Interview à la chaîne de télévision France 2

30 décembre 2008 - 00h03 - 1996 - Ecrit par : L.A

Hassan II a accordé, le 3 mai 1996, une interview à la chaîne de télévision française "France 2", interview fait par Jean-Luc Mano et Alain Duhamel.

Vous allez vous rendre dans quelques jours à Paris, les rapports franco-marocains ont connu des hauts et des bas, est-ce la fin d’une brouille, l’annonce d’une ère nouvelle, un nouveau départ des relations franco-marocaines ?

Ecoutez, même dans les familles les plus unies, il y a toujours des hauts et des bas, bien que depuis longtemps nous n’ayons pas eu de creux de vague dans nos relations avec la France, et Je suis très heureux de visiter votre pays dans l’atmosphère qui régit les relations entre nos deux peuples, surtout, et entre le Président de la République et Moi-même.

Sire, vous êtes l’un des très rares grands chefs d’Etat à avoir personnellement bien connu les cinq présidents de la 5ème République en France. A-t-on le même genre de relations et de compréhension avec, par exemple, le général de Gaulle et François Mitterrand ?

Certes non. Mais il y a chez les deux des éléments que Je retrouve, que J’ai pu retrouver, à savoir une mémoire solide basée sur le respect de l’histoire, un attachement aux références de l’histoire et une nostalgie monarchique incontestable.

Chez les deux ?

Chez les deux.

Et avec Jacques Chirac, y a-t-il une relation particulière ?

Je le connais depuis 20 ans, parce qu’il s’occupait beaucoup des villes jumelées. Il a été donc amené à venir au Maroc pour assister à un certain nombre de conférences, et depuis lors nous nous connaissons.

Nous allons reparler plus tard des relations franco-marocaines, on va parler d’abord du Proche-Orient. Après le massacre de Cana au sud-Liban, et malgré l’arrangement politique qui a eu lieu, pensez-vous que, psychologiquement, les chances de la paix sont intactes ?

Il s’agit de savoir où l’on se trouve. Si l’on se trouve, périphériquement, à l’endroit où a eu lieu le séisme ou le sinistre, il est certain que les mémoires sont plus poussées à oublier. Je pense que là, on est allé un peu trop loin, et Je me demande si on n’y est pas allé sciemment car, en définitive, là d’où le coup est parti était repérable en principe, et on savait d’où le coup était parti.

Vous voulez dire que certains cherchent à saboter la paix ?

Je demanderai à tous d’avoir de la patience de lire, dans trois ou quatre ans, les mémoires qui seront écrites sur cette partie de l’histoire du Moyen Orient. Je pense que beaucoup de choses apparaîtront à la surface de part et d’autre.

Toujours sur le même sujet. Il y a quelques jours, il y a eu deux faits significatifs : d’une part, l’OLP a renoncé à certains articles de sa charte qui prévoyaient la destruction d’Israël et d’autre part, le Parti travailliste de Shimon Pérès a admis le principe de l’autodétermination des Palestiniens. Est-ce un type d’équilibre qui vous parait équitable à vous qui êtes mêlé depuis longtemps à ce processus ?

Il n’a pas admis l’autodétermination, il a admis l’existence d’un Etat palestinien...

Oui, l’autodétermination des Palestiniens.

Il y a quelques mois seulement, cela ne serait pas sorti des lèvres du premier ministre israélien, bien que peut-être le pensant au fond de lui-même, il ne l’aurait certainement prononcé que dans un cercle "mini-restreint" si l’on peut dire. J’estime que les choses sont équilibrées, et que partant de là, il faut aller de l’avant.

Vous avez, personnellement, fait beaucoup pour que ce processus de paix s’engage. Beaucoup de gens considèrent aujourd’hui que l’élection de Shimon Pérès à la fin de ce mois est une condition indispensable à la poursuite du processus de paix. Est-ce également votre sentiment ?

Elle est indispensable pour le processus de paix, pour le sauvegarder et pour le pousser plus en avant, incontestablement, car dès le départ, les jeux sont clairs, les idées sont claires et les prospectives ou les projections sont très claires, pour nous tous. Il est certain - à moins qu’il n’y ait un changement radical - qu’avec le parti du Likoud, les choses seraient moins porteuses d’optimisme.

Si Shimon Pérès et le Parti travailliste l’emportent à la fin de ce mois, pensez-vous que c’est rêver ou non que d’imaginer une paix globale dans la région - disons avant la fin du siècle - avec aussi la Syrie et le Liban ?

D’ici l’an 2000 ?

Oui.

Je pense qu’il faut être vraiment super-paresseux ou de très mauvaise volonté pour ne pas y arriver d’ici l’an 2000.

Au-delà des accords de paix, de la diplomatie, de la politique, croyez-vous que dans le siècle qui va venir, on va trouver le chemin d’une amitié ou, en tout cas, d’une bonne entente judéo-arabe ?

Il le faut, elle est nécessaire. Les traités sur le papier n’ont jamais rien valu, il n’y a que la cohabitation, la cohabitation véritable de rue à rue, de maison à maison, qui soit de nature à apporter vraiment cette paix qui doit être celle des coeurs, celle des cultures, celle des habitudes. Il faut s’habituer à vivre. Il faudra y arriver. Mais Je pense que l’un des éléments indispensables à cela, est de régler le problème palestinien.

Dans cette éventuelle cohabitation pacifique, sur la durée, entre musulmans et juifs, pensez-vous que quelqu’un comme vous a un rôle particulier à jouer, des signes à donner, des symboles ?

Moi, pas directement, mais il est certain que - comme Je les appelle - Mes marocains qui sont là-bas - ils sont à peu près 700.000 - ont plus que des signes à donner et ils les donnent. Ils les donnent de par leur culture, de par leur comportement. Je sais que pas mal d’entre eux votent à droite, traditionnellement...

lls votent souvent pour le Likoud...

Vous savez pourquoi ? Parce que lorsqu’ils sont arrivés là-bas, c’était l’époque où le Parti travailliste était le plus fort, et ils se sont plus occupés des juifs venant d’Europe. Pour eux, ceux qui venaient d’Afrique du Nord étaient à mettre dans le même sac. Juifs ou musulmans avaient tous la même note, le QI était assez bas, et ils les ont délaissé. Et, par tradition, ils ont voté pour le Likoud. Je suis sûr qu’ils ont dû comprendre entre-temps, ils viennent souvent ici, ils nous entendent parler, mais Je n’ai pas à intervenir dans une campagne électorale.

Il y a un autre sujet qui intéresse, qui concerne et qui souvent inquiète beaucoup les Français, à savoir la montée des intégrismes religieux. Par exemple, Jean Daniel vient de publier un livre sur : "Dieu est-il intégriste ?". A votre avis, le Maroc échappe-t-il à une montée des intégrismes ?

Au cours de son histoire séculaire, le Maroc a incontestablement connu des montées d’intégrisme. C’est presque une fièvre récurrente. Il n’y a pas de siècle où nous n’ayons pas eu, sur notre graphique historique. Une petite remontée intégriste, mais elle n’est jamais sortie du débat religieux. Elle a toujours gardé un fond religieux, comme l’Eglise en France, il y a un ou deux ans, elle avait un débat dont l’un des tenants était qualifié d’intégriste. Mais c’est loin de l’intégrisme que l’on nous dépeint de nos jours à travers le monde, violent, massacreur... non, ce n’est pas dans notre éthique.

Est-ce que le fait que vous soyez commandeur des croyants a aidé pour qu’au Maroc prévale un Islam plus pacifique, un Islam plus tranquille que dans beaucoup d’autres pays ?

Cela ne M’a pas aidé seulement Moi, cela a aidé Mes ancêtres, cela nous a tous aidé parce que l’un des principes du Coran est que les gens du livre qui vivent sur votre terre, ont droit à la même protection et aux mêmes droits que les musulmans.

Comment alors expliquez-vous qu’en ce moment, il y ait ces poussées d’intégrisme dans tellement de pays musulmans en même temps ? pourquoi maintenant ? pourquoi en même temps ?

D’abord parce que J’estime - ceci est un aspect nouveau - que le rythme des changements de la vie est un rythme très rapide. La civilisation, la société, le mode de vivre, tel que nous avons été obligés de l’apprendre, tel qu’on nous l’enseigne, est malheureusement à prendre ou à laisser. L’Occident est entré chez nous de cette façon. Il est entré par effraction, c’est à prendre ou à laisser. On n’a pas le bénéfice d’inventaire. On n’a pas le choix. On a été obligé de la prendre telle quelle. Il y a des choses que nous n’avons pas digérées, que nous ne pouvons pas digérer. Il y a des comportements que nous ne pouvons pas digérer.

Par exemple ?

Une sorte d’exhibitionnisme vestimentaire, par exemple, nous choque encore. Le fait qu’on puisse admettre le concubinage homosexuel, ce sont des choses qui sont...

...et vous pensez que cela fait partie des facteurs qui expliquent les poussées d’intégrisme ?

C’est une agression...

Comment expliquez-vous que deux pays voisins comme le Maroc et l’Algérie, qui sont proches, n’aient pas du tout la même situation vis-à-vis de l’intégrisme ?

C’est encore une question de société. Il ne faut pas oublier que la chance a voulu que le Maroc - et c’est l’un des aspects que le général de Gaulle et le Président Mitterrand, que Dieu ait leurs âmes, prenaient tous les deux en compte, a été le seul pays arabe indépendant de la Turquie. Pendant trois siècles et demi, nous avons résisté. Notre société est à part.

Comment l’intégrisme se combat aujourd’hui ?

Il y a l’intégrisme et l’action intégriste. L’action intégriste se combat comme l’action intégriste. Si elle est par l’écrit, on la combat par l’écrit. Si elle est par la violence, on la combat par ce qui arrête la violence. Si elle est par la pensée, on la combat par la pensée.

Pour un pays comme la France qui fait face à des problèmes d’intégrisme, quelles sont, à votre avis, les bonnes méthodes à utiliser ou les mauvaises méthodes à éviter ?

Ce ne sont pas des problèmes intégristes inhérents à la société française. Ce sont des problèmes extra-français, importés en France et teintés d’intégrisme. Mais de nature, ce ne sont pas des problèmes français. Je ne saurai donc vous donner le médicament parce que ce sont des problèmes politiques importés en France et qui se teintent d’intégrisme.

La position du gouvernement français concernant l’immigration est de dire que la France ne peut pas accueillir davantage d’immigrés compte tenu de la situation économique et sociale. Quand vous voyez des immigrés clandestins reconduits à la frontière dans leurs pays d’origine, est-ce que vous pensez que la France est dans son bon droit ? qu’elle a raison de le faire ?

Je ne peux pas demander à la France, loyalement, de priver ses propres fils de travail, nourriture, d’enseignement, de soins au profit d’autres qui ne sont pas les siens parce que Je sais que Je ferai personnellement chez moi : Je privilégierai d’abord les Marocains. Donc Je ne peux le lui reprocher. Ce qui m’a un peu choqué, c’est de voir qu’on était allé cueillir des gars qui s’étaient réfugiés dans une Eglise, cela m’a...

Vous avez souvent parlé d’incompréhension entre la France et le monde musulman. Est -ce qu’au coeur de cette incompréhension, il n’y a pas le fait que la France considère la laïcité comme une valeur essentielle et que l’Islam rejette ou n’accepte pas ce concept, cette idée de laïcité ?

La grande chance de la France à l’égard du monde arabe et à l’égard du monde musulman, c’est que Bonaparte ait précédé dans l’histoire le père de laïcité, Jules Ferry. Bonaparte a visité l’Egypte, l’Institut du Caire, avant Jules Ferry. Le respect qu’il a eu pour les musulmans, pour les mosquées... c’est parti de là. La France a fait son nid sous Bonaparte. Elle ne l’aurait pas fait sous Jules Ferry.

Excusez moi, je me permets d’insister sur le problème de la laïcité. Pour des population immigrées et musulmanes, qui rejettent cette idée là, est ce que vous pensez que la loi nationale doit prévaloir ?

Quand Je vis, par exemple, à Paris où Je reste quelques semaines dans ma propriété, Je respecte la loi du pays où Je suis. La loi de la laïcité doit être respectée.

Quand il y a des incompréhensions entre des Français et des Marocains. Il y a toujours incompréhensions à un certain moment. Qui doit faire le plus long chemin pour comprendre l’autre ?

Je crois que c’est vous, parce qu’on vous connaît mieux que vous ne nous connaissez.

C’est-à-dire ?

Vous n’êtes pas allés sur les bancs d’une école marocaine, tandis que nous, nous sommes allés, non pas sur les bancs d’une école française, mais on a eu des professeurs français. On connaît donc votre grammaire, on connaît votre langue, on connaît votre histoire, on connaît votre société. Vous ne connaissez rien de nous. C’est à vous de le faire maintenant. Il faut renverser la vapeur. Il faut faire un petit pas.

Vous avez le sentiment que l’on ne s’y intéresse pas assez ?

Non, loin de moi cette idée, mais J’estime qu’il y a de ces paresses qui sont naturelles, qui viennent instinctivement. C’est une paresse naturelle qui s’appelle la loi du moindre effort.

Sur un tout autre sujet, en France il y a en ce moment une croissance très faible, elle est même plutôt poussive, et puis il y a un taux de chômage qui est élevé, trop élevé même, qui est inhabituellement élevé en France. Au Maroc quel est le taux de croissance et quel est le taux de chômage ?

Je pense qu’il vaut mieux ne pas vivre avec les yeux rivés sur les graphiques de taux de croissance et de taux de chômage parce que l’on sait qu’il peut y avoir des miracles financiers et il n’y a pas de miracles économiques.

Une question que l’on se pose souvent en France : peut-on développer l’économie d’un pays comme le vôtre, comme vous voulez le faire, sans en même temps développer la démocratie ? Autrement dit, peut-on développer l’initiative sans développer les libertés ?

On ne peut pas développer les initiatives sans développer les libertés et, du reste, il n’y a aucune loi chez nous, aucune disposition, ni constitutionnelle, ni légale, ni réglementaire qui inhibe ou qui limite le droit à la propriété, à l’initiative privée...

Vous avez l’impression que les libertés politiques n’ont pas pris trop de retard par rapport aux libertés économiques ?

Non, pas du tout. Grâce à Dieu. nous sommes à jour sur le plan politique, sur le plan de tous les codes et les lois internationales. Il n’y a pas de problème.

Vous avez l’impression que vous progressez au même rythme dans le domaine de la démocratie politique que dans le domaine de la modernisation économique ?

Ecoutez, on ne peut pas demander à l’Europe d’être notre partenaire, nous avons signé avec l’Europe... et le Parlement européen va voter au mois de juin... On ne peut pas, du reste, elle n’aurait pas accepté, voter et être avec l’Europe en ayant deux visages et en ayant le Maroc apparent et le Maroc réel. Je pense que le fait qu’elle ait voulu s’associer à nous, prouve que nous sommes sains de corps et d’esprit.

En France, vous le savez - on va parler de dialogue franc - des gens, des intellectuels, de groupes, des associations vous critiquent pour non respect des droits de l’Homme. Est-ce que quand vous les écoutez, parfois vous les comprenez, vous en tenez compte ?

...de ceux qui parlent de cela chez vous ?

Oui.

A la fin, Je n’en tiens plus compte. Non, Je n’en tiens pas compte.

Vous trouvez qu’ils sont totalement injustes, ou qu’ils ont eu par le passé parfois raison, qu’il y a eu des dérapages, qu’il y a eu des erreurs ?

Je crois qu’ils vont avoir un accident de la circulation parce qu’ils regardent trop dans le rétroviseur.

Justement vous faisiez allusion dans l’interview que vous avez donné a Franz-Olivier Giesbert pour le Figaro, il y a deux ans, il y a eu des libérations de prisonniers politiques. Plusieurs centaines de prisonniers politiques ont été libérés...

Non, pas politiques. Ils étaient contre notre retour à notre patrie, notre Alsace-Lorraine qu’est le Sahara. Voilà. Ce n’est pas politique, c’est national.

Disons que vous ne les considériez pas comme politiques et qu’eux se considéraient comme politiques.

Voilà.

Est-ce qu’aujourd’hui, au moment où l’on parle, vous pouvez nous dire qu’il n’y a plus de prisonniers de ce genre ?

Non.

Il n’y en a plus ?

Formellement, non.

Et vous aviez eu raison quand vous les avez libérés, ou quand vous les avez mis en prison ?

J’ai eu raison deux fois. La première en évitant qu’ils ne nuisent à leur pays, ce qui les a amené à mieux réfléchir. Ce sont eux qui m’ont écrit en disant qu’ils étaient revenus à de véritables sentiments, donc ils ont cessé d’être nuisibles...

Vous vous flattez de la liberté, de la libéralisation de la presse au Maroc, qui est visible quand on lit les journaux ici. Quand, dans le même temps, vous interdisez à la vente ici un journal comme "Jeune Afrique", qui vous critique, ou un journaliste français qui est déclaré "persona non grata", est-ce que vous pensez que c’est la bonne méthode, qu’ils aient tort ou qu’ils aient raison, sur le principe même ?

Oui, sur le principe, effectivement. Je crois que c’est infiniment moins important que de réfléchir sur les chances de réélection de M. Pérès, de M. Eltsine et du Président Clinton.

Globalement, pour faire progresser votre pays, pour reprendre une formule tirée d’une citation du général de Gaulle, faut-il une poignée de fer ou pas ?

Non. Mon père, que Dieu ait son âme, M’a toujours dit, que le Maroc était un lion et, Je le répète, qu’il faut mener avec une ficelle.

Vous avez lancé une grande campagne, que tout le monde peut voir qu’elle est très vive contre la corruption. Est-ce qu’elle atteindra tout le monde, c’est à dire, est-ce que tout le monde peut être concerné quels que soient son niveau social, sa situation politique, ses éventuelles protections, est-ce que cela va atteindre tout le monde ? Tous ceux qui, naturellement, peuvent être suspectés ?

Il faut se dire que la corruption n’est pas née d’aujourd’hui, la corruption est née avec le monde. La corruption, le commerce illégal, le commerce de soi, sont les plus vieux métiers du monde, et sans corrupteurs, il n’y aurait pas de corrompus. Il n’est pas question pour moi de devenir Don Quichotte pour vouloir... non, ce serait à mon avis perdre son temps... traumatiser la population. Mais, de temps en temps, il faut rappeler les gens à l’ordre, il faut leur rappeler qu’il y a des codes, il y a des règles de conduite, d’autant que le pari que nous engageons est celui de la libre concurrence, avec le GATT, celui de la qualité, celui de la régularité dans les affaires et dans le commerce. Nous ne pouvons pas jouer dans la cour des grands tant que nous faisons les petits.

Il y a aussi une campagne que vous avez engagée qui est la campagne de lutte contre la drogue. Avez-vous l’impression dans ce domaine que vous atteignez vos objectifs ? Est-ce que, par exemple, vous arrivez maintenant à empêcher la production locale ou pas ?

Non, la production locale, il faut faire une reconversion. Nous travaillons et nous espérons que l’Europe nous donnera un bon coup de main. On en a parlé souvent avec eux, particulièrement avec la France. Non, nous avons donné un coup de frein aux trafiquants de drogue. Le temps que d’autres réseaux se constituent, nous aurons le temps, nous aussi, de nous armer pour.

Et sur la production, il vous faut combien de temps ?

Je pense qu’en deux, trois ans, nous pouvons...

...avec une aide ?

Avec une aide, parce qu’il faut reconvertir toute une partie du Royaume.

Vous allez très prochainement rencontrer le Président Chirac. Avez-vous le sentiment qu’il arrive à la France, aujourd’hui dans ses rapports avec le Maroc, de faire des erreurs de comportement sur le plan commercial ? Se comporte-t-elle comme il faudrait qu’elle se comporte ?

on, elle ne fait pas d’erreurs de comportement. Au contraire, elle est pleine de délicatesse comme nous-mêmes du reste. Même lorsque nous engageons un duel d’idées, le fleuret est toujours moucheté.

Une dernière question : cela fait plus d’un tiers de siècle que vous régnez, quel est au fond le moment où vous avez eu le sentiment d’être le plus utile à votre pays ? Et quel est le choix ou la décision que vous regrettez le plus, après cette longue expérience ? Le meilleur moment et le plus grand regret ?

Le meilleur moment est certainement celui où j’ai eu l’idée de la Marche Verte, quand il y a eu les 350.000 hommes et femmes qui ont marché pour le Sahara.

Et la plus grande erreur ?

La plus grande erreur, Je crains d’y retomber, malheureusement, c’est que Je fais trop vite confiance.

On dit que le Roi dit souvent : "Je veux", aujourd’hui vous diriez : "Je veux quoi pour le Maroc" ?

Qui ne dit pas : "Je veux"...

Vous pouvez le dire avec plus d’autorité que d’autres.

Je veux pour le Maroc - Je ne parle pas du peuple, il l’a toujours été - des dirigeants intelligents, une jeunesse intelligente, apte à saisir les occasions, à comprendre le siècle où elle vit, à ne pas vivre à l’ombre du politisme, mais guidée par le perfectionnisme et, surtout, par la réalisation et le réalisme. Voilà ce que Je veux.

03/05/1996

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