Interview au quotidien français Le Parisien

29 décembre 2008 - 23h35 - 1996 - Ecrit par : L.A

Hassan II a accordé, le 6 mai 1996, une interview au journal français "Le Parisien".

Majesté, Votre séjour officiel en France a-t-il une signification particulière et, si oui, laquelle ?

Nos deux pays doivent donner un nouveau souffle à leur coopération, tout peut y concourir aujourd’hui, la politique économique et culturel. Chacun sait, par ailleurs, l’exceptionnelle qualité de Nos relations avec le Président Jacques Chirac. Il y a donc un contexte très porteur pour relations maroco-françaises. A nous de faire preuve de créativité et de suffisamment de volonté pour que le Royaume du Maroc et la France établissent les règles d’un partenariat qui deviendra, demain, un partenariat de référence, dans l’espace euro-méditerranéen. Le champ qui s’offre à notre coopération est immense. Comme vous le savez, il y a déjà aujourd’hui plusieurs centaines d’entreprises françaises établies au Maroc et près de la moitié des investissements étrangers dans mon pays viennent de France. Ces investissements ont d’ailleurs pratiquement doublé au cours des cinq dernières années et l’on me dit que chaque semaine est étudié au Maroc, un nouveau projet associant intérêts marocains et français. C’est cette dynamique qu’il faut entretenir et élargir pour le bien de nos deux pays.

La communauté marocaine en France est importante. Quel doit, selon vous, être son rôle vis-à-vis de son pays d’accueil et vis-à-vis du Maroc.

Les Marocains vont en France et y travaillent depuis des décades. Ils ont su trouver un juste équilibre qui préserve leur identité et leur personnalité, un équilibre qui maintient aussi la qualité de leur relations spirituelle, familiale, économique avec le Maroc ceci, bien évidemment, dans le respect des lois et des règles de la République Française. Oui, cette communauté est importante, elle est dynamique et elle contribue, à sa façon, à enrichir nos relations et notre coopération. J’ai souvent dit également que quand ils vont en France, les Marocains y acquièrent une formation et une expérience qui, de toute façon, profitera un jour ou l’autre, naturellement au Maroc, mais aussi, à la France qui voit ainsi relayée sa technologie et ses produits. Pour Moi, l’immigration ne consiste pas à s’expatrier pour tendre la main. C’est, au contraire, partir ailleurs avant de revenir au pays, pour enrichir les autres de l’expérience acquise.

L’islam intégriste fait des ravages en Algérie. Le Maroc est-il totalement et définitivement l’abri de ce type de menaces ?

Il n’y a pas de fatalité de l’intégrisme. On peut être musulman et pratiquer sa religion en paix, dans le respect de la croyance et de la foi des autres. C’est d’ailleurs le cas de l’écrasante majorité de la communauté islamique dans le monde. La violence intégriste, même si elle est la plus spectaculaire et si elle retient le plus l’attention des médias, n’est pas représentative des centaines de millions de musulmans qui pratiquent leur religion dans la paix et le calme. Quitte à me répéter, Je voudrais dire, encore une fois, que la réponse la plus sure aux dérivés intégristes, c’est la liberté, un enseignement judicieusement dispensé et un juste équilibre entre le respect et la protection de son identité et les nécessaires acquis de la modernité.

Le Roi a joué un rôle discret mais efficace dans le développement du processus de paix au Moyen-Orient. Estimez-vous que les événement récents, attentats de Jérusalem et Tel-Aviv, action militaire d’Israël au Liban, le remettent sérieusement en cause.

Le processus de paix est irréversible, mais il est fragilisé par la violence et les dérapages que vous évoquer. Cette vulnérabilité est aussi révélatrice du fait que la paix qui se construit aujourd’hui reste pour l’essentiel la paix des gouvernements et des diplomates et qu’elle est de ce fait soumise aux aléas de la conjoncture sans avoir encore trouvé un ancrage suffisamment fort dans les populations palestinienne et israélienne qui sont le plus concernées. Il faut donc que la paix descende dans les rues de Palestine et d’Israël, que les échanges entre les deux populations s’élargissent à tous les niveaux de la vie au quotidien. Cette dimension de la paix, qu’il faut placer dans la perspective de la coexistence entre le futur Etat de Palestine et l’Etat d’Israël, reste à construire. Elle est et reste déterminante pour accélérer et approfondir le processus en cours.

06/05/1996

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