Sur la piste du sniper de Targuist

14 octobre 2007 - 01h53 - Maroc - Ecrit par : L.A

Depuis juillet dernier, Le fameux “Sniper de Targuist” fait trembler les hommes de Housni Benslimane, en filmant des gendarmes en flagrant délit de corruption. TelQuel a retrouvé le fameux “Kannass”, en fait un commando de “Robins du Web” à l’organisation parfaitement huilée. Entre Al Hoceïma et Kétama, nichée au creux d’une montagne à quelque 1500 mètres d’altitude, Targuist est l’archétype de la petite bourgade marocaine. Ici, les visiteurs se font rares. Il n’y a que les grands taxis pour s’aventurer dans les routes sinueuses et les pistes accidentées, sans frémir devant les ravins vertigineux qui les bordent.

Sur place, les quelque 12 000 habitants semblent avoir déserté les ruelles, donnant au lieu des allures de ville fantôme. Ici, la population vit principalement de l’agriculture. Et pas n’importe laquelle : le cannabis est pratiquement la seule végétation qui daigne pousser sur le sol rocailleux. Les trottoirs, fraîchement repeints à l’occasion d’une visite royale, ne font pas illusion. Les bâtiments en ruines, datant de l’époque coloniale espagnole, côtoient les nouveaux immeubles, construits dans un amoncellement anarchique sur les flancs de la vallée. Hormis quelques cafés, inutile de chercher une quelconque infrastructure de loisir : pas de salle de cinéma, ni de centre culturel ou autre bibliothèque. Et le seul terrain de foot a été remplacé par une rangée de constructions. À Targuist, plus qu’ailleurs, “les jeunes n’aspirent qu’à une seule chose : trouver un travail à Tétouan et garnir les bancs des candidats à l’immigration clandestine, regrette Hassan Khemlichi, militant associatif. Targuist est livrée à elle-même, c’est un bout de ce qu’on appelle le Maroc inutile, dont personne ne se soucie”.

Souriez, vous êtes filmés !

Mais début juillet dernier, les choses ont changé. Une vidéo mettant en scène des agents de la Gendarmerie royale en flagrant délit de bakchich, a sorti Targuist de sa torpeur et, au passage, de l’anonymat. Postée sur le site de partage vidéo Youtube.com, l’enregistrement est l’œuvre d’un internaute inconnu, qui s’est offert le patronyme de “Sniper de Targuist” (Kannass Targuist, en arabe dans le texte). Depuis la montagne surplombant le barrage dressé à la sortie de la ville par les gendarmes, le chasseur d’images, armé d’un caméscope numérique, braque son objectif sur des gendarmes s’adonnant à un rituel visiblement classique : le racket. Les contrebandiers et autres “khattafa” (littéralement, les “voleurs de places”, expression consacrée désignant les transporteurs illégaux), qui constituent l’essentiel de leur “clientèle”, paraissent tout aussi rompus à l’exercice. Ils s’acquittent sans rechigner d’un droit de passage d’une vingtaine de dirhams. La vidéo, d’une durée de six minutes, rencontre un succès immédiat auprès des habitués du site Internet. En l’espace d’une semaine seulement, 350 000 visiteurs visionnent le film. Une audience exceptionnelle, et tout simplement record pour une vidéo “made in Morocco” !

Les semaines qui suivent, le Sniper récidive, postant à intervalles réguliers une deuxième, une troisième puis une quatrième vidéo montrant, encore et toujours, des gendarmes en flagrant délit de corruption. Seul changement au fil des enregistrements, leur qualité technique, en très nette amélioration. Les films bruts de décoffrage et dénués de commentaires cèdent progressivement la place à des spots plus élaborés, qui font la part belle aux techniques de montage. Autre nouveauté, et elle est de taille : l’inscription, en bas des images, des noms et des grades des gendarmes confondus.

Relayé par les internautes, l’exploit du Sniper se répand alors comme une traînée de poudre sur le Web, avant de faire les choux gras de la presse nationale et même internationale. Le célèbre anonyme a droit à des articles élogieux dans des journaux français, comme Le Monde ou Libération. Mieux, des extraits de ses vidéos sont diffusés par des chaînes d’information satellitaires, comme LCI ou Al Jazeera. Pendant ce temps-là, nos télévisions nationales décident, comme il est d’usage pour toute information politiquement incorrecte, de faire l’impasse sur le sujet.

L’état-major de la Gendarmerie, lui, sera prompt à réagir. Les neuf gendarmes apparaissant sur les vidéos sont traduits en justice (le procès est toujours en cours et les mis en cause auraient été mis aux arrêts, d’après plusieurs sources locales), tandis que le colonel qui commande la Gendarmerie dans la région, ainsi que son second, sont mutés illico presto… bien que selon la version officielle, ces départs étaient prévus depuis longtemps. Difficile de ne voir dans ces mouvements qu’un simple hasard de calendrier.

Suite à cette affaire, les brigades itinérantes (unités spéciales chargées de traquer les ripoux au sein du corps de la Gendarmerie royale) sont plus actives que jamais. D’après une source de la Gendarmerie, qui a préféré garder l’anonymat, “ces brigades avaient pour instruction d’être intraitables. Histoire de donner des exemples et de sauver la face devant une opinion publique scandalisée”. Piqués au vif, les gendarmes, solidaires, font alors front et préparent leur contre-attaque.

Commence alors une chasse à l’homme en bonne et due forme qui, d’emblée, vise les animateurs d’un forum sur Internet, consacré à Targuist. Créé début 2007, www.targuistcite.com est dédié aux actualités de la ville. Des potins divers aux rumeurs de souk, en passant par les faits divers, tout y est sujet à débat. Mais les thèmes qui attirent le plus l’attention des habitants de Targuist et les visiteurs du site, sont ceux relatant les frasques des autorités locales. Tel élu a détourné des fonds ? Il fait la Une sur le forum. Tel gendarme a touché un pot-de-vin ? Il a droit à un post pour lui tailler un costard. La palme de la délation pourrait revenir à cet internaute, qui publiera ce texte incendiaire : “Deux gendarmes ont débarqué ivres morts au domicile d’un trafiquant de drogue notoire pour le faire chanter. Alors qu’ils lui réclamaient 450 000 dirhams, ce dernier a réussi à négocier, ramenant la somme à 250 000 dirhams”. Affabulations ou véritables révélations de journaliste amateur ? Toujours est-il que les Targuistis sont très enclins à communiquer, protégés par l’anonymat que leur garantit Internet. Et visiblement, ils ont de la suite dans les idées. Fin juin, le “Kanass” poste sa première vidéo sur le forum de la ville. Elle n’y restera pas longtemps. Face à la pression des gendarmes, la séquence compromettante est rapidement retirée. En guise d’explication, le webmaster laisse ce message : “Nous nous excusons d’avoir mis en ligne cette vidéo et d’avoir occasionné du tort aux familles des gendarmes”.

Traques, menaces, enlèvements

Mais pour les gendarmes, le mal est fait et les excuses diffusées par le webmaster n’offrent qu’une maigre consolation. Mustapha, Karim et Samira(*), trois des modérateurs du forum, sont l’objet d’une véritable traque. “Ils nous ont convoqués oralement et par téléphone, explique l’un des trois concernés. Mais nous n’avons aucun lien avec celui que les gendarmes recherchent. On veut tout simplement nous faire porter le chapeau, parce que nous animons un forum sur Internet dédié à Targuist, et où les autorités locales n’étaient pas épargnées”. En l’absence de convocation écrite, le trio décide de ne pas donner suite à la demande des gendarmes et de ne pas répondre à leurs questions. “Ils ont eu raison de le faire”, lance Abderrahmane Benameur, avocat et militant au sein de l’AMDH (Association marocaine des droits humains), qui connaît son droit sur le bout des doigts. “Pour convoquer un citoyen, les gendarmes doivent avoir un ordre écrit provenant du Parquet, à moins qu’il ne s’agisse d’un flagrant délit. Dans le cas présent, ils pouvaient d’autant moins agir que le fait de filmer un gendarme en flagrant délit de corruption n’est pas un délit. Bien au contraire : c’est un acte civique encouragé par des articles de loi !”.

Les gendarmes, chez qui l’alerte (et la panique ?) semble être au maximum, ne s’embarrassent pas forcément de ce genre de considérations. Repéré alors qu’il revenait de la prière, Ahmed, jeune Targuisti d’une trentaine d’années, également membre du forum, est enlevé en pleine nuit, selon de nombreux témoignages recueillis sur place. “Ils m’ont emmené au poste de gendarmerie. Là-bas, j’ai eu droit à la totale. Ils m’ont d’abord violenté, mais comme je ne cédais pas, ils m’ont alors menacé de viol. Ils voulaient que j’avoue m’en être pris à eux physiquement, peut-être pour avoir un motif légal pour m’inculper”, raconte-t-il. Mais le jeune homme continue à résister, avant de comprendre les raisons de cette interpellation peu orthodoxe. “Ils me soupçonnaient d’être le fameux Kannas de Targuist. Du coup, dans le procès-verbal, ils ont glissé que j’avais filmé des gendarmes en train de se faire corrompre. Après deux nuits au poste, ils m’ont forcé à signer de faux aveux”.

Le commando de Targuist

“Les gendarmes ont tout faux. S’ils pensent avoir attrapé le Sniper de Targuist, ils se sont mis le doigt dans l’œil”, nous a déclaré un des membres de ce qu’il serait plus judicieux d’appeler le commando, plutôt que le Sniper de Targuist. Nous les avons rencontrés, à Targuist, dans des lieux et circonstances que nous ne révélerons pas, pour préserver leur sécurité. D’une moyenne d’âge de 25 ans, les membres de ce groupe - une bonne dizaine, dont une majorité d’étudiants - opèrent dans l’ombre depuis plus de six mois, et disent garder au chaud une flopée d’images compromettantes pour les hommes de Housni Benslimane. Leur leitmotiv : lutter contre la corruption, mais aussi occuper un terrain déserté par les partis politiques. Méditons la réflexion de ce membre du “commando”, pour le moins édifiante : “Ici, les gendarmes débarquent en sandales. Au bout de quelques mois à peine, ils quittent leur maison de fonction et s’installent dans une belle villa. Pour la première fois dans l’histoire du Maroc, nous avons apporté une preuve irréfutable de leur corruption”.

Au sein de l’équipe, les tâches sont réparties en fonction des compétences des uns et des autres. “Nous sommes plusieurs à filmer : un caméscope numérique et une série de zooms bien exécutés, et l’affaire est pliée. Ensuite, un technicien s’occupe du montage du film, et une autre personne se charge de sa diffusion et des éventuels contacts avec le monde extérieur, notamment la presse, lance un membre de l’équipe. Mais, prudence oblige, nous ne nous connaissons pas tous entre nous. Nous nous sommes inspirés des méthodes des anciens opposants politiques, réduits à la clandestinité mais bien organisés”.

Si bien organisés que le commando se permet le luxe de choisir ses cibles. Dans l’espace d’abord, en surveillant les points de passage les plus fréquentés (et donc les plus convoités par les gendarmes), mais aussi dans le temps. “Nous frappons au moment qui nous semble opportun, nous révèle l’un des vidéastes-juticiers. Ainsi, quand nous avons appris que le roi allait visiter la région courant juillet, nous avons décidé de mettre en ligne notre première vidéo”. Dans celle-ci, le groupe s’adresse d’ailleurs directement au monarque, demandant “au jeune et courageux roi de sauver Targuist de la corruption de certains responsables”. Rebelote le 7 septembre, jour des élections législatives, où le commando profite de l’occasion pour poster une quatrième vidéo.

Les Robins du Web

À la diffusion de chaque nouvelle vidéo, la population locale se rue sur les cybercafés pour visionner les nouveaux trophées de chasse du “Kanass”. Pour autant, tous n’approuvent pas sa démarche. Les Targuistis sont divisés : si certains sont plutôt soulagés de ne plus croiser de gendarmes sur leur route, d’autres ne cachent pas leur mécontentement. “La corruption existe partout au Maroc. En diffusant cette série de vidéos, le Sniper a fait une mauvaise publicité à la ville”, déclare cet habitant. Même son de cloche chez ce transporteur, un “khattaf” habitué à travailler dans une certaine illégalité : “Nous graissions parfois la patte à certains gendarmes, comme cela se fait ailleurs, sur d’autres routes du royaume. Mais nous étions le seul moyen de transport pour les paysans qui habitent dans la région. La vidéo nous a fait beaucoup de tort, car les gendarmes nous empêchent désormais de travailler…”.

Humain ? Sans doute. “Tout le monde est perturbé en ce moment. Les gens ne savent plus trop s’ils doivent applaudir les héros du Net, ou les maudire par crainte d’éventuelles représailles. Cela arrangerait bien les gendarmes de monter une partie de la population locale contre les snipers”, remarque, un peu philosophe, cet autre habitant.

Et comme nul n’est prophète en son pays, c’est sur Internet que le Sniper compte le plus d’adeptes. “Bravo les gars, vous faites partie des gens qui influent sur l’opinion publique au Maroc. Je suis fier de vous. On a muselé beaucoup de journaux et maintenant, on cherche à vous museler. Tenez bon ! À quand des vidéos dans les préfectures ?”, s’enflamme ainsi un internaute. Un autre adepte du Web y va de son analyse arithmétique : “38 voitures à raison de dix dirhams chacune. En dix minutes, les deux gendarmes ont empoché 380 dirhams, ce qui fait 38 dirhams par minute. Difficile de trouver un emploi qui paye mieux”.

Encouragés dans leur démarche, les Robin du Web sont déterminés à poursuivre leur œuvre de dénonciation : “Nous ne pensions pas que le phénomène prendrait une telle ampleur. Mais nous encourageons les gens à combattre la corruption de la même manière que nous”. Sans vraiment le vouloir, les snipers ont fini par faire des émules. En effet, un peu partout dans le royaume, la chasse aux ripoux est ouverte. Les auteurs diffèrent, mais le mode opératoire est le même.

Début septembre, un internaute met en ligne une vidéo d’éléments des Forces auxiliaires en flagrant délit de corruption à Casablanca. Idem à Nador, mais cette fois les corrompus sont des éléments de la douane. Sur la vidéo en question, l’auteur pousse l’ironie jusqu’à faire accompagner sa vidéo d’une dédicace au Sniper de Targuist.

La télévision marocaine, enfin !

Nouveau rebondissement le 2 octobre. La deuxième chaîne, muette sur le sujet depuis le début, annonce que les gendarmes incriminés par les vidéos auraient été arrêtés. Elle est imitée aussitôt par la très officielle agence de presse MAP, qui diffuse un communiqué expliquant que “les gendarmes et les corrupteurs mis en cause dans une affaire de Targuist ont fait l’objet d’une procédure judiciaire et ont été présentés à la justice”, sans omettre de citer sa source… la Gendarmerie royale.

L’agence ajoute que “les auteurs des enregistrements vidéo, qui avaient fait état de ces actes de corruption, ont été identifiés et invités à faire leurs déclarations en tant que témoins, comme le stipule la procédure judiciaire”. Le message en filigrane est clair : les autorités ne puniront pas les auteurs des vidéos. Pour le moment, les concernés préfèrent décliner l’invitation : “S’ils savent qui nous sommes, qu’ils nous convoquent. D’ici là nous ne comptons pas dévoiler nos identités pour finir comme des Jalti ou des Adib (ndlr : deux militaires qui ont dénoncé des cas de corruption dans l’armée, avant d’être condamnés par un tribunal militaire). Nous continuerons notre lutte contre la corruption dans l’anonymat”, confirme ce membre du commando, avant de lancer, avec un sourire malicieux : “D’ailleurs, une cinquième vidéo sera prochainement diffusée”.

(*) Les noms de certaines personnes ont été changés à leur demande, pour préserver leur sécurité.

Interview exclusive : Le “Commando de Targuist”

“Nous craignons pour notre sécurité…”

Des membres du commando ont accepté (sous anonymat) de répondre à nos questions

Depuis le début, vous affirmez que le Sniper de Targuist est une seule et unique personne. Aujourd’hui, vous révélez que vous êtes tout un groupe. Pourquoi un tel revirement ?

Qui a dit que le Sniper de Targuist n’était qu’une seule personne ? En tout cas, à notre niveau, nous ne l’avons jamais affirmé. Ce sont les gens et les médias qui se sont mis à spéculer à ce sujet.

L’état-major de la Gendarmerie a publiquement lancé un appel à témoin en début de semaine. Comptez-vous y répondre favorablement ?

D’abord, ce communiqué nous paraît très étrange. La Gendarmerie y affirme nous avoir identifiés. Si c’est vraiment le cas, ils n’ont qu’à nous convoquer de manière officielle. Et quand bien même ce serait vrai, nous nierons que nous sommes à l’origine de tout cela.

Pourquoi donc ?

Nous ne cherchons pas à devenir des stars. Nous préférons œuvrer dans l’anonymat. Nous avons vu que, par le passé, toutes les personnes qui s’en sont prises publiquement au Makhzen ont fini par le payer cher.

Pourtant, votre message serait beaucoup plus fort si vous divulguiez vos identités…

Oui, nous le pensons aussi. Mais qui nous garantit qu’il n’y aura pas de représailles ? Nous craignons pour notre sécurité et pour celle de nos familles. Il ne faut pas oublier qu’on s’attaque à l’une des institutions les plus puissantes de ce pays, la Gendarmerie royale.

Pensez-vous que vos actions ont eu un impact quelconque sur le quotidien des Targuistis ?

Avant, les gendarmes se comportaient en véritables caïds dans la région. Ils nous traitaient comme des moins que rien. Ils avaient pratiquement un droit de vie et de mort sur les habitants de Targuist. Aujourd’hui, ils ont presque honte de se montrer dans la rue. Depuis que nous avons posté la première vidéo, ils ont commencé à témoigner plus de respect aux citoyens. On peut dire que grâce à ces vidéos, les habitants de Targuist ont retrouvé un semblant de dignité. C’est déjà ça de gagné.

Il semble que vous avez fait des émules sur le Net…

Tant mieux. Si le Makhzen traite les habitants des autres villes comme il nous traitait auparavant, nous les encourageons à ne pas se laisser faire et à réagir comme nous l’avons fait.

Vous avez envoyé des corrupteurs en prison. Ce sont des dommages collatéraux ?

Nous pensons que ces gens ne doivent pas nécessairement être traduits en justice, parce qu’ils n’avaient pas toujours le choix. En revanche, nous estimons qu’ils ont également leur part de responsabilité. Ils ne respectaient pas la loi en transportant plus de personnes qu’il ne leur est permis ou en se livrant à toutes sortes de trafics. Devant le juge, ils ont même nié avoir donné de l’argent aux gendarmes. Ils ont affirmé qu’ils ne faisaient que les… saluer. C’est ridicule ! Il suffit de visionner les vidéos pour s’en rendre compte.

Vous avez d’autres enregistrements en réserve ?

La vie est encore longue. Et nous avons encore de la matière première. D’ailleurs, cette semaine, nous comptions diffuser notre cinquième vidéo, mais nous attendrons, comme d’habitude, le bon timing.

Snipermania : Les justiciers du Web

“Nous sommes bien sûr fiers d’avoir initié un mouvement qui a largement dépassé les frontières de notre ville”, nous avoue, en bombant le torse, un des membres du commando de Targuist. En effet, les prouesses de ces justiciers par caméra interposée ont fait des émules un peu partout dans le pays. Et la Gendarmerie royale n’est plus l’unique cible des films diffusés sur le Web. À la mi-septembre, un enregistrement de sept minutes, posté sur Youtube.com et signé par un certain “Sniper de Nador”, montre cette fois-ci des douaniers en flagrant délit de corruption sur la frontière entre Nador et Melilia. “Malheureusement, à ce jour, les douaniers en question n’ont toujours pas été inquiétés, explique le militant associatif nadori, Chakib El Khyari. Mais les gens sont très contents que leur ville ait été contaminée par ce nouveau phénomène. D’ailleurs on ne parle que de cela, et on attend avec impatience une seconde vidéo”. Cette “Snipermania” ne semble pas non plus épargner le corps de la police. Actuellement, une vidéo de deux minutes, mettant en évidence deux agents de la circulation la main dans le sac au beau milieu d’un carrefour, fait fureur sur la Toile.

Les Forces auxiliaires sont également dans la ligne de mire des snipers du Web. La semaine dernière, un film montrant des « mroud » molestant et rackettant des marchands ambulants à Casablanca a fait son apparition sur des sites de partage vidéo. Des actes de dénonciation largement saluées par Transparency Maroc. “C’est une évolution très positive, souligne son président Azeddine Akesbi. C’est une bonne chose que des citoyens prennent aujourd’hui ce genre d’initiatives. Il y a encore une dizaine d’années, la lutte contre la corruption était un sujet tabou”.

Ce que certains appellent déjà du journalisme citoyen a eu un effet incontestable sur nos agents d’autorité. “Maintenant, tout le monde a peur de se faire filmer en flagrant délit. Les représentants de l’ordre y réfléchissent à deux fois avant de se faire graisser la patte”, nous apprend un agent de la circulation, avant d’ajouter : “À ce jour, seuls les petits agents ont été ciblés. À quand le tour des gros bonnets ?”. Oui, à qui le tour ?

Targuist city : Sur la route du kif

En rifain, Targuist signifie homme debout, ou encore bâton. Un nom tout trouvé : au début du siècle dernier, la ville était le deuxième bureau (après Ajdir) de l’armée de résistance de Abdelkrim Khattabi. En 1957, au lendemain de l’indépendance, le sultan Mohammed V prononça un discours à Targuist. Il faudra attendre cinquante ans pour qu’ait lieu une deuxième visite royale. Entre-temps, la fabrique de briques, principal pourvoyeur d’emplois à Targuist, a mis la clé sous la porte, tandis que le cèdre, autre ressource pour les habitants, ne poussait plus sur les montagnes dégarnies. La ville s’enfonce dans la pauvreté.

Elle trouvera son salut dans une agriculture particulière. Située sur la route du kif, dans la région de Taza-Al Hoceïma-Taounate, Targuist imite sa voisine Kétama au milieu des années 80 et se lance dans la culture du kif. Courant juillet 2007, Mohammed VI effectue une visite dans la ville et y inaugure quelques projets sociaux, notamment un centre social pour les femmes et un espace éducatif et de logement. Des projets qui, pour l’instant, n’existent que sur le papier et autour de la pierre inaugurale, le fameux “hajar assassi”… Pour la petite histoire, le roi, qui se déplace rarement en hélicoptère, a utilisé ce moyen de transport pour se rendre à Targuist. L’état lamentable de la route reliant Al Hoceïma à Targuist a dû dissuader son service de sécurité, qui a opté pour la voie des airs. Ce jour-là, le commando de Targuist n’a pas sorti son caméscope. Et pour cause. “Il n’y avait rien à filmer : tout était beau, tout était parfait”, lance l’un des snipers.

TelQuel

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