Chirurgie : Dessine-moi un visage

13 mai 2007 - 14h19 - Maroc - Ecrit par : L.A

Le marché marocain de la chirurgie esthétique a le vent en poupe, alimenté par une clientèle locale décomplexée, mais aussi par une demande étrangère, attirée par des tarifs canon. Tour d’horizon. Bien décidée à semer la zizanie entre Narjiss et Omar, la perfide Maria trahit le secret de sa meilleure amie et dévoile au fiancé l’âge véritable de sa promise.

C’est bien connu, l’amour, comme les liftings successifs, rendent aveugle. Voilà en substance ce que pourrait donner une adaptation locale d’un épisode de Nip Tuck, la série américain autour de la chirurgie plastique. Et au lieu de Miami la Floridienne, Casablanca l’Africaine ferait un décor plausible.

Le secteur de la chirurgie plastique connaît une croissance spectaculaire, souvent à deux chiffres, pour les opérateurs du secteur. “L’activité s’est fortement développée ces cinq dernières années”, apprend-on de source médicale, confirmant le statut de capitale arabe autoproclamée de la chirurgie esthétique pour Casablanca.

Comme c’est le cas ailleurs, les raisons de cet engouement sont avant tout sociales. “Les médias véhiculent une image du beau, qui, à force de matraquage, devient une référence, presque une obligation”, semblent reprendre en chœur les spécialistes interrogés. Une remarque qui sentirait le cliché si elle ne revêtait en filigrane une autre donne : “Le Marocain n’a jamais été à l’abri des diktats de la mode, mais ce qui est nouveau, c’est que l’offre s’est adaptée à la demande”, analyse un connaisseur. Comprendre : Les prix ont baissé de manière substantielle. Témoin de cette démocratisation, le prix moyen d’un lifting est passé d’environ 60 000 DH en 1990 à 30 000 DH aujourd’hui. Du coup, le rêve est (presque) à portée de main… et au coin de la rue. Car Casablanca n’a plus le monopole de la discipline. “La plupart des grandes villes marocaines comptent aujourd’hui leur plasticien”, affirme Nadia Ismaïli, professeur dermatologue à la Faculté de Rabat, auteur de plusieurs travaux sur le rajeunissement facial.

Une demande importante

Conséquence, les chirurgiens les plus réputés croulent sous la demande de patients - terme largement préféré par les professionnels à celui de client. “Certains vont jusqu’à contracter un crédit à la consommation pour s’offrir une liposuccion”, précise ce plasticien de Rabat. Et d’ajouter que l’acte s’est presque banalisé : “certaines de mes clientes se font même offrir des implants mammaires par leur petit ami”. Bizarrement, du côté du sexe fort, on n’assume pas complètement la chose. La pratique, bien qu’encore marginale, commence également à passer dans les mœurs : plusieurs plasticiens déclarent que leur clientèle compte un quart d’hommes, dont l’essentiel est certes tourné vers la greffe de cheveux.

Les jeunes ne sont pas épargnés par cette fièvre. “Mais en principe, il faut attendre la majorité pour goûter aux joies de la chirurgie plastique”, souligne ce médecin qui se targue de refuser des clients mineurs. Sofia, aujourd’hui cadre dans une banque de la place, n’a pas hésité à passer sur le billard au lendemain de ses 18 ans. La raison : une poitrine un tantinet trop discrète, lui répétaient, moqueuses, ses amis de lycée. Mais si l’expérience s’est révélée fructueuse pour Sofia, il n’en va pas de même pour tout le monde. Entre les nécroses cutanées, les asymétries faciales et autres ratages aux noms barbares, la multiplication de l’offre n’a pas fait que des heureux. Preuve en est le nombre grandissant de procès intentés par des clients mécontents. “Logique, explique ce médecin de la capitale, les textes régissant l’activité de chirurgie plastique et esthétique ne définissent pas clairement les champs de compétence des différents acteurs”. Conséquence directe : de nombreux médecins pratiquent la chirurgie plastique sans que leur formation ne les y autorise, préférant sans doute la manne de l’esthétique aux règles de l’éthique.

Mais l’histoire, clémente, ne retiendra ni le nom des bourreaux, ni le nombre de sacrifiés sur l’autel de la beauté. Expérience aidant, les techniques se sont améliorées et, les praticiens marocains revendiquent sans complexe des méthodes dignes des standards internationaux. Et à en croire les commentaires sur les forums de discussion, les résultats sont globalement au rendez-vous.

Scalpel au soleil

Des précurseurs, sentant l’opportunité, se sont même spécialisés dans le “tourisme médical”. L’histoire commence avec le début du troisième millénaire. Des touristes de passage au Maroc ont de plus en plus souvent recours aux services de plasticiens marocains. Flairant la bonne affaire, le Dr Mohammed Guessous, l’un des pionniers de la discipline, décide même d’orienter son activité vers cette niche et approche des agences de voyages pour leur proposer des packages comprenant séjour touristique et intervention chirurgicale.

En cela, il n’invente rien : le concept est bien connu sous d’autres cieux. En Tunisie, par exemple, des tour-opérateurs proposant un tel service ont même été agréés par le ministère du Tourisme, au même titre que n’importe quelle attraction touristique. Une pratique qui semble irriter ce médecin de la capitale économique. “En Tunisie, les patients débarquent, puis sont dispatchés dans des cliniques, sans diagnostic préalable, déplore-t-il. À ces méthodes, nous préférons une démarche médicale. Nous commençons par une consultation sur la base de photos pour constituer un dossier médical, avant de proposer un séjour touristique”. “Faux, rétorque cet autre médecin, ces pratiques ne sont pas systématiques. Les Tunisiens proposent des tarifs très compétitifs, jusqu’à 50% inférieurs à ceux pratiqués en Europe. Seulement, dans le lot, on trouve de tout. Un peu comme pour ce qui se passe au Maroc”.

Mais à Rabat comme à Tunis, le principal outil de communication reste le Net. Sur les sites spécialisés, l’internaute dégarni découvre qu’il a la possibilité de passer une semaine au Maroc, découvrir sa gastronomie et, entre deux tajines, recouvrer la chevelure de ses vingt ans. Le tout à un prix défiant toute concurrence. Attirée par des tarifs 20 à 40% moins élevés qu’en Europe, des clients affluent de France, de Belgique, du Golfe ou encore d’Afrique subsaharienne. “Au lieu de débourser 2000 euros pour ma greffe sur Paris, j’ai profité de mon séjour au Maroc pour la faire sur place et économiser 500 euros”, explique Michel, un habitant de l’Hexagone.

Envoi de brochure, relance téléphonique, diagnostic personnalisé… la technique commerciale agressive a fait ses preuves. En deux clicks trois validations, une demande de devis est envoyée et le rendez-vous fixé. “Aujourd’hui, ma clientèle compte 50% d’étrangers”, déclare le Dr Sanae el Mounjid, spécialisée dans la chirurgie plastique reconstructrice. Mais si les praticiens marocains ont réussi à conquérir des parts de marché à l’international, les étrangers ne sont pas restés de marbre face à la déferlante marocaine. Cette clinique française n’a pas hésité à ouvrir une succursale à Marrakech, tout en revoyant ses tarifs à la baisse, pour offrir un avantage comparatif. L’objectif, investir un marché porteur, le tout à moindres frais. Un risque de saturation possible du marché ? “Au Maroc, la chirurgie esthétique n’en est encore qu’à ses débuts. Et le vivier de patients est encore riche”, conclut un plasticien, pour le moins serein.

Top 5 : Les opérations les plus courantes

• Rajeunissement facial. Une des principales préoccupations des femmes, qui représente l’essentiel du fonds de commerce des plasticiens. Comptez 600 DH pour un peeling (exfoliation des couches superficielles de la peau), 3500 pour une séance de botox (produit anti-rides) ou de comblement de rides, et 35 000 DH pour un lifting (opération consistant à retendre la peau du visage pour effacer les rides).

• Liposuccion et lipofilling. La première consiste à aspirer les graisses non désirées. Tarif : à partir de 13 000 DH. La seconde est une suite logique : les graisses aspirées sont réinjectées pour remodeler la silhouette. Environ 20 000 DH.

• Greffe de cheveux. Cette opération, très prisée par la gent masculine, permet de retirer des cheveux des zones denses pour les implanter dans les zones dégarnies. Pour 4000 cheveux, il faut débourser à peu près 30 000 DH.

• Implants mammaires. Mise en place de poches de silicone, en vue d’augmenter son score de bonnet. Autour de 25 000 DH. Pour le même prix, vous pouvez aussi bien recourir à une réduction mammaire.

• Rhinoplastie. Appelée aussi rabotage de nez. Une pratique courante, dont le prix excède rarement les 20 000 DH.

TelQuel - Youssef Ziraoui

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