Le tabac fait un tabac au Maroc

29 mai 2008 - 12h17 - Maroc - Ecrit par : L.A

Le tabac fait un tabac au Maroc. Plus de 15 milliards de cigarettes seraient fumées chaque année. Il faut dire que ce chiffre énorme laisse perplexe mais il reflète bien une réalité. Les marocains, particulièrement les jeunes, s’adonnent de plus en plus à la cigarette. L’acte de fumer est devenu tellement banal que des millions de personnes oublient souvent que les lois marocaines l’interdisent dans les lieux publics. En effet, le Royaume s’est doté d’une loi spécifique en la matière après de longues années d’attente. Adoptée par la chambre des représentants le 29 avril 1991, la loi n° 15-91 relative à l’interdiction de fumer et de faire de la publicité et de la propagande en faveur du tabac dans les lieux publics, ne sera promulguée qu’en juin 1995.

Le nombre de cigarettes consommées par an, a fait du Maroc l’un des plus grands pays consommateurs du tabac dans tout le bassin méditerranéen. Bien évidemment, le phénomène du tabagisme qui prend chaque année de l’ampleur fait des milliers de victimes. Adultes, jeunes et moins jeunes cèdent facilement à la tentation de la clope qui devient un produit de grande consommation.

Les chiffres sur le tabagisme sont préoccupants. Plusieurs enquêtes sur le phénomène ont été menées au Maroc. La dernière en date a été présentée en 2007. Cette enquête épidémiologique décrit les habitudes et les comportements des sujets fumeurs. Réalisée sur un échantillon de 9197 personnes âgées entre 15 et 75 ans, l’enquête montre que la prévalence globale du tabagisme est de l’ordre de 18 % dont 14,5% sont des fumeurs quotidiens et 3,5% des fumeurs occasionnels. Près de 11 % des personnes sondées reconnaissent avoir fumé avant d’arrêter la consommation du Tabac. Cette étude révèle également que l’âge moyen des fumeurs est de 17,6 ans et que plus de 60% des fumeurs appartiennent à la tranche d’âge 20-39 ans. De même, 41,7% sont victimes du tabagisme passif et plus de 90% pensent que le tabac nuit dangereusement à la santé.

Vous avez dit défense de fumer ?

La loi interdit donc de fumer mais seulement dans certains établissements publics. Autrement, toutes les administrations marocaines ne sont pas concernées par la loi 15-91. Cette dernière a prévu la modique somme de 10 DH portée dans certain cas à 50 DH, pour chaque infraction. Très dissuasif de la part de nos responsables, vous ne trouvez pas !? Outre les dispositions introduites par le gouvernement Abdelatif Filali, l’interdiction de toute publicité du tabac dans les médias marocains. Là encore, la société qui détient le monopole de la commercialisation du tabac sur le marché marocain a réussi à trouver la parade. Jeux tombola, concerts, distribution de cadeaux portant le nom des marque de cigarettes, affiches et banderoles dans les restaurants, les cafés et même dans les épiceries…autant de moyens de communication qui rendent la publicité pour la cigarette omniprésente dans la vie des marocains.

Cependant, après l’édiction de la loi sur le tabac, les responsables n’ont pas précisé l’autorité administrative qui sera chargée d’appliquer, de verbaliser ou encore recouvrir les amendes. Et l’ambiguïté plane toujours sur ces textes qui ont certes introduit de nouvelles mesures, mais qui n’ont quasiment jamais été respectés dans toutes les villes marocaines. Face à cette situation, quelques actions de sensibilisation seulement ont été menées, le plus souvent à l’occasion de la journée mondiale sans tabac par le ministère de la Santé ou les ONG oeuvrant dans le domaine de la lutte contre le tabagisme.

La première réaction notable est signée par une formation politique et non des moindres. Quelques mois auparavant, le groupe de l’Istiqlal, parti au pouvoir actuellement au Royaume, a pris l’initiative de soumettre au parlement une proposition d’amendement de la loi 15.91.

Celle-ci comporte également un texte complémentaire portant interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de 18 ans. Ainsi, la vente de cigarettes à un mineur est passible d’une amende de 2.000 DH, la sanction est portée à 5.000 en cas de récidive avec possibilité de retrait de licence pour le buraliste.

De l’avis de plusieurs observateurs, cet amendement pourrait tarder à voir le jour. Et pour cause, l’article « 4 bis » du texte instaure des normes à respecter par les cafés et les restaurants. On est encore bien loin d’une interdiction totale comme dans des villes européennes notamment en France mais les propositions des Istiqlaliens ont été jugées trop ambitieuses. Par ailleurs, la proposition de loi vise à porter l’amende à 100 Dh pour toute personne ayant cédé à la tentation d’un « garro » dans un lieu public. Cette pénalité peut atteindre les 500 dirhams si l’auteur du forfait est responsable ou gestionnaire du lieu public. Mais les mesures restrictives à elle seules ne suffisent pas car les dégâts des cigarettes sont bien plus graves.

Une porte d’entrée

Le tabac est l’une des drogues (parce qu’il en fait partie !), la plus utilisée au Maroc. Selon les spécialistes en Addictologie, la cigarette est très dangereuse puisqu’elle est facile d’accès et constitue dans la majorité des cas une porte d’entrée vers d’autres substances narcotiques notamment le cannabis.

Mais contrairement à d’autres drogues liées souvent à des maladies mentales, le tabac est la principale cause du cancer bronchique.
Le risque de cette maladie est en rapport avec le nombre des cigarettes fumées par jour et avec la durée d’exposition. Les études épidémiologiques ont montré qu’un fumeur moyen avait environ 14 fois plus de risque d’avoir un cancer bronchique. Le risque diminue pendant plusieurs années après l’arrêt du tabagisme mais ne disparaît pas. Les traitements actuels n’augmentent, au mieux, que de quelques mois la survie dans les cancers de stades avancés.

Face aux difficultés thérapeutiques, la lutte contre le tabagisme est donc le meilleur moyen de prévention. Une lutte qui peine à s’installer au Maroc.

Dans quelques années, la cigarette sera la première cause de morbidité dans le monde dépassant de loin d’autres maladies mortelles. Les pays industrialisés ont parcouru de longs chemins dans le combat contre le tabac au point de pousser les géants de la cigarette à prospecter d’autres marchés et les pays en voie de développement se sont retrouvés de facto, en ligne de mire. Ces derniers vont-ils supporter les maux du tabac ? Les responsables dans ces pays sont-ils prêts à repousser les grands producteurs ?

Campagne contre le tabac

Une opération de grande envergure contre le tabagisme a été lancée officiellement en novembre 2007 au Maroc. Les initiateurs de cette campagne ont voulu rendre les « collèges, lycées et entreprises sans tabac », et combattre ainsi le fléau du tabagisme qui mine la jeunesse marocaine. Cette opération, pilotée par « l’Association Lalla Salma de lutte contre le Cancer », touchera dans une première phase 31 établissements scolaires des régions de Rabat, de Casablanca et du Souss.

De grandes entreprises marocaines ont également pris part à ce projet qui constitue une première au Maroc, tels Maroc Telecom, l’Office National de l’Electricité (ONE). A cette fin, 64 médecins et 16 assistantes sociales et infirmières ont été formés en tabacologie pour assurer le soutien et l’accompagnement du sevrage tabagique. Quelque 140 animateurs de groupes sont, à leur tour, mobilisés pour la sensibilisation des collégiens, lycéens et salariés des entreprises.

Source : Le Matin - Mohamed Badrane

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Sujets associés : Drogues - Santé - Consommation

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