Les MRE s’interrogent sur leur double appartenance

30 avril 2003 - 11h32 - Maroc - Ecrit par :

Dans un monde changeant et fluctuant, la notion même de la citoyenneté se pose, avec acuité et soulève un grand nombre d’interrogations, voire d’inquiétudes. Cette question devient proprement problématique dès lors qu’elle est associée au phénomène de l’émigration, surtout à la lumière de la construction européenne de la montée de l’extrême droite, principalement dans certains pays européens (Pays-Bas, Espagne, Italie et même en France)...

...réputés être des destinations privilégiées de l’émigration marocaine et de l’amalgame qui s’est fait jour au lendemain des événements du 11 septembre 2001 et qui tend à confondre- sans discernement aucun- Islam et terrorisme.
C’est donc pour tenter de cerner ces problèmes et d’essayer de leur apporter ne serait-ce qu’un début de réponse que l’Association marocaine d’études et de recherches sur les migrations (AMERM) organise ces 25 et 26 avril, à la Faculté de droit de Rabat-Agdal, un colloque international sur le thème : « Migration et citoyenneté ». Interrogé sur les raisons et les objectifs de cette manifestation, Mohamed Khachani, président de l’AMERM, a précisé que « c’est le quatrième colloque dédié à l’émigration » et que « l’association opère un ciblage des thèmes de sorte que chaque rencontre soit consacrée à un problème donné ».
Ainsi, les trois premiers colloques ont ils pu traîter de « La femme et l’émigration », « L’émigration clandestine » et « L’exode des compétences ».
Le choix du thème, ajoute M. Khachani, a été dicté par le fait qu’« après les événements du 11 septembre 2001, on a constaté un changement, au niveau mondial, des attitudes et des comportements dans le sens d’une plus grande radicalisation à l’égard des émigrés, particulièrement arabes et musulmans ». Il y a aussi, estime-t-il, cette tendance à « transformer le projet migratoire de provisoire en définitif », mais également la montée des nouvelles générations qui revendiquent, de plus en plus fort, leur citoyenneté et-plus important encore- le Traité de Maastricht qui a instauré un « système de citoyenneté stratifié » qui consacre une ségrégation de fait entre sujet communautaire et extra-communautaire. Ainsi, par exemple, constate le président de l’AMERM, « un Marocain résidant en France n’a pas les mêmes droits qu’un ressortissant allemand qui vient à peine de s’y installer ». Sans parler, évidemment, de « l’exclusion des Marocains de l’étranger des dernières élections législatives ».
« Il est donc anormal que nous revendiquions la citoyenneté pour nos compatriotes résidant à l’étranger et que nous-mêmes n’honorions pas nos engagements à leur égard » et continuons à leur infliger une telle « frustration ».
Tout ceci, conclut M. Khachani, implique donc la nécessité d’un débat clair et de poser toute la problématique sous ses divers aspects, et c’est précisément la tâche à laquelle s’attelleront, deux jours durant, des universitaires, des chercheurs et des militants de la société civile venus de France, de Belgique, d’Espagne, d’Italie et d’Algérie afin, entre autres, de dégager un « tableau de bord assez complet » et d’avoir une meilleure visibilité.
Les organisateurs de ce colloque partent ainsi d’un constat simple, à savoir que « citoyen d’ici et de là-bas, les émigrés revendiquent le droit à l’égalité dans les deux espaces politiques, économiques et sociaux » dont ils sont issus ou qui les accueillent. Ainsi s’insurgent-ils contre ce stéréotype pour le moins dégradant qui les considère comme de « simples pourvoyeurs de devises » et réclament-ils, de plus en plus haut et fort, le droit de prendre part à la construction d’un Maroc démocratique et économiquement compétitif”, armés, pour ce faire, d’expertises et d’un savoir-faire indéniables.
Abdelkrim Belguendouz, l’un des intervenants lors de cette rencontre pose, quant à lui, la question de savoir « quelle représentativité institutionnelle (réserver) aux Marocains de l’étranger ? » et plaide ouvertement - en l’absence d’une telle représentativité, notamment au niveau du Parlement - pour la mise en place d’un « Conseil supérieur » des M.R.E. Il a également saisi l’occasion pour réclamer un débat public aussi large que possible sur « l’exclusion » de facto de centaines de milliers de Marocains de la vie publique de leur pays d’origine et de réparer « l’oubli » dont ils ont été victimes lors des législatives de septembre dernier.
Pour ce chercheur qui a fait de la migration son cheval de bataille, le problème qui se pose avec pertinence et acuité est de savoir si la citoyenneté est tributaire de la territorialité ou si c’est au contraire, un droit inaliénable et imprescriptible, quel que soit le lieu de résidence du sujet qui s’en réclame ou le revendique.
Il en vient ainsi tout naturellement à conclure qu’il serait plus judicieux de tirer les enseignements qui s’imposent de l’expérience du début des années 80 au cours de laquelle cinq circonscriptions de l’étranger étaient représentées au Parlement et d’apporter les aménagements légaux et réglementaires propres à(ré)crédibiliser les institutions représentatives et à assurer une réelle participation des M.R.E. à la vie publique plutôt que de rejeter, en bloc, cette expérience au prétexte qu’elle n’a pas été très concluante on qu’elle a tout simplement échoué.

Le Matin

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immigration - Double nationalité - MRE

Ces articles devraient vous intéresser :

Plaidoyer pour la nomination d’un ministre chargé des MRE

En raison d’une faiblesse relevée au niveau de la coordination entre les institutions chargées des affaires MRE pour la mise en œuvre des politiques publiques et des dispositifs dédiés aux Marocains du Monde (MDM), le Conseil économique, social et...

La justice espagnole sépare une famille marocaine : Nasser Bourita réagit

Suite à la décision de la justice espagnole de retirer la garde des enfants à une famille marocaine établie dans le nord du pays, le ministère des Affaires étrangères a tenu à commenter cette décision et fournir quelques détails.

Ramadan 2023 : le Maroc va envoyer 400 prédicateurs à l’étranger, surtout en Europe

Interpelé sur « l’encadrement religieux des MRE », le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, a déclaré que le gouvernement a pris ses dispositions pour que durant le mois de ramadan, cette opération ait finalement lieu après...

Où va l’argent des Marocains du monde ?

Les transferts des MRE ont atteint des niveaux record ces dernières années, malgré la crise sanitaire du Covid-19 et la conjoncture économique. À fin 2022, ces envois pourraient s’élever à 100 milliards de dirhams, soit une hausse de 13% par rapport à...

Au Maroc, les MRE investissent dans l’immobilier

70 % des investissements de la communauté marocaine résidant à l’étranger sont consacrés au secteur immobilier, selon Fatima Ezzahra El Mansouri, la ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de...

Opération Marhaba 2023 : des billets moins chers pour les MRE ?

Considérant le coût élevé des billets de bateau, le groupe parlementaire du Parti Authenticité et Modernité (PAM) a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour faciliter l’arrivée des Marocains résidant à l’étranger (MRE) dans le cadre de...

Maroc : les MRE font grimper les ventes immobilières

Les transactions immobilières sont en hausse au Maroc en ce début d’été, avec la forte demande des Marocains résidant à l’étranger (MRE) et notamment en Europe, qui affluent vers le royaume pour y passer leurs vacances.

Deux pertes dans la famille d’Omar Achadoud : décès soudain du footballeur et de son père

Le footballeur Omar Achadoud est décédé subitement dans son sommeil samedi dernier. Ce triste événement a été suivi par une autre perte douloureuse pour la famille trois jours plus tard, le décès de son père, Mbark, selon la mosquée de Houthalen...

Les MRE et la détaxe, ce qu’en dit la Douane

De très nombreux Marocains résidant à l’Etranger effectuent des achats quand ils sont en vacances au Maroc. Ces achats peuvent-ils faire l’objet d’une détaxe, c’est-à-dire donner lieu au remboursement, à ces acheteurs, de la Taxe sur la Valeur ajoutée...

Chaos à Tanger Ville : Un seul ferry et des heures d’attente

Le port de Tanger Ville connait une congestion maritime sans précédent ces derniers jours, en raison d’une pénurie de navires de transport maritime entre Tanger Ville et Tarifa en Espagne.