Saïd Taghmaoui impose sa marque à Hollywood

24 février 2009 - 21h57 - Culture - Ecrit par : L.A

Quatorze ans après « La Haine », le jeune acteur français d’origine ­ma­rocaine tourne dans « Lost » a HawaII et enchaîne les films aux Etats-Unis. Sa mère peut être fière. Acteur vedette aux Etats-Unis, Saïd n’en a pas oublié d’être le meilleur des fils, revenant auprès des siens dès que le rythme infernal des tournages le permet.

A 35 ans, le gosse de la cité des 3000, à Aulnay-sous-Bois, partage son temps entre Los Angeles, la France et le Maroc, où il tourne un film sur la guerre d’Algérie, aux côtés de Thierry Frémont. Français, le film. La précision s’impose, car depuis son exil américain en 1998, Saïd Taghmaoui s’est forgé une carrure d’acteur international. Lui qui ne connaissait pas un mot d’anglais parle cinq langues, ­décroche des premiers rôles dans les blockbusters hollywoodiens et a été choisi par le chanteur Bono pour jouer dans les 14 clips du prochain album de U2.

Essoufflé, il arrive le portrait officiel du roi du Maroc sous le bras. S’excuse, s’explique. Il avait laissé cette photo chez ses parents lors de son déménagement et souhaitait la reprendre. Il s’engouffre en courant dans l’escalier qui mène à son « antre », son « bunker », près des grands boulevards parisiens. « Comme dirait mon père, on se reposera après la mort », lance Saïd en riant. On était prévenu. Le jeune homme de 35 ans parle en mode accéléré. Il aime les rencontres, surtout « les trente premières secondes, déterminantes », et ça se sent. Il s’enthousiasme, s’emporte, interroge. M’empêche de prendre des notes en me tapotant le coude pour attirer mon attention. Alterne vouvoiement et tutoiement sur les sujets qui lui tiennent à cœur.

Il a arrêté l’école à 14 ans. Autodidacte, il s’est aperçu en dévorant ses premiers livres « que la lumière s’allumait » autour de lui. « Je voyais mieux, je savais où je mettais les pieds, j’avais de nouvelles armes pour avancer. » Il venait de découvrir le « vrai secret de la vie : la littérature ». Du coup, aujourd’hui, il cite pêle-mêle Cocteau, « cette espèce de fulgurance de pensée », Guitry, « un tueur », et Voltaire, « pas la station de métro », sans oublier son propre grand-père. Regard de braise, Saïd minaude puis se lance dans une tirade sur l’avenir de l’humanité. Mais quand il commence à se prendre trop au sérieux, presque naturellement il s’interrompt. Change de registre en glissant une vanne ou en plaçant une rime : « Il faut choisir entre la discothèque et la bibliothèque », ou « Dostoïevski, c’est pas la “Star Academy” ». De temps en temps, il cherche ses mots entre le français et l’anglais. Normal, il vit « entre Los Angeles, Hawaii et le Maroc », et jongle avec sept langues, « l’arabe, l’anglais, le français, l’espagnol, l’italien, la langue de bois et celle du cœur ».

Pour la première fois, vous avez accepté de poser avec vos proches. Qu’est-ce que cela ­représente pour vous ?

Toutes les femmes de ma vie sont réunies : ma mère, mes sœurs, mon neveu et mes nièces. C’est symboliquement très fort. Trois générations d’immigrés, l’épopée de ma famille, l’histoire de l’immigration.

En quelle année vos parents sont-ils arrivés en France ?

Mon père a débarqué en 1954. Il était maçon. Il a même construit la cité des 3000, dans laquelle j’ai grandi à Aulnay-sous-Bois. J’ai vécu là-bas jusqu’à 25 ans. Mes parents n’ont jamais voulu s’en aller, alors je leur ai offert une petite maison, pas loin. Ils peuvent jardiner un peu et recevoir leurs amis.

Avez-vous toujours filé droit ?

Dans l’absolu, oui. Quand tu trouves ta passion très vite... Ce sont les gens qui n’ont pas d’espoir qui commencent à tourner en rond et à faire des conneries. Quand tu as la chance de trouver ta voie... C’est comme quand tu lis un livre et que tu ne regardes plus l’épaisseur du bouquin parce que tu aimes ce que tu lis. Ce n’est plus pénible. Le bouquin de ma vie était en plus très riche, englobant la musique, les costumes, les lumières, l’interprétation, la mise en scène.

Tout cela vous est pourtant tombé dessus par hasard, un jour, sur le chemin de la salle de boxe, lorsque Olivier Dahan vous a abordé et proposé de tourner dans un court-métrage...

J’ai eu comme un flash, un coup de foudre pour mon métier. Ça n’a pas pris longtemps à emplir ma vie. Avant, j’avais envie de devenir champion du monde de boxe, de marquer l’histoire de ce sport. Le but, c’est quand même d’accomplir quelque chose dans sa vie. J’avais commencé tôt, vers 14-15 ans, pour canaliser mon énergie car j’étais hyperactif. J’étais assez doué. Je me voyais bien faire une carrière pas très longue mais riche. Je me voyais aussi déjà partir pour les Etats-Unis, car, en France, on manque de respect envers les boxeurs. Et les grands champions qui me faisaient rêver venaient de là-bas.

Vous continuez de pratiquer ce sport ?

Je m’entraîne souvent, en compagnie des gens avec qui j’ai commencé. Comme Julien Lorcy, un des plus grands boxeurs français, qui est resté un ami intime. Et puis pour le métier que je fais... Je suis sur un créneau de films d’action qui nécessite énormément de physique. J’ai triplé de volume. C’est une corde à mon arc en tant qu’acteur. C’est un truc anglo-saxon de pouvoir utiliser son corps, de chanter, danser, faire des claquettes et jouer la comédie en même temps. La boxe, c’est important pour mon équilibre. Je suis aussi un grand coureur, je fais pas mal de marathons. J’aime le dépassement de soi à travers le sport. C’est une thérapie de luxe. Tu ne peux plus tricher. C’est un combat entre toi et toi. Un peu comme l’amour.

Pourquoi avoir choisi de quitter la France pour faire carrière ?

Après le succès de “La haine”, avec Mathieu Kassovitz, on ne me proposait pas de héros qui me ressemblait, de héros respectable auquel j’aurais pu m’identifier. Pour moi qui voulais faire du cinéma, Hollywood était la Mecque. Aux Etats-Unis, j’ai pu m’épanouir artis­tiquement et humainement. Là-bas, seul le côté professionnel compte. Il n’y a pas de copinage ou de “fils de”. Ça fait partie de la tradition de Hollywood d’accueillir des talents du monde entier. C’est ça, le rêve américain !

Vous avez suivi la campagne présidentielle et l’élection de Barack Obama...

Obama a aidé à cristalliser le ras-le-bol de la politique de Bush. On vit dans une ère de symboles et, même s’il lui reste encore beaucoup à faire, symboliquement cette élection a fait du bien au monde entier. Ça a permis de respirer profondément et de se dire : “Yes we can.” J’aime bien ce slogan... Ça change de “bon week-end” !

A quand un tel changement en France ?

C’est une grande question. On n’est pas prêt à avoir un Mohamed Obama. Pourtant, on fait partie de l’économie, de la politique et du paysage culturel français depuis longtemps. Ce n’est pas un problème d’intégration mais d’acceptation. On a du mal à perdre les mauvaises habitudes de la colonisation, notamment ce que j’appelle le “petit avantage” du Blanc sur l’immigré. Il faut conjuguer la France au pluriel. Le mépris est une arme de destruction massive. C’est dommage de se priver de toutes ces forces.

Vous êtes devenu copain avec Mark Wahlberg, George Clooney et Kate Winslet. Comment faites-vous pour rester en même temps proche de vos amis d’enfance ?

Je sais qui je suis et d’où je viens, même si je ne sais pas encore où je vais. Je porte sur moi ce que je suis. [Il esquisse un geste en montrant son visage.] Tu n’as qu’à descendre avec moi dans le métro. Il m’arrive encore de me faire contrôler trois ou quatre fois... En étant d’origine marocaine, en France, on n’oublie jamais d’où on vient... [Il éclate de rire avant de poursuivre.] Sinon, il y a des gens qui nous le rappellent tout le temps !

Vous enchaînez les tournages. Arrivez-vous à vous accorder un peu de temps ?

Il y a un moment où ça se calmera et où on fera des enfants. Inch’Allah...

Des enfants ?

Je veux une tribu, avoir 8 ou 10 enfants, minimum. Comme ça on peut jouer au foot, faire une équipe de basket... C’est ça, le vrai sens de la vie. Pour être plus sérieux, c’est fonder une famille.

Vous vous décrivez comme un artisan du cinéma et non une star. Vos choix sont hétéroclites.

Je prends le temps de lire tous les scénarios par respect pour ceux qui me les envoient. On me propose des choses et des rôles diamétralement opposés. Tant mieux. C’est de la composition que l’acteur tire ses lettres de noblesse. Pouvoir choisir est un grand luxe dans le cinéma. Parce qu’on est quand même sous le joug du désir des autres. C’est un aboutissement. En attendant de passer à la mise en scène et à la production...

Revenir au cinéma français ne vous tente pas ?

Tout le monde pense que j’ai les boules à ce sujet. Je vais trop bien dans ma vie pour avoir les boules ! Je suis prêt à faire des films français dès demain s’il le faut, avec le plus grand des plaisirs, à partir du moment où on ne sert pas ces entreprises d’abêtissement collectif... Et tu peux rajouter que je parle le français sans accent.

Source : Paris Match - Mariana Grépinet

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