien implanté au Québec. Parti de Rabat, la capitale marocaine, en 2001, il a vécu à Nicolet par intermittence, jusqu’à sa retraite d’une fonction importante au gouvernement de son pays. Ensuite, il est venu s’installer ici avec deux de ses trois enfants, et sa nouvelle conjointe, une Nicolétaine.

« J’étais déjà habitué à une vie occidentale au Maroc, alors le choc n’a pas été très grand. En plus, la langue n’était pas un obstacle », commente M. Bouhia, qui s’insurge toutefois contre le peu de moyens consacrés à l’accueil des immigrants. « Les Québécois s’imaginent qu’on arrive à l’aéroport à Montréal, qu’on descend de l’avion et que ça y est : on est Québécois ! Mais ce n’est pas comme ça que ça se passe », affirme-t-il, tout en estimant que l’affaire n’était probablement qu’une histoire de négligence.

« Les Québécois font très peu pour aider à l’intégration, mais je crois que c’est beaucoup plus par manque de temps que par discrimination. Ils ne font tout simplement pas très attention aux gens autour d’eux », avance Aslam Bouhia.

La situation a conduit le nouvel arrivant à s’intéresser largement à la question de l’intégration des immigrants, même bien avant l’annonce d’une commission. « Avant tout, selon moi, il faut savoir qui sont nos immigrants. On a tendance à penser que ce sont des gens pauvres, au chômage, alors que ce n’est pas ça du tout. La réalité, c’est qu’il faut avoir de l’argent pour immigrer. La majorité des nouveaux arrivants sont des professionnels de la classe moyenne. Dans leur pays, ils avaient un emploi, un statut social, et ils se sont fait promettre toute sorte de choses par le Canada. Mais en arrivant ici, la réalité c’est qu’on ne reconnaît pas leurs compétences. On ne leur donne pas de travail », analyse-t-il, tout en réfléchissant sur la capacité réelle d’emploi de ce « petit pays » qu’est le Québec et qui compte déjà son lot de citoyens formés à l’université. « Même entre Québécois, la compétition est déjà très forte pour obtenir un poste », soutient-il.

Des accommodements raisonnables, même au Maroc

Évidemment, tout le débat actuel sur les accommodements raisonnables intéresse au plus haut point Aslam Bouhia, qui y voit toutefois de nombreuses injustices. « C’est l’occasion pour certaines personnes d’être blessantes inutilement. Surtout des personnes âgées. La majorité est à la retraite. Ils n’ont plus aucun projet dans la vie. À mon avis, plusieurs ont été blessés par la religion, ils n’ont plus de cause à défendre et ils ont sauté là-dessus, pour s’occuper », lance-t-il, outré que plusieurs considèrent les pays arabes comme des coins moyenâgeux du monde.

« Ce qui me choque dans ce débat-là, c’est qu’on pense que pour les arabes c’est normal de porter la burka. Moi, qui ai passé ma vie au Maroc, la première fois que j’ai vu une burka c’était en 2002. Et j’ai été aussi choqué qu’un Québécois aurait pu l’être », affirme M. Bouhia, lançant au passage que le Maroc aussi devait vivre avec le principe d’accommodements.

« Au Maroc, même si la majorité est arabe, l’horaire est à l’occidentale et les gens travaillent le vendredi. Ils n’ont droit qu’à une demi-heure pour prier. Leurs congés, c’est le samedi et le dimanche, comme ici. Et puis, ce ne sont vraiment pas toutes les entreprises qui ont un endroit pour prier », raconte-t-il, tout en souhaitant au sein de la société québécoise un peu plus d’ouverture à certains témoignages des cultures arabes.

« Le foulard par exemple, pour beaucoup de femmes, ce n’est pas un témoignage religieux. C’est seulement traditionnel, comme un chapeau, comme la kippa juive. Mes sœurs portent le foulard et pourtant elles ne font pas de prière », illustre-t-il.

Le Courrier Sud - Annabelle Laberge

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