Port du voile : les entreprises continuent de louvoyer

17 octobre 2007 - 00h56 - Maroc - Ecrit par : L.A

Victime de ségrégation non avouée, Laila Loubani, cadre dans une société de services, en connaît un rayon sur la question. Non pas à cause de son physique, encore moins de ses compétences, mais parce que, tout simplement, elle porte un hijab. « Très peu de recruteurs osaient invoquer mon voile pour motiver leur refus », souligne-t-elle. Aujourd’hui, beaucoup de femmes disent être victimes de discrimination à l’embauche.

Le problème du voile dans l’entreprise remonte à quelques années. Il n’est autre que le résultat de la mutation de la société caractérisée par la montée d’un islamisme plus ou moins radical. Pour éviter les crispations, le phénomène était quasiment occulté dans l’entreprise. Les chargés du recrutement dans les entreprises réfractaires à la manifestation matérielle des convictions religieuses se contentaient souvent d’écarter les candidates voilées en arguant de motifs purement professionnels.

Le problème ne s’est réellement posé de manière explicite qu’au lendemain des attentats de mai 2003. Dans des entreprises, les employées voilées ont été ainsi incitées, de manière plus ou moins ferme, à abandonner leur tenue. Il n’en demeure pas moins qu’aucun licenciement lié à ce problème n’a été rendu public. C’est dire que beaucoup d’entreprises ont voulu être fermes, tout en évitant de susciter des mesures de rétorsion ou des démêlés avec la justice. « Les patrons qui considèrent le port du voile comme contraire aux valeurs de leur entreprise ne vont jamais jusqu’à l’interdire formellement », confirme Ahmed Al Motamassik, sociologue d’entreprise.

Dans notre contexte culturel, lorsqu’il y a discrimination, elle est le plus souvent masquée

A l’évidence, la question du voile suscite des réponses contrastées. « Nous sommes dans un pays musulman et il m’est impossible d’interdire à une personne de respecter scrupuleusement sa religion », se défend un DRH. De plus, aucun texte légal ne détermine la manière de s’habiller. Cet aspect relève plutôt des libertés individuelles. « Seules les conséquences du comportement du salarié sur l’exécution du contrat de travail peuvent légitimer la restriction d’une pratique religieuse. Et pour cela, il faut démontrer clairement que le salarié trouble, de manière volontaire ou non, la bonne marche de l’entreprise », précise Mohammed Benouarrek, DRH dans une multinationale.

De manière générale, chaque entreprise établit ses règles de conduite, sans toutefois les afficher, sauf dans les cas où les postes et la nature du travail exigent une tenue spécifique. Ainsi, le voile est interdit dans certaines professions comme celle d’agent de police ou d’hôtesse de l’air. On sait aussi que, pour un rendez-vous important, le costume cravate est de rigueur pour les hommes, tandis que le tailleur ou une tenue « correcte » sont recommandés à la gent féminine.

Qu’en pensent les spécialistes du recrutement ? La plupart d’entre eux disent ne pas s’appuyer sur des critères aussi subjectifs pour une embauche. La seule condition, affirment-ils, c’est d’être compétent et de respecter les valeurs de l’entreprise. « Il ne s’agit nullement d’entrer dans des considérations idéologiques avec l’entreprise cliente. On voit surtout ce qu’exige le poste en termes de compétences humaines. Si une femme voilée peut faire l’affaire, le problème ne se pose pas », souligne Siham Alaoui, consultante en ressources humaines au cabinet Convergence Conseil.

Le sujet est tellement embarrassant, eu égard à l’environnement culturel, qu’aucun employeur n’ose dire ouvertement qu’il est contre le port du voile dans le milieu professionnel. En privé, il y en a qui motivent leur refus par des arguments convaincants. En effet, certaines femmes voilées ou hommes « barbus » peuvent profiter de la liberté de culte pour faire du prosélytisme, en exerçant une pression morale sur leurs collègues.

L’entreprise veut aussi éviter le prosélytisme sous couvert de liberté religieuse

D’ailleurs, aujourd’hui, par mimétisme ou par conviction, on rencontre de plus en plus de salariées voilées dans les entreprises, même dans les secteurs qui y étaient les plus défavorables. C’est le cas des banques où l’on trouve, ça et là, des guichetières voilées, qui arborent, bien sûr, un accoutrement « soft ».

Pour les entreprises qui n’en veulent pas, la parade consiste à gérer le problème en amont. Un recruteur avoue clairement que certains clients lui demandent de prendre en dernier choix cette catégorie de candidates. Il y en a qui n’en veulent pas du tout, surtout s’il s’agit de postes impliquant un contact direct avec la clientèle.

En aval, il y a le cas des collaboratrices qui se sont mises au voile en cours de route. Là, le problème est plus délicat. Sauf faute grave, il est impossible de les licencier sans créer un grave conflit. Alors, elles sont souvent cantonnées dans des tâches de back office. « On sait que les postes de front office sont difficilement accessibles aux femmes voilées car l’entreprise se soucie de l’image qu’elle veut projeter à l’extérieur. Il s’agit notamment des postes de commerciaux, d’accueil, de marketing, de caissières... Ceux où l’apparence vestimentaire joue un rôle important dans la relation avec le client », commente M. Al Motamassik. Toutefois, souligne-t-il, « des femmes voilées ont pu accéder à des postes de responsabilité très importants »

La vie éco - Brahim habriche

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