D’un rêve jihadiste à la réalité : Le récit très amer d’un jeune Franco-marocain

5 mars 2024 - 08h00 - France - Ecrit par : S.A

Parti en Syrie en compagnie de son grand frère et de son meilleur ami, un Franco-marocain réussit à quitter une katiba du Jabhat al-Nosra, affilié à Al-Qaida, pour revenir en France. Après sa condamnation à 4 ans de prison dont 1 an avec sursis mise à l’épreuve en première instance et en appel en 2017 et en 2018, il publie un livre-confession pour refermer cette page de sa vie, mais aussi « pour sensibiliser les jeunes qui pourraient être séduits par la propagande djihadiste ».

« Moi, Gabriel jihadiste à 16 ans », Rue de Seine éditions). C’est le livre-confession que Gabriel Saidi (un pseudonyme), 26 ans, père de deux enfants, a coécrit avec le journaliste de RTL Thomas Prouteau, dans lequel il raconte un pan d’histoire de sa vie. Sa rencontre avec Hakim (là encore un pseudonyme), fait basculer sa vie. « Au départ, c’est le père de deux copains de classe. Mon meilleur ami, d’origine tchétchène, le connaissait. Un jour, en sortant de l’école, il nous invite à le rejoindre au stade du quartier pour discuter. Il nous parle de religion, de la parole de Dieu, il nous incite à faire la prière, à respecter nos parents… Il nous encourage à revenir le voir et, malheureusement, on y retourne. On va alors le retrouver très régulièrement et, progressivement, son discours va évoluer vers la radicalité. Lors de la première rencontre on n’a que 10 ans », raconte-t-il au Parisien.

À lire :Du terrorisme à la rédemption : le parcours d’Oialae Chergui

Hakim a su convaincre Gabriel à rejoindre la Syrie en surfant sur « l’actualité, les troubles en Tunisie puis en Libye ». « Il a été le premier à nous parler de la Syrie, ou plus particulièrement de la terre sacrée du Sham qu’il fallait absolument protéger, ajoute celui qui est né d’un couple franco-marocain, élevé dans un quartier périphérique d’une grande ville du sud de la France. C’est terrible quand j’y repense aujourd’hui mais, à l’époque, j’étais prêt à perdre ma vie pour sauver cette terre au nom de la religion. Il nous avait mangé le cerveau. Dans l’avion, j’étais triste d’avoir quitté mes parents, mais j’ai séché mes larmes avec le sourire, car j’étais heureux. » En novembre 2013, Gabriel, alors âgé de 16 ans, part pour la Syrie en compagnie de son grand frère et de son meilleur ami. L’adolescent est séduit par ce qu’il a vu à son arrivée en Syrie. « C’était conforme à ce que j’attendais : les drapeaux noirs et les bombardements. J’ai du mal à l’admettre, mais j’étais fier. On a été pris en charge avec des entraînements militaire et religieux pour nous maintenir dans cette idéologie. Je n’ai participé à aucun combat, mais j’ai effectué des ribat (des opérations de surveillance armées). »

À lire :Le profil inquiétant du terroriste franco-marocain Radouane Lakdim

Après sept mois, Gabriel perd ses illusions et décide de quitter la Syrie. « Plusieurs facteurs ont joué. Quand j’ai été blessé je me suis retrouvé seul et ça m’a permis de me libérer de l’influence du groupe. J’ai aussi des camarades qui ont été tués dans le cadre des combats entre le Jabhat al Nosra, et l’État islamique. C’était totalement ridicule de risquer sa vie en combattant des gens qui, dans notre folie de l’époque, étaient censés avoir la même pensée que nous. Enfin, il y a le rôle de mon père que j’avais régulièrement au téléphone. Lui aussi a su être malin : il ne s’opposait pas directement à moi mais, par petites touches, sans que je ne m’en aperçoive, il a su me présenter un autre discours religieux. Et puis, il y a l’amour de ma mère. »

À lire :Les Marocains de Ripoll : entre stigmate terroriste et recherche d’identité

De retour en France, il fait face à la justice. Il sera condamné à 4 ans de prison dont 1 an avec sursis mise à l’épreuve en première instance et en appel en 2017 et en 2018. Après une année de détention, Gabriel rencontre l’infirmière psychiatrique de la prison de Fleury-Mérogis. Celle-ci l’encourage à continuer à écrire son histoire. « C’est la première à qui j’ai montré ces pages. Elle m’a encouragé à continuer. Ça m’a aidé à comprendre l’engrenage dans lequel j’avais été pris. » Aujourd’hui, il dit avoir tourné définitivement dos à l’idéologie djihadiste. Avec son livre-confession, il veut « refermer une page » de sa vie. « Pour refermer une page de ma vie. Et aussi pour sensibiliser les jeunes qui pourraient être séduits par la propagande djihadiste : on leur vend du rêve, mais ils ne connaîtront que l’enfer. On m’a aussi proposé de participer à des interventions avec une association qui travaille sur la radicalisation des mineurs. Je suis heureux de partager mon expérience et de participer à des actions de prévention. »

À lire :Opération antiterroriste en Espagne : un homme d’origine marocaine arrêté

Son frère et son meilleur ami sont, eux, toujours en Syrie. « Je n’ai plus entendu le son de la voix de mon frère depuis mon départ de Syrie. Je sais qu’il est encore en vie, qu’il a eu une petite fille. Je me sens coupable parce que c’est moi qui lui ai présenté Hakim. En ce qui me concerne, j’ai réussi à revenir de toute cette idéologie mais au prix d’un combat très rude alors que je n’ai passé que sept mois sur zone. Mon frère y est depuis dix ans… Sur la trentaine de jeunes qu’Hakim a fait partir nous ne sommes que trois à être rentrés. Certains sont morts. »

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Terrorisme - Syrie - Prison - Etat islamique - Daech - MRE

Aller plus loin

Les Marocains de Ripoll : entre stigmate terroriste et recherche d’identité

Les jeunes d’origine marocaine de Ripoll (Catalogne) sont victimes de racisme. Ils continuent de subir les conséquences sociales des actes terroristes perpétrés le 17 août 2017...

Le profil inquiétant du terroriste franco-marocain Radouane Lakdim

Le procès de sept individus accusés d’avoir fréquenté le terroriste franco-marocain Redouane Lakdim, qui avait commis les attaques terroristes de Carcassonne et de Trèbes, qui...

Du terrorisme à la rédemption : le parcours d’Oialae Chergui

Condamné en septembre 2016 à huit ans de prison pour avoir collaboré avec l’État islamique, Oialae Chergui, avoue aujourd’hui s’être repenti en prison. Il a fait cette...

Opération antiterroriste en Espagne : un homme d’origine marocaine arrêté

Un Espagnol d’origine marocaine a été arrêté ce jeudi lors d’une opération antiterroriste menée à Campos, ville située sur l’île de Majorque. Des agents de la police nationale...

Ces articles devraient vous intéresser :

Accord fiscal Maroc-OCDE : Le gouvernement rassure les MRE

Le porte-parole du gouvernement marocain, Mustapha Baïtas, a voulu rassurer les Marocains résidant à l’étranger (MRE) au sujet de l’échange automatique d’informations financières et fiscales, signé par le royaume avec l’OCDE à Paris le 25 juin 2019.

Données bancaires des MRE : le gouvernement rassure

Alors que la question de l’échange automatique des données sur leurs comptes bancaires, actions et biens détenus au Maroc avec l’OCDE refait surface, Nadia Fettah, ministre de l’Économie et des Finances, a tenu à rassurer les Marocains résidant...

Maroc : les duty free font leur révolution

Du changement en vue pour les magasins de vente sous douane, communément appelés « Duty free shops ». L’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) et l’Office des changes ont fixé de nouvelles règles relatives à leur gestion et fonctionnement.

Aide au logement : gros succès auprès des MRE

Des Marocains résidant à l’étranger (MRE) figurent parmi les 8 500 bénéficiaires du nouveau programme d’aide au logement lancé par le roi Mohammed VI en octobre dernier.

Retour définitif des MRE au Maroc : ce que dit la douane

Selon les dernières régulations édictées par la douane marocaine, les Marocains résidant à l’étranger qui prévoient de rentrer définitivement au Maroc doivent se conformer à certaines règles concernant l’importation de biens.

Appel à mettre fin à l’échange d’informations fiscales des MRE

L’Organisation démocratique du travail (OMT) a vivement critiqué la politique gouvernementale à l’égard des Marocains résidant à l’étranger, pointant du doigt une approche jugée superficielle et occasionnelle, particulièrement lors de l’accueil des MRE...

Le dilemme des MRE : vendre leurs biens ou se soumettre à l’échange fiscal

Des Marocains résidant à l’étranger (MRE) appellent à la suspension de l’accord multilatéral sur les échanges de renseignement automatiques des comptes financiers.

Aide au logement : succès auprès des MRE

Le programme d’aide directe au logement « Daam Sakane », lancé le 2 janvier 2024, est un succès, notamment auprès des MRE, assure Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, lors du point de presse hebdomadaire à l’issue du conseil de gouvernement.

Jet-skis, bateaux de plaisance... que dit la douane marocaine ?

La douane marocaine a mis en place un régime d’admission temporaire pour les moyens de transport maritimes privés, en particulier les bateaux de plaisance, appartenant à des personnes résidant à l’étranger.

Au Maroc, les MRE investissent dans l’immobilier

70 % des investissements de la communauté marocaine résidant à l’étranger sont consacrés au secteur immobilier, selon Fatima Ezzahra El Mansouri, la ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de...