Sahara Marocain : « Il n’y a pas de polisario mais un algésario »

27 octobre 2003 - 22h14 - Maroc - Ecrit par :

Mohamed Ziane, Secrétaire général du Parti marocain libéral

Face au plan Baker et à la Résolution 1495, que doit faire, à votre avis, le Maroc ?

Le Maroc doit s’attacher à des principes de droit international qui ont régi le XXe siècle dans la lutte contre le colonialisme. De ce point de vue, on ne peut pas renoncer aux principes qui régissent les référendums à travers l’univers pour la simple raison qu’on peut nous proposer des cosouverainetés et des copartages.

Un premier principe est ainsi violé, celui de l’intégrité territoriale, sachant que le Sahara fait partie intégrante du Maroc. Nous avons beaucoup souffert de l’accord de Madrid avec une récupération partielle des provinces du sud. Le deuxième principe n’est pas de dire que nous avons des droits historiques, et nous voulons que la communauté internationale le reconnaisse. C’est un langage du XIXe siècle resté valable jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. A partir de 1960, une nouvelle pensée existe. On parle du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. On parle du libre-choix, des principes d’adhésion, de participation, de souveraineté nationale, de volonté populaire. En partant de principes bien établis, nous devons nous présenter comme les grands défenseurs de tels principes. Le XXIe siècle est un siècle de majorités. Personnellement, je suis convaincu qu’une grande majorité des citoyens originaires de la zone conflictuelle sont pour l’adhésion au Maroc. C’est cette voie qu’il faudrait creuser. Après le retour des séquestrés de Tindouf, surtout après celui de Abdallah Lamani, auteur de l’ouvrage L’horreur alors qu’il était dans un camp de concentration, nous sommes aujourd’hui convaincus qu’il n’y a pas de polisario. Il y a par contre un algésario. Il y a des masses de citoyens du Sahel, des Touareg, des personnes de ces régions qui se déplacent à cause de la sécheresse. L’armée algérienne les encadre, les prépare et les organise en bandes armées pour imposer sa politique. La majorité des gens qui constituent l’ossature du polisario sont des non-Sahraouis : ils sont Touareg, Maliens, Mauritaniens, etc, encadrés par des officiers de l’armée régulière algérienne. Le fait qu’au XXIe siècle une armée encadre et arme des citoyens pour faire pression sur un Etat membre des Nations unies est une violation flagrante des principes les plus élémentaires du droit international !

La solution est maroco-algérienne. Pensez-vous qu’il pourrait y avoir une volonté algérienne de dégager une solution par rapport au Sahara ?

Le conflit est algéro-marocain. La solution doit-elle émaner de la volonté ou de la concordance des deux volontés algérienne et marocaine ? Commence-t-on à découvrir aujourd’hui que des centres de décision internationaux imposent aux Etats récalcitrants la voie à suivre ? Volonté algérienne ou pas, la communauté internationale doit réaliser que ce qui se passe à Tindouf est contraire aux principes les plus élémentaires du droit international public, contraire aux conventions relatives aux droits de l’Homme, aux principes de la culture universelle… Il faut savoir qu’à Tindouf, les femmes n’ont plus aucune dignité et elles sont considérées comme des esclaves ; on y fait de l’élevage de femmes qui ne sont plus que des machines à enfanter. Tout cela se fait avec la complicité de grandes organisations internationales et des médias mondiaux.

Le Maroc s’engage, dans le cadre de sa démocratisation, dans une politique de régionalisation. La mise en œuvre de la régionalisation dans les provinces du sud pourrait-elle être une solution, sachant que celle-ci peut se trouver ailleurs qu’aux Nations unies ?

La solution doit se faire dans un esprit des principes et décisions des Nations unies mais l’on sent qu’elle est ailleurs. Les mécanismes onusiens sont efficaces, mais seuls les Etats peuvent les mettre en application. Souvent, quand ils le sont, il est déjà trop tard. Le monde arabo-musulman vit cette réalité depuis bien longtemps. Le Maroc devrait s’ériger en régions authentiquement et sociologiquement palpables et reconnaissables ; et ce sans crainte de sécession ou de xénophobie. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe dans le monde : des Etats-Unis au Canada en passant par la Belgique, l’Italie ou l’Espagne. Aujourd’hui, les pays s’organisent en régions avec une véritable vie culturelle et économique. C’est bien sûr une solution idéale pour le Sahara mais valable aussi pour le reste du Royaume. Parce que la France n’a pas pu s’organiser en régions, le Maroc semble faire de même. Dans le monde arabe, on craint de manière générale la régionalisation. Ce qui unit les Marocains, en plus de la Monarchie sur laquelle tous s’appuient, c’est le développement et l’émancipation, vecteurs d’unité.

La classe politique marocaine est restée trop longtemps en retrait par rapport à la question du Sahara. Aujourd’hui on assiste à la mobilisation des partis. Cette démarche est-elle crédible à vos yeux ?

Cette démarche n’est pas crédible. Le fait de se mobiliser au Maroc ne peut rien apporter de nouveau. Tout le monde sait que 100% des Marocains – un pourcentage horrible pour la démocratie !- sont convaincus de la marocanité du Sahara et sont derrière la politique Royale. Le dire et le répéter n’avance strictement à rien. Il faut par contre que nous nous décidions un jour à dire la vérité. Pendant la Marche Verte et l’application de l’accord tripartite de Madrid, une partie de la classe politique, aujourd’hui aux commandes, se trouvait en Algérie. Elle doit s’en expliquer devant le peuple pour que nous puissions redresser la barre.

Source : lematin.ma

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