Le CCDH rebondit sur la question de l’Immigration

15 mars 2007 - 00h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

Après plus d’une année, le Conseil consultatif des droits humains (CCDH) revient subitement sur les événements qui ont marqué, en automne 2005, les alentours des présides occupés de Sebta et Mellilia, lorsque des centaines de ressortissants subsahariens voulaient passer de l’autre côté des barbelés. Un rapport de plus de quarante pages essaye de mettre la lumière sur les tenants et aboutissants de cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre à l’époque.

L’objectif de ce rapport est aussi de démontrer la statut « victime » du Maroc face à ce phénomène. En fait, le Maroc avait été pointé du doigt comme étant une sentinelle au service de l’Europe. Le rapport de l’équipe de Driss Benzekri affirme ainsi que le Maroc ne fut que "bouc émissaire" dans ces évènements.

La première question que se posent beaucoup d’observateurs est de savoir pourquoi avoir attendu tout ce temps. Sachant que plusieurs organisations des droits humains des deux bords de la Méditerranée avaient établi des rapports sur la base de visites de terrain, cette question revêt toute son importance. « Dire après une année et demie que les ramifications géopolitiques de l’immigration à l’origine de ces incidents dépassaient largement le cadre national et régional" ne mène à rien, dans la mesure où tous ceux qui travaillent sur ce sujet ressassent la même chose : quoi de neuf donc ? », a tenu à noter un acteur des droits de l’Homme à Tétouan, présent aux alentours de Sebta lors de ces événements. Le différentiel de développement entre les deux continents est souvent présenté par tous les acteurs des droits humains et politiques intervenant sur ce sujet, ce qui ne ferait pas la force de ce rapport, ajoute un autre acteur des droits humains concerné à Nador. Pourquoi donc ce timing choisi pour « blanchir » une implication attestée ? Pourquoi est-ce le CCDH qui produit un tel rapport ?

Le CCDH est presque surpris que le Maroc soit, "aux yeux de nombreux observateurs, assigné au banc des accusés », alors qu’il est aussi victime et plus meurtri par des évènements ». Y a-t-il d’un côté des anges et de l’autre des diables ? Les rapports de l’Association du Rif des droits humains (ARDH) et des ONG andalouses, espagnoles et françaises ciblaient à la fois l’Espagne et le Maroc. Il y en a qui sont allés très loin en mettant en cause tout les pays européens. Ceci dit, rien n’élude la responsabilité de Rabat dans cette problématique. Il se peut après qu’on débatte du degré et de la hiérarchie de cette implication, mais rien ne peut effacer cette ardoise. Des balles ont été, bel et bien, tirées des fusils des gendarmes et mokhaznis marocains.

Par ailleurs, Driss Yazami, présent dans l’une des circonstances à la forêt entre Nador et Mellilia avait reçu en mains propres une copie d’un rapport fait à chaud, en l’occurrence celui de l’ARDH. Le même rapport avait été au centre des louanges du premier responsable du Haut commissariat aux réfugiés à Rabat, le qualifiant de plus proche de la réalité. Une autre question suscite la curiosité. Si le rapport parle des événements d’automne, ceux de terrain évoquent la situation qui prévalait auparavant dans les forêts ou aux centres villes orientales en particulier. Certes, il est clair que le Maroc a le droit de défendre son intégrité territoriale contre la criminalité et les fléaux qui en résultent, mais pourquoi avoir gardé le silence et observé un mutisme étonnant quelques années auparavant ?

Depuis le dimanche 25 juillet déjà, plus de 500 personnes avaient tenté de forcer le passage de l’autre côté des barbelés. Une bande vidéo établie par l’Association des droits de l’enfant à Mellilia montrait comment ils étaient la proie aussi bien de la garde civile que des forces marocaines. Tous ceux ayant réussi à passer ont été remis sur le champ aux forces marocaines qui les ont libérés pour aller à la forêt, si ce n’était l’Organisation Médecins sans frontières qui les avait pris en charge pour les évacuer sur l’hôpital Hassani de Nador.

Le rapport du CCDH ne parle pas, mais de non-respect de la loi, puisque les Subsahariens ou asiatiques qui réussissent à passer de l’autre côté des barbelés doivent être amenés par la garde civile au commissariat pour subir un interrogatoire, alors que les Espagnols les livraient aux forces marocaines.

Sans aucun doute et comme le souligne à raison d’ailleurs le rapport du CCDH, « les assauts massifs de migrants contre les murs de barbelés dressés autour de Sebta et Mellilia, rappelle le CCDH, "ne sauraient être réduits à de simples incidents de parcours" puisqu’ils sont "les annonces de l’échec des accords de Lomé, ainsi que celui de la déclaration de Barcelone dont on vit, presque, le dixième anniversaire", mais en attendant, le Maroc devrait finir avec l’exclusion des personnes vivant dans la zone frontalière maroco-algérienne. Les campagnes illégales comme la dernière qui a porté sur quelques quartiers de Rabat doivent aussi cesser, puisqu’il faut distinguer ceux bénéficiant du droit d’asile, de ceux dont le dossier est en examen par le HCR et bien évidemment rapatrier dans les règles et le respect de la dignité humaine ceux qui ne disposent pas de papiers. Lorsqu’on applique la loi, il est possible alors de dire que le Maroc est simplement victime d’un phénomène qui dépasse la dimension nationale ou même régionale.

Libération - Nouri Zyad

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Sujets associés : Immigration clandestine - Conseil consultatif des droits de l’homme

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