Les banques anticipent le tassement du marché immobilier marocain

20 février 2008 - 13h10 - Economie - Ecrit par : L.A

La croissance ininterrompue depuis cinq ans de l’immobilier marocain a eu pour conséquence heureuse l’entrée de nombreuses catégories de ménages peu solvables dans des logements financés parfois jusqu’à 120% de la valeur de leur bien. Des engagements risqués ? Cette pratique des 120%, considérée par certains analystes comme une entorse à la prudence bancaire, était l’astuce pour faire face au fameux « noir » exigé en cash par les promoteurs immobiliers.

Durant l’année 2007, les institutions membres du GPBM (Groupement professionnel des panques du Maroc) ont débloqué des crédits au profit de 28.000 ménages à revenus faibles et irréguliers ; ce qui a fait progresser de 30,8% l’encours des crédits immobiliers sur une seule année. Le montant frôle désormais 100 milliards de dirhams (il est d’exactement 93,5 milliards) contre à peine 30 milliards en 2002.

Cette situation, expose-t-elle les banques marocaines face à une année 2008 incertaine ? Les banquiers marocains interrogés sont catégoriques : il n’y a pas de crise en vue, explique Nour Eddine Charkani, président du directoire de Wafa Immobilier, branche dédiée d’Attijariwafa Bank : « La folie va se calmer et le marché va en profiter pour mûrir. Les taux vont se stabiliser sur le moyen et le long termes ».

Pourtant, sur le marché primaire, les offres des intermédiaires et des banques sur les bons de Trésor sont orientées à la hausse depuis plusieurs semaines. Mamoun Tahri, chef du département des études et de la documentation à la BMCE Bank, pense qu’il s’agit là d’« une pression sur le marché de l’immobilier, marché dont les taux planchers sont indexés justement sur ceux des bons de Trésor ». Pour ce jeune cadre, la pression sur l’offre résulte du fait qu’il y a eu peu de conventions sur les logements économique signées entre 2005 et 2006. « Et comme il y a toujours deux ans de décalage entre la signature des contrats et la commercialisation, nous notons un certain déséquilibre sur la période 2007-2008 ».

Comme l’a précisé M. Tahri, la plupart des banques qui avaient aligné leurs offres sur les taux minimums règlementaires (5,07% sur le long terme et 4,62% sur le court terme) ont été contraintes par les tendances du marché à réajuster leurs offres à la hausse.

Capacité de remboursement

D’autre part, durant les cinq dernières années, l’embellie était telle que, face à la concurrence, les banques ont lancé des nouvelles formules de crédit avec des financements pouvant couvrir 110 à 120% de la valeur du bien et étalés sur de longues périodes (15-25 ans). Ce sont en général des crédits accordés aux ménages à revenus faibles voire irréguliers. « Le risque est maîtrisé puisque l’Etat garantit ce type de clientèle. Mais je serai toutefois plus circonspect sur les quotités de financement à 120% et même à 100% », précise un banquier qui préfère garder l’anonymat pour des raisons de concurrence.

Cette pratique des 120%, considérée par certains analystes comme une entorse à la prudence bancaire voulant que le quantum de financement (rapport entre le crédit alloué et la valeur du bien) soit toujours inférieur à un, était l’astuce trouvée pour faire face au fameux « noir » exigé en cash par les promoteurs immobiliers et qui pouvait représenter jusqu’à 15% de la valeur du bien. Tant que les taux étaient faibles, les banques pouvaient s’engager un peu plus dans le risque sans trop de dommages. Aujourd’hui, les tendances de marché s’inversent ramenant au premier plan la question de la capacité de remboursement des ménages.

Si ce scénario se confirme, les clients qui ont contracté des crédits immobiliers à taux variables (représentant 42% des crédits accordés en 2006 selon Bank Al Maghrib) devront globalement ressentir le relèvement de leurs traites mensuelles. Pas de crainte toutefois, prévient un cadre de Wafa Immobilier, d’un « micro-subprime », vu que l’Etat marocain, via des fonds appropriés comme le Fogarim, garantit systématiquement les crédits accordés aux ménages pauvres.

Source : Les Afriques - Adama Wade

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immobilier - Banques - Prêt - Groupement Professionnel des Banques du Maroc

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : l’agent immobilier associé à la lutte contre le blanchiment d’argent

Le Maroc veut impliquer la profession de l’agent immobilier dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Mais sa réglementation s’avère avant tout urgente.

Maroc : le secteur immobilier marque des points malgré la crise

En 2023, malgré les chocs endogènes, la conjoncture internationale et la stagnation de l’activité, le secteur de l’immobilier au Maroc a montré sa résilience. Et, les perspectives pour l’année prochaine s’annoncent meilleures.

Au Maroc, les MRE investissent dans l’immobilier

70 % des investissements de la communauté marocaine résidant à l’étranger sont consacrés au secteur immobilier, selon Fatima Ezzahra El Mansouri, la ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de...

Maroc : les virements bancaires instantanés opérationnels en mai

Annoncée en début d’année pour être effective au premier trimestre, la décision de Bank Al-Maghrib de mettre en place un système de virement bancaire instantané, sera opérationnelle en mai. Il offre plusieurs avantages comme la rapidité des transactions.

Les agences bancaires marocaines en voie de disparition

Bank al-Maghrib a annoncé la diminution du nombre total des agences bancaires sur le territoire du royaume, passant de 5 914 en 2022 à 5 811 en 2023.

Maroc : changement majeur chez Airbnb

La plateforme américaine Airbnb interdit désormais toutes les caméras de surveillance à l’intérieur des logements mis en location. Cette nouvelle règle entrera en vigueur en avril dans tous les pays, y compris le Maroc.

Maroc : où en est l’aide au logement ?

Des discussions sont en cours entre les parties prenantes pour finaliser le décret relatif à l’aide directe au logement en vue de sa présentation au Conseil de gouvernement dans les prochains jours.

Les banques marocaines se disent asphyxiées par les taxes

Afin d’élargir l’assiette fiscale, le gouvernement envisage de prendre de nouvelles mesures vis-à-vis des entreprises du secteur financier. Ainsi, à partir de 2026, les banques doivent supporter un taux de 40% sur leurs bénéfices et payer 5%...

Promoteurs immobiliers au Maroc : le fisc lance une opération coup de poing

La Direction générale des impôts (DGI) va lancer prochainement une vaste opération de contrôle et d’inspection visant les grandes entreprises et notamment les promoteurs immobiliers ayant eu recours à des pratiques frauduleuses pour bénéficier...

L’incertitude plane sur le marché immobilier marocain

L’offre immobilière partout au Maroc serait abondante et les prix abordables, selon les professionnels et les notaires. La réalité est pourtant toute autre.