Belguendouz : « Le ministère des MRE est absent »

19 août 2004 - 14h47 - Maroc - Ecrit par :

Pour Abdelkrim Belguendouz, professeur à l’Université Mohammed V et éminent spécialiste des phénomènes migratoires, le dossier social n’est pas pris en charge par les représentations diplomatiques marocaines à l’étranger.

Les agressions contre les Marocains résidant en Corse se sont multipliées ces derniers temps d’une manière inquiétante. Toutefois, cette situation ne semble pas préoccuper le gouvernement marocain. Comment expliquez-vous ce silence des autorités marocaines ?
Abdelkrim Belguendouz : D’abord, il faut dire que la réaction normale du gouvernement face à des situations pareilles devrait être une mobilisation des services diplomatiques et consulaires marocains accrédités auprès du pays concerné, afin d’exiger une meilleure protection de nos ressortissants et d’essayer de résoudre leurs problèmes sur place. Mais il est certain que dans certains cas comme celui de la communauté résidant en Corse, les autorités marocaines compétentes n’ont pas encore réagi convenablement. Cela s’explique, à mon avis, par le fait que les souffrances des Marocains résidant en cette région française n’ont pas été suffisamment médiatisées, sachant que l’Administration marocaine a toujours tendance à ne réagir que lorsque le problème acquiert des dimensions graves et devient une affaire d’opinion publique.
Dans le cas de la situation en Corse, on remarque que les agressions ont atteint une situation très préoccupante puisqu’il s’agit de faits qui se répètent fréquemment, il est donc du ressort du ministère des Affaires étrangères de prendre les mesures d’usage dans de tels cas.

Quelles sont ces mesures ?
Normalement, le ministère mobilise les services diplomatiques et consulaires pour demander des explications et exiger une meilleure protection de nos concitoyens. La même démarche devrait être entamée auprès de l’ambassade du pays concerné au Maroc. Parallèlement à cette action diplomatique, il est primordial qu’il y ait une communication régulière sur l’évolution de la situation et des démarches entreprises pour que le citoyen soit informé de ce qui se passe et pour que le Marocain résidant à l’étranger sache que l’on s’occupe de ses problèmes et que l’on se préoccupe de sa sécurité. Malheureusement, on constate que le gouvernement n’intervient que lorsque les problèmes atteignent des niveaux dangereux.

Cela s’expliquerait-il par un manque de moyens mis à la disposition du ministère des Affaires étrangères ?
Absolument pas. Ce n’est pas une question de moyens, puisque dans tous les pays où la communauté marocaine a souffert de problèmes graves, notamment en Irak, en Côte d’Ivoire ou actuellement en Corse, il existe une représentation diplomatique. En vérité, le problème de certains responsables diplomatiques est qu’ils n’ont pas le sens de responsabilité. La plupart d’entre eux considèrent, malheureusement, que prendre l’initiative pour résoudre les problèmes des ressortissants marocains résidant dans leur circonscription diplomatique n’est pas de leur ressort. Ils préfèrent s’intéresser à des problèmes qu’ils considèrent de "haute politique". En deux mots : il y a une démission des responsables diplomatiques dans le dossier social. Ce qui est très grave. D’ailleurs, SM le Roi a appelé à maintes reprises à une mise à niveau de notre diplomatie, notamment en matière économique et sociale.

Mais le dossier des MRE est attribué au ministère chargé de cette communauté…
Il n’existe pas de "ministère chargé des MRE", il y a seulement une "ministre chargée des Marocains résidant à l’étranger. En fait, ce ministère n’a ni structure ni organigramme, ni moyens… C’est un département qui n’emploie qu’une douzaine de personnes et qui n’a en réalité aucune attribution réelle en matière de gestion des affaires de la communauté marocaine résidant à l’étranger. Or, ce qu’il faut actuellement, c’est un département capable de prendre les choses en main et qui a une stratégie bien définie et avec un calendrier précis pour travailler. Ce qui n’est pas le cas. Il n’y a pas d’action concrète. Normalement, un ministre doit être capable de dire ce qu’il en est de tel ou tel problème. Malheureusement, chez nous, lorsqu’un problème se pose, le gouvernement répond toujours que l’on est en train de réfléchir à la solution ou la stratégie à adopter. Il est donc temps que l’on passe à l’action et que l’on mette fin à cette démission administrative qui ne fait que retarder la résolution des problèmes au lieu de les affronter.

Omar DAHBI - Aujourd’hui le Maroc

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Abdelkrim Belguendouz - Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) - Immigration - MRE

Ces articles devraient vous intéresser :

Opération Marhaba : les chiffres de l’année dernière largement dépassés à Algésiras

Depuis le lancement de l’Opération Passage du Détroit (OPE) le 15 juin dernier, près de 275 000 passagers et 68 000 véhicules ont embarqué depuis les ports espagnols en direction du Maroc d’après les données fournies par la Protection Civile espagnole.

Transferts de fonds des MRE : un record et une bouffée d’air pour le Maroc

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) contribuent fortement à l’économie marocaine à travers les transferts de fonds qui vont crescendo ces dernières années. Ces flux sont passés de 22,96 milliards de dirhams en 2000 à 93,67 milliards en 2021.

L’inclusion des MRE à l’aide au logement passe mal

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) peuvent bénéficier de l’aide directe au logement au même titre que les Marocains résidant au Maroc, ce qui n’est pas du goût de bon nombre d’internautes. Certains d’entre eux n’hésitent pas à appeler à...

Douane : que se passe-t-il si le MRE ne peut exporter sa voiture ?

Il peut arriver, dans certains cas d’un ennui de santé ou d’une urgence quelconque, que le Marocain résidant à l’extérieur (MRE) ne puisse pas, par lui-même, réexporter son véhicule, c’est à dire le reconduire hors du Maroc. La douane marocaine a prévu...

MRE : voici ce qui est interdit d’importer au Maroc

Chaque année, des millions de MRE rentrent au Maroc, notamment durant les vacances d’été. Par tradition, ils apportent des cadeaux pour la famille. Mais attention : la douane veille sur certains produits interdits ou d’autres qui nécessitent une...

Retour définitif des MRE au Maroc : ce que dit la douane

Selon les dernières régulations édictées par la douane marocaine, les Marocains résidant à l’étranger qui prévoient de rentrer définitivement au Maroc doivent se conformer à certaines règles concernant l’importation de biens.

Aïd al-Adha : ruée de Marocains vers l’Espagne

Alors que de nombreux Marocains résidant à l’étranger (MRE) rentrent au Maroc pour y passer les congés de l’Aïd al-Adha, certaines familles marocaines font le chemin inverse.

Prix des billets de bateau pour les MRE : un réduction de 25 % ?

Une augmentation de 28 % du nombre des arrivées des Marocains résidant à l’étranger (MRE) a été constatée depuis le lancement de l’Opération Marhaba, selon Mohamed Abdeljalil, le ministre du transport et de la logistique, à la Chambre des Conseillers,...

Plaidoyer pour la nomination d’un ministre chargé des MRE

En raison d’une faiblesse relevée au niveau de la coordination entre les institutions chargées des affaires MRE pour la mise en œuvre des politiques publiques et des dispositifs dédiés aux Marocains du Monde (MDM), le Conseil économique, social et...

Décès de Malika El Aroud, « La Veuve noire du Jihad »

Malika El Aroud, condamnée pour terrorisme en 2008, est décédée à l’âge de 64 ans. Cette femme, qui avait la double nationalité belge et marocaine, avait été déchue de sa nationalité belge en 2017 pour avoir « gravement manqué à ses devoirs de...