Fatima Lalem, adjointe au maire de Paris

10 mars 2009 - 16h02 - France - Ecrit par : L.A

Native de Marrakech, Fatima Lalem est aujourd’hui adjointe au maire de Paris. Et présidente du comité de surveillance de l’Hôpital européen Georges-Pompidou.

Pour Fatima Lalem, l’année 2008 a été celle de la « consécration ». Elle-même le reconnaît volontiers. En octobre, elle a eu « l’immense honneur » d’être élue à la présidence du comité de surveillance de l’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP), le dernier-né des grands établissements hospitaliers parisiens. Plus de 4000 salariés, dont 432 médecins, y travaillent. En 2006, 204.000 consultations y ont été données et 54.000 patients accueillis.

« Cette nomination est une fierté, bien sûr, mais c’est surtout beaucoup de responsabilités », tempère Fatima. Le comité de surveillance est chargé de contrôler la gestion de l’HEGP, dont le budget s’élève à 268 millions d’euros. Il est consulté pour toutes les décisions financières et donne son avis sur les projets de développement.

Lors des élections municipales de mars 2008, Fatima Lalem a par ailleurs été élue conseillère municipale dans le 15e arrondissement de Paris. Bertrand Delanoë, le maire de la capitale, l’a choisie pour succéder à Anne Hidalgo au poste d’adjointe chargée de l’égalité hommes-femmes. Une mission importante, l’« égalité réelle » entre les sexes et la lutte contre les discriminations ayant été l’une des priorités de sa campagne électorale…

Évoquant ses nouvelles fonctions à l’Hôtel de Ville, l’intéressée ne cache pas son enthousiasme et parle avec passion de son plan de lutte contre les violences faites aux femmes. Dans son arrondissement, un premier centre d’hébergement a été ouvert pour accueillir les victimes. Deux autres le seront d’ici à 2014. Parallèlement, elle a lancé une campagne de prévention contre les mariages forcés et vient d’éditer un guide à destination des élus qui pourraient être confrontés à cette délicate question.

Quand son directeur de cabinet parle d’elle, le premier mot qui lui vient à la bouche n’est pas « Parisienne », mais… « Méditerranéenne ». Il la décrit, en souriant, comme « généreuse, chaleureuse et très combative ». De fait, Fatima est une femme de caractère, bien qu’elle n’ait guère tardé à adopter la langue de bois en vigueur dans le milieu politique, qu’elle fréquente désormais.

Évoquant Bertrand Delanoë, par exemple, elle ne recule pas devant le dithyrambe. « C’est un visionnaire qui ne fait pas de différence entre Françoise, Fatima ou Mohamed. Choisir une femme, d’origine maghrébine de surcroît, dans l’exécutif municipal, c’est tout un symbole ! » Un calcul, aussi, peut-être ? Réponse cinglante : « C’est d’abord pour mon expérience du terrain qu’il m’a choisie. »

À son crédit, il est parfaitement vrai que Fatima Lalem n’a pas fait ses armes dans les bureaux feutrés de la mairie de Paris ou au siège du Parti socialiste, rue de Solferino. Son expérience, elle l’a forgée au contact des personnes en difficulté.

Après un doctorat en économie publique, en 1982, elle travaille pendant deux ans dans une mission locale pour l’emploi des jeunes à Clichy-la-Garenne, au nord-ouest de Paris. Puis, entre 1994 et 1996, devient responsable de la communication de l’association « Profession Banlieues », qui s’efforce de promouvoir le développement social en Seine-Saint-Denis, avant de se spécialiser dans les questions de contraception et d’intégrer, en 2000, le bureau national du Planning familial. Elle y restera sept ans.

« Ce qui me passionne c’est d’être près des gens. Aujourd’hui encore, c’est dans mon travail avec les associations que je prends le plus de plaisir », commente Fatima. Pudique, elle répugne à chercher dans son passé les raisons de son engagement. « Je ne veux pas trop parler de moi », souffle-t-elle.

Fatima Lalem est pourtant une militante dans l’âme : à 18 ans, elle était déjà féministe. Un combat qui, reconnaît-elle quand même, fût-ce avec réticence, plonge ses racines dans son enfance, entre le Maroc et l’Algérie.

Née à Marrakech en 1950 d’un père algérien et d’une mère marocaine, elle est, très jeune, témoin des inégalités subies par les femmes de son entourage. « Femme au foyer, ma mère était pourtant assez politisée. Elle avait envie de travailler et c’est peut-être l’une des raisons qui expliquent que mon père et elle se soient séparés. » En ce qui la concerne, Fatima Lalem a toujours refusé de dépendre de qui que ce soit. Après le divorce de ses parents, elle quitte l’Algérie, où la famille s’était installée, pour rejoindre la France, son troisième pays.

Si Paris est aujourd’hui son unique terrain d’action, Fatima n’a pas perdu l’envie de s’investir à nouveau au Maroc et en Algérie. En 1984, rêvant de contribuer au développement du pays de son père, elle avait fait une première tentative. « À l’époque, se souvient-elle, il y avait un début d’ouverture démocratique, une vraie mobilisation des femmes pour leurs droits. »

Enseignante à l’université d’Alger, elle travaille simultanément à la mise en place du Planning familial algérien. Fatima en reste convaincue : « Dans les sociétés musulmanes, le rapport des femmes à la sexualité et à la maternité est fondamental. C’est un aspect essentiel de la lutte qu’elles mènent pour la défense de leurs droits. » Hélas, le retour en Algérie se solde par un échec, le projet de Planning familial ne voit finalement pas le jour. « Le combat était devenu trop difficile. En 1993, j’ai décidé de revenir en France. Mais ça a été très dur de voir ce projet s’écrouler. »

Quand elle parle du Maroc, en revanche, ses mots se font plus tendres. Fatima retrouve une certaine légèreté, évoque les membres de sa famille restés au pays et ces Marocaines dont la condition s’améliore… « J’ai gardé des contacts avec des militantes féministes pour qui j’ai beaucoup d’admiration. C’est à elles que l’on doit la Moudawana [le code de la famille, NDLR]. »

Mais la vie a suivi son cours. Aujourd’hui, Fatima Lalem se sent complètement française et n’a nullement le sentiment d’être déchirée entre ses trois identités. « C’est en France que je me suis mariée, que j’ai eu mes enfants et que j’ai fait carrière, dit-elle. En tant que femme, je sais ce que m’a apporté ce pays. Je suis d’une génération qui a pu se construire avec l’idée qu’une réelle intégration, qu’une vraie promotion sociale était possible. Ce n’est plus forcément le cas pour les jeunes d’aujourd’hui. »

Mère de deux filles, elle espère leur avoir transmis son goût pour l’autonomie. « Je suis particulièrement fière qu’elles aient l’une et l’autre choisi des filières scientifiques très pointues. Elles contredisent ainsi les stéréotypes selon lesquelles les filles n’aiment que les matières littéraires », se réjouit Fatima. Des stéréotypes que, pour sa part, elle s’est toujours évertuée à faire mentir…

Source : Jeune Afrique - Leïla Slimani

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