Développement : « Associer la diaspora marocaine serait plus efficace »

20 juillet 2006 - 10h42 - Belgique - Ecrit par :

De retour de Rabat où il a participé à la Conférence euro-africaine sur les migrations et le développement, Armand De Decker, ministre belge de la Coopération au développement, a réuni la semaine dernière à Bruxelles des membres de la diaspora étrangère pour parler du rôle que pourraient jouer les Belges d’origine étrangère dans le développement économique de leur pays d’origine.

Dans un entretien exclusif accordé à L’Economiste, le ministre belge a livré tous les détails du projet Midma (Migration pour le développement du Maroc) que le gouvernement belge compte lancer en faveur des populations du nord du Maroc.

L’Economiste : Le gouvernement belge envisage de proposer au Maroc un programme intitulé Midma. Comment le qualifiez-vous ?
• Armand De Decker : Le Midma est un projet de développement économique qui se veut efficace. La communauté marocaine de Belgique est très importante. Elle est généralement bien implantée et a bénéficié d’une éducation et d’une formation de haut niveau.
J’ai beaucoup de respect pour cette communauté. J’ai, par exemple, certains amis médecins marocains qui ont pris des initiatives de développement dans le nord du Maroc, à Tanger et ailleurs, et qui sont tout à fait spectaculaires.
Ce qui est important c’est que même si le Maroc est un pays à revenu intermédiaire, c’est-à-dire sur le chemin du développement, il y a encore des milliers de jeunes qui prennent tous les risques du monde y compris celui de mourir pour se rendre en Europe. Ils sont très souvent victimes de trafiquants qui les encouragent dans ce genre d’opérations sans issue. La diaspora marocaine de Belgique veut faire changer les choses. Elle reste attachée à son pays d’origine et est donc concernée par ce problème. D’où notre idée de mettre sur pied un projet qui encouragerait les Marocains de Belgique à passer de quelques semaines à quelques mois par an avec un salaire rétribué par la coopération belge. Et ce, pour lancer des projets de développement ciblés, surtout dans le nord du Maroc. Je crois que ce serait utile et bien accueilli par la communauté marocaine de Belgique. Quelque part je crois que c’est cela l’avenir. Ce serait bien si les Marocains de Belgique pouvaient contribuer au développement de leur pays d’origine.


Pour ce projet, comptez-vous mobiliser les compétences et les ressources de la diaspora marocaine ici en Belgique ? Allez-vous établir une sorte de « Directory » des cerveaux marocains présents ici ?

• Non, quand même pas ! Je pense qu’il suffit tout simplement de définir des projets de développement et voir par la suite qui s’y intéresse. Cette définition devra se faire avec les autorités marocaines sur ce qui est le plus prioritaire pour le pays en termes de formation professionnelle, de soutien aux PME, etc.
Par la suite, il s’agira de rechercher ici en Belgique des Marocains qui ont envie de s’investir pendant une partie de l’année. A mon avis, nous trouverons des candidats totalement volontaires.

Pourquoi ce projet s’adresse-t-il uniquement au nord du Maroc ? Comptez-vous l’étendre à d’autres régions du pays ?
• La coopération belge travaille au Maroc depuis 40 ans. Nous avons essentiellement opéré dans le sud du pays, notamment dans la région de Ouarzazate ou dans la vallée du Drâa où l’on a amené de l’eau dans d’innombrables villages, et nous continuons à le faire. Nous avons parfaitement mesuré le message du Roi Mohammed VI de rattraper le retard de la région du Nord, notamment grâce à son initiative de développement humain et à laquelle la coopération belge veut s’associer. Nous voulons soutenir la volonté du gouvernement marocain afin d’agir efficacement dans le développement économique des régions qui ont été les plus oubliées par le passé et d’où proviennent d’ailleurs la plupart des Marocains de Belgique.

Le succès d’un projet tel que Midma est lié à sa promotion. Quel sera concrètement votre modus operandi ?
• Nous n’avons pas non plus des moyens illimités. Pour le programme similaire Mida, que nous avons développé pour l’Afrique des Grands Lacs, nous avons envoyé environ 165 experts Belges d’origine congolaise.
Pour le Maroc, ce chiffre tournera autour d’une centaine de Belgo-Marocains que nous enverrons temporairement au pays pour y travailler dans des projets de développement. Je crois que nous n’aurons pas besoin d’une très grande publicité pour trouver cette centaine d’experts qui accepterait de jouer ce rôle d’agent de développement. Très souvent, les projets souffrent du fait qu’ils donnent l’impression aux populations locales d’être imposés par l’Europe.
Notre volonté est que ce soit précisément des projets voulus par le Maroc et j’irai même plus loin, des projets souhaités par les populations des villages, car ce sont elles qui savent le mieux ce qui leur est le plus nécessaire et le plus utile. C’est dans cet esprit que nous pensons qu’associer des Marocains de Belgique aux projets faciliterait les choses et rendrait la coopération belge encore plus efficace sur le terrain.

Avez-vous une idée du budget qui serait alloué au Midma et de la date possible de sa mise en œuvre ?
• Je ne peux pas encore vous annoncer un montant précis car nous n’en sommes pas encore là. C’est une idée que nous avons préparée ces dernières semaines afin que je puisse aussi en toucher un mot à la récente conférence de Rabat sur les migrations et le développement. Maintenant, nous allons budgétiser cette proposition et l’affiner en collaboration avec l’Office international des migrations avec lequel nous avons développé le programme Mida pour les pays des Grands Lacs. Je dois aussi en discuter avec les autorités marocaines et d’ailleurs j’en ai avisé certains ministres marocains lors de ma récente visite à Rabat. Il est donc trop tôt pour fixer les montants. La mise en œuvre Midma pourrait, quant à elle, commencer dès le début de 2007.

Mida

Lancé en février 2005 en faveur des trois pays des Grands Lacs, le Mida est entièrement financé par la coopération belge au développement. Il est mis en œuvre par l’Office international des migrations (OIM), en collaboration avec les communautés congolaise, burundaise et rwandaise en Europe, l’OIM/Kinshasa et des cellules nationales de coordination dans les trois pays concernés. Le Mida développe des mécanismes d’analyse des besoins dans les secteurs prioritaires de développement des trois pays concernés. La consultation des instances gouvernementales et des forces vives des pays considérés, ainsi que des contacts suivis avec les partenaires de l’OIM, permettent d’établir le panorama le plus complet possible des secteurs qui souffrent d’un déficit de ressources qualifiées. Cet inventaire des besoins est revu régulièrement et intègre les plans stratégiques sectoriels pluriannuels. Ce processus permet d’identifier les employeurs susceptibles de bénéficier d’un transfert de compétences ou de ressources financières. Parallèlement à l’analyse des besoins, Mida met en place un mécanisme d’enregistrement des disponibilités des membres de la diaspora africaine en Europe. Par l’intermédiaire d’un site Internet, les personnes originaires des pays des Grands Lacs et qui résident légalement dans un pays de l’UE peuvent manifester leur souhait de contribuer au développement de leur pays d’origine.

Aziz BEN MARZOUQ - L’Economiste

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Sujets associés : Belgique - Immigration - Développement

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