Le cri de cœur et de raison de l’immigration marocaine : “Je veux mon député !”

30 juillet 2002 - 14h44 - Maroc - Ecrit par :

Un collectif de Marocains animé par Alain Baghdadi a adressé à SM le Roi Mohammed VI un long manifeste daté du 27 juin 2002 dans lequel il n’hésite pas à affirmer que les RME se sentent comme des parias ou des incapables.

“Nous ne sommes, pour eux, que des pourvoyeurs de devises”, c’est par cette phrase pleine d’amertume qu’un responsable associatif marocain de retour à Paris termina son exposé des nombreux contacts qu’il a eus récemment au Maroc pour plaider l’éternelle cause de la représentativité politique de millions de Marocains installés à l’étranger.

Pour passionnante qu’elle soit, cette revendication - qui n’est ni nouvelle ni facile à réaliser- a reçu un coup de fouet et de projecteur à l’occasion des récentes élections législatives algériennes. La communauté algérienne vivant en France a pu élire deux députés qui la représentent au Parlement algérien. Même si cette opération s’est passée dans une indifférence généralisée enregistrant un taux-record d’abstention, elle a réussi à marquer les esprits par cette volonté affichée des autorités algériennes de ne pas exclure leurs citoyens de l’étranger du jeu politique qui détermine l’avenir de la nation.
L’exclusion est donc le sentiment qui domine l’approche actuelle de cette question.

Abstention

Sortant d’une longue nuit de silence et de rupture politique, les langues se sont déliées et la parole s’est libérée. Ainsi dans une démarche inédite et à la veille et des vacances d’été qui voient l’immigration marocaine reprendre la porte ludique du sud et d’échéances électorales marocaines qui vont, avec un bonheur démocratique promis, redessiner la carte politique du pays, un collectif des Marocains animé par Alain Baghdadi a adressé à SM le Roi Mohammed VI un long manifeste daté du 27 juin 2002 dans lequel il n’hésite pas à affirmer que “plus de 800 000 âmes se sentent marginalisées, exclues, qu’elles sont considérées comme des parias ou des incapables à pouvoir participer aux prochaines élections législatives. C’est une exclusion de près de 10 % de la population nationale du processus démocratique qui engendre un grand sentiment de frustration”. Résultat, ajoute ce manifeste sur un ton volontairement dramatisant : “Ce M.R.E. (Marocain résident à l’étranger), renié dans sa citoyenneté même, ne peut prendre part à toutes les décisions nationales car il n’aura ni représentant au niveau gouvernemental ni au niveau parlementaire”. Alain Baghdadi est un franco-marocain d’une soixantaine d’années, professeur de sciences et techniques économiques. Il avait créé en 1969 l’école commerciale Fayol.

Cette école est habilitée par les instances ministérielles de l’Education Nationale française, prépare des examens d’État et assure des stages de formation professionnelle continue.

Par ailleurs au nom de la “coordination nationale des associations des Marocains de France” le bouillant Nour Said avait déjà inondé et le palais royal et la primature de courriers du même tanin, exigeant que les immigrés soient directement impliqués dans la gestion de leurs intérêts.

Pourtant ces démarches ne portent pas que des ambitions individuelles. Elles traduisent une demande collective qu’un malaise chronique, que les Marocains entretiennent traditionnellement avec la chose publique, parvient à camoufler. Aujourd’hui, elle s’exprime par la missive à doléances, l’épistolaire à revendications.

Elle traduit par ailleurs un fait certain : l’immigration a profondément changé sans que change le rapport paternaliste, exclusivement rentier, que le pays d’origine entretient avec ses composantes.

Qu’ils résident en Allemagne, en Belgique ou en France, les Marocains sont plus que cette main d’œuvre rurale que le patronat européen avait fait venir par convois entiers pour meubler mines, usines et chantiers, ou cette armée de clandestins que décrivent avec délectation morbide les xénophobes des temps modernes.

Revendications

Ils ont réussi par une intégration au forceps à créer une véritable classe moyenne qui éprouve le besoin légitime d’entretenir avec le pays d’origine d’autres relations que celles, intéressées et sonnantes et trébuchantes, qui passent par le circuit bancaire et touristique.

À la lumière de cet état d’esprit dépoussiéré de tous les vieux réflexes qui avaient présidé à la nomination dans les années 90 de Akka Ghazi comme “parlementaire-ouvrier-syndicaliste” représentant la communauté marocaine à l’étranger, la question de la représentativité politique n’est plus un caprice de vieux notables en fin de carrière, ni un fantasme de quelques excités de la relation publique ou quelques mordus de la mondanité diplomatique.

Elle vise à créer de véritables liens institutionnels et rationnels entre un pays apaisé démocratiquement et une communauté mûrie par le cumul des générations.

Parce qu’elles avaient jusqu’à présent des urgences plus prioritaires à traiter, les autorités marocaines avaient opposé à cette revendication un silence politique où il était difficile de distinguer la politesse de l’embarras. Pourtant aucun responsable digne de ce nom ne peut faire l’économie d’une vraie réflexion sur la nature des liens politiques à établir avec une communauté, par la force du temps, de plus en plus nombreuse, riche et influente et qui s’est imposée comme un véritable facteur de développement.

Mais le temps qui a fait peut défaire. L’affectif, qui semble être l’unique ferment de cette relation spéciale, a tous les atouts sauf celui de résister à l’usure du temps. Ignorer ce danger, c’est, pour reprendre l’expression d’un responsable associatif marocain, “courir le risque de larguer involontairement les amarres d’une communauté et la laisser dériver tel un iceberg jusqu’à fondre dans le village planétaire”.

Source : Maroc Hebdo

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