Maroc : 12 kamikazes étaient prêts à passer à l’acte

27 mars 2007 - 00h04 - Maroc - Ecrit par : L.A

Le 11 mars n’a pas fini de révéler ses secrets. Ce sont 12 kamikazes, prêts à passer à l’action, qui ont été arrêtés. Ils comptaient semer la mort dans des sites économiques, touristiques et sécuritaires, selon les révélations faites par le ministère de l’Intérieur. Ces recrues de Abdelfattah Raydi, le terroriste décédé du 11 mars, sont un pur produit marocain. Aucun lien avec des réseaux du terrorisme international.

Le Maroc n’est pas à l’abri d’actes terroristes. Le risque zéro n’existe pas, même dans les pays les plus avancés. C’est du moins ce qui ressort de la rencontre avec la presse des deux ministres de l’Intérieur Chakib Benmoussa et Fouad Ali Al Himma, mardi soir à Rabat. Cependant, cela ne veut pas dire que les services de sécurité ont baissé les bras. Au contraire, l’alerte est au maximum. La démarche des responsables de l’Intérieur est dictée par la volonté de jouer franc jeu avec l’opinion publique. L’objectif est de susciter une mobilisation plus généralisée de la population dans ce combat permanent contre le terrorisme.

Dans ce dossier, ils ont pris conscience de la nécessité d’impliquer toutes les composantes du pays, y compris les partis politiques et la société civile. La réunion avec les chefs des groupes parlementaires, programmée pour hier, abonde dans le même sens. Et pour cause, la menace, réelle, s’est accentuée depuis que le Maroc a entrepris en 2006 le démantèlement des réseaux de recrutement des volontaires pour l’Irak. Cette entreprise a fâché et contrarié Al Qaida qui a promis des représailles. Donc des actes de vengeance ne sont pas exclus. Plus tard, Fouad Ali Himma reconnaîtra une terrible pression sur les appareils de sécurité et le ministère de l’Intérieur. Les tâches sont multiples, le plan d’autonomie dans les provinces du Sud, la préparation des élections…

Les 6,5 kg d’explosifs saisis pouvaient servir à une vingtaine de ceintures

Une chose est sûre : le 11 mars est un pur produit local. Il n’a pas de lien direct avec les réseaux du terrorisme international, a affirmé le ministre délégué de l’Intérieur. Le kamikaze Abdelfattah Raydi avait des relations avec Assirat Al Moustakime et des liens avec Ansar Almahdi, dont le chef de file Hassan Al Hattab (actuellement en prison) a contribué au financement des opérations avec 10.000 DH. Le bijoutier Mohammed Talbi a participé à hauteur de 31.000 DH. Il comptait falsifier les billets de banque pour financer leur entreprise terroriste. Avant le 11 mars, Raydi portait la ceinture d’explosif depuis déjà 4 jours. C’est lui-même qui a fabriqué les explosifs, recruté les personnes pour des attentats. « 12 kamikazes étaient prêts à passer à l’acte, mais pas pour le 11 mars. Les 6,5 kg d’explosifs saisis pouvaient servir à une vingtaine de ceintures », précise le ministre.

En tout cas, cette opération a permis l’arrestation de 24 personnes à Casablanca, Rabat, Salé, Agadir, Tanger et Tiznit. Onze d’entre eux étaient liés aux évènements du 16 mai 2003. Il reste 6 personnes actuellement recherchées. Les cibles : les bateaux étrangers, des sites économiques et sécuritaires à Casablanca. Des lieux touristiques étaient également visés notamment à Agadir, Tanger et Essaouira.

Il est incontestable que la rapidité par laquelle Raydi a pu enrôler plusieurs jeunes dans son entreprise criminelle donne à réfléchir. En effet, le recrutement des jeunes a démarré à peine en novembre dernier. Cela montre l’ampleur d’une prédisposition idéologique importée. Les techniques utilisées sont également artisanales. Les produits utilisés sont vendus dans le marché. Cependant, la nouveauté réside dans la fabrication des produits toxiques. Ce mélange provoque des maladies graves. Dans cette opération, aucun biologiste n’est impliqué.

Les réseaux terroristes

Si le 11 mars est une opération artisanal ayant un cachet local, ses initiateurs ont des liens avec des idéologies bien étrangères. Ils puisent leurs inspirations dans des courants importés. Fouad ali AlHimma les classe en trois grandes familles de pensée. D’abord l’islamisme engagé radical des sunnites, salafistes-jihadistes. Ces mouvements ont un rayonnement en Orient, dans les pays du Golfe et dans la zone allant de la mer Rouge à l’océan Atlantique. Ils sont surtout présents dans la bande du Sahel, du Soudan à l’océan Atlantique. Autrement, dans le sud de l’Algérie, une partie de la Mauritanie, le nord du Mali, la création d’une franchise d’Al Qaida est incontestable.

Ensuite, la famille Chiîa. Son rayonnement dans la région du Golfe, avec un prolongement en Irak et en Iran est de notoriété publique. Elle essaie de s’implanter dans des pays de l’UMA. Enfin, la famille maroco-maghrébine. Elle puise ses sources dans Sunna-salafia. Elle se base sur un rite ouvert et ayant une histoire dans cette région. Si des luttes sont menées entre ces trois familles, les résultats en revanche vont dans la même direction.

Houssaini, « l’intello » d’Al Qaida

L’arrestation le 6 mars dernier de Saâd Houssaini, en fuite depuis 5 ans, n’a pas de lien avec le 11 mars. Recherché au Maroc et à l’étranger, il a pu pendant tout ce temps se cacher dans la région de Casablanca. « Houssaini n’a jamais été un agent de la DST qui aurait mal tourné. C’est un criminel, avec une formation universitaire, à l’image de Mejjati et ayant des liens importants au niveau d’Al Qaida », a déclaré le ministre délégué à l’Intérieur. Pour lui son arrestation n’est pas le fruit du hasard.

Le ministre a évoqué le Groupement islamique des combattants marocains, une organisation créée en 2000-2001 à l’étranger et dont Houssaini serait le n°2. Le chef de file est Guerbouzi. Pour les autorités anglaises, les éléments dont disposent le Maroc ne permettent pas son arrestation ni son extradition. Avec l’arrestation de Houssaini, cette organisation a été démantelée au Maroc. Al Himma précise que la coopération avec les services sur le plan international est exemplaire. Dans la lutte contre le terrorisme, le Maroc est écouté, a-t-il dit.

L’Economiste - M. C.

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