Aïssa Dghoughi accuse de dopage le demi-fond français

27 juillet 2007 - 02h30 - Sport - Ecrit par : L.A

Le demi-fond français n’a pas terminé le grand ménage débuté à l’été 2006. Selon nos informations, dans un courrier daté du 27 juin, le demi-fondeur marocain Aïssa Dghoughi a fait parvenir à la commission médicale de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) une liste d’athlètes français auxquels il s’accuse d’avoir fourni des produits dopants.

Dans cette lettre, il affirme également que son compatriote Khalid Skah, champion olympique du 10 000 m en 1992 et champion du monde de cross-country en 1990 et 1991, et une manager allemande d’athlètes, Dorothee Paulmann, en auraient fait autant.

Parmi les athlètes mis en cause figurent l’ex-recordwoman de France du 1 500 m Latifa Essarokh, et l’ex-champion de France de cross-country Khalid Zoubaa, qui purgent actuellement des suspensions respectives de deux et trois ans pour des contrôles positifs au stanozolol (stéroïde anabolisant) pour la première et à l’EPO pour le second.

Mais Aïssa Dghoughi cite également Yamina Bouchaouante, Julie Coulaud, recordwoman de France du 3 000 m steeple, Bouchra Ghezielle, médaillée de bronze sur 1 500 m aux championnats du monde de 2005, Mustapha Tantan et Bouabdellah Tahri, ancien co-recordman d’Europe du 3 000 m steeple.

Khalid Skah a, selon lui, fourni des produits à Essarokh, Zoubaa et Bouchaouante. Quant à Dorothee Paulmann, qui vit à Trier (Allemagne), ancienne épouse d’un médecin, ex-triathlète et manager agréée par l’IAAF de la demi-fondeuse kényane Edith Masai, elle fournirait "régulièrement" Bouabdellah Tahri en produits prohibés.

Actuellement en stage en Suisse, Bouabdellah Tahri n’a pas répondu à un message téléphonique du Monde. Jean-Michel Dirringer, son entraîneur, affirme que Bouabdellah Tahri "ne connaît pas ni ne fréquente Mme Paulmann". "Les rumeurs plus ou moins diffamatoires sont malheureusement fréquentes dans notre milieu, et nous avons pris l’habitude de ne pas en tenir compte. Ces allégations sont d’autant plus méprisables qu’elles émanent de personnes déjà sanctionnées par les instances sportives et actuellement poursuivies par la justice", a déclaré M. Dirringer au Monde.

Injections d’Epo et d’hormones de croissance

Dghoughi décrit certaines des personnes incriminées comme "dangereuses" et susceptibles de lui infliger de "très sérieuses représailles".

Champion du monde scolaire cadet de cross-country en 1998 "sans produits" et coureur de fond de niveau international, Aïssa Dghoughi explique – dans sa missive dont des copies auraient également été adressées au bureau régional de l’Agence mondiale antidopage (AMA) à Lausanne (Suisse) – avoir pris des produits dopants et s’être livré à un trafic afin de "gagner de l’argent pour nourrir [sa] famille". Il raconte qu’"en côtoyant le haut niveau", il a "décidé de faire comme tout le monde". Il évoque notamment un stage avec Khalid Skah où il aurait constaté que son compatriote "avait pris de l’EPO au moins de 2003 à 2005". Il se souvient d’un autre stage à Ifrane, site marocain d’entraînement en altitude, en avril 2003, où Skah, Latifa Essarokh et Khalid Zoubaa auraient pris "sous [ses] yeux de l’EPO et des hormones de croissance".

L’ancien international explique qu’en mai 2005, Yamina Bouchaouante, une autre internationale française spécialiste du 3 000 m steeple proche du groupe d’entraînement de Skah, lui aurait demandé de la fournir en produits "pour améliorer ses performances". "Je ne lui ai rien donné mais Skah l’a fait", affirme Aïssa Dghoughi.

Il raconte encore qu’il aurait eu connaissance du fait qu’au printemps 2005, un "ancien coureur de 100 m d’origine nigériane suspendu pour dopage" se faisant appeler André, installé à Barcelone (Espagne) et revendiquant le titre de médecin, aurait fourni des produits dopants à la Française Bouchra Ghezielle, recordwoman de France du 1 500 m, et qu’elle lui devrait "sa médaille de bronze d’Helsinki".

En novembre 2005, Dghoughi dit avoir "assisté lors d’un stage à Ifrane" avec Julie Coulaud et son compagnon Mustapha Tantan à des injections de Dynepo (forme d’EPO) sur la jeune femme qu’il aurait également vu prendre de l’IGF One (hormone de croissance). Il précise que les produits étaient conservés dans le réfrigérateur de l’appartement dans lequel le trio séjournait.

"Je l’a vue donner des produits à Tahri"

Actuellement sous le coup d’une suspension de trois ans (jusqu’en décembre 2009) après s’être soustrait à Saint-Moritz (Suisse) à un contrôle antidopage inopiné dans des conditions rocambolesques (il avait quitté ses chaussures de ville pour fuir en courant les contrôleurs après avoir tenté de se faire passer pour un autre), Aïssa Dghoughi explique son courrier par le besoin de se délivrer d’un "fardeau trop lourd pour [ses] épaules".

Ce coureur doué issu d’un milieu rural très modeste fut le compagnon de Latifa Essarokh, qui lui aurait promis une naturalisation grâce au mariage en échange de produits dopants.

En janvier 2005, il avait été arrêté lors d’un contrôle routier avec Mustapha Tantan en possession d’EPO et d’hormones de croissance, et avait reçu du tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône (Rhône) une peine de quatre mois de prison avec sursis.

Il explique aujourd’hui que "blessé à l’époque" et ne parvenant pas à guérir, il avait endossé toutes les responsabilités afin de "protéger la carrière" des athlètes auxquels les produits étaient destinés : Coulaud, Essarokh, Tantan et Zoubaa.

A ces aveux qu’il certifie "sur l’honneur", Dghoughi ajoute que Dorothee Paulmann a "dopé ses athlètes en 2001 et 2002" et qu’elle dispenserait des produits dopants à d’autres athlètes, dont Bouabdellah Tahri. "Je l’ai vue donner des produits à Tahri, dit Dghoughi dans sa lettre. Il n’habite pas loin [à Nancy] et se déplace régulièrement pour se fournir auprès d’elle."

Le courrier de Dghoughi aurait été remis à l’IAAF et à l’AMA par l’entremise d’Hind Dehiba. Ex-recordwoman de France du 1 500 m, celle-ci purge une suspension de deux ans pour un contrôle positif à l’EPO, consécutif à sa garde à vue et à celle de son époux et entraîneur Fodil Dehiba, interpellé fin janvier à l’aéroport de Roissy en possession de fioles d’hormones de croissance au retour d’un stage aux Etats-Unis.

Les raisons de la collaboration de Dghoughi – aujourd’hui installé aux Etats-Unis – avec le couple Dehiba sont encore nébuleuses. Dans un premier temps, le couple s’était attaché à démontrer des vices de forme dans ces procédures, comptant porter l’affaire devant le tribunal arbitral du sport (TAS) et le tribunal administratif et faire casser la sentence. Il semble aujourd’hui vouloir négocier une remise de peine auprès de l’IAAF pour Hind Dehiba en se basant sur le règlement international, qui prévoit une clémence pour les repentis coopératifs. Par son témoignage, Dghoughi espère, comme il le souhaite explicitement dans son courrier, obtenir, pour lui et Hind Dehiba, l’indulgence des autorités sportives.

Depuis l’affaire Balco aux Etats-Unis, des suspensions d’athlètes ont eu lieu sans contrôle positif à la suite de témoignages et d’éléments de preuve, comme celle de l’Américain Tim Montgomery, ex-recordman du monde du 100 m.

Le Monde - Patricia Jolly

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