Deux condamnés à mort devenus des "artistes" en prison

5 mars 2007 - 00h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

Au Maroc, deux condamnés à mort sont devenus artistes pour conjurer "la terrible angoisse" d’une éventuelle exécution même si il n’y en a plus eu depuis 13 ans.

"Je brode chaque jour des nappes, des tissus pour caftans, je confectionne divers vêtements", affirme Souad Attifià, 38 ans, condamnée à mort en 1995 pour le meurtre de ses deux filles (11 mois et 3 ans).

A cause de "coup de folie", comme elle le dit elle-même, elle est l’une des 24 femmes qui ont été condamnée à la peine capitale. Dans sa cellule de la prison de Larache (nord), elle montre sa machine à coudre mise nouvellement à sa disposition par l’administration pénitentiaire.

La "privation de la liberté est terrible mais elle m’a aidé à améliorer mon métier et maintenant je vais faire profiter les autres de mes connaissances", affirme-t-elle avant d’ajouter : "je suis rentrée ici analphabète, maintenant je lis et j’écris".

Mais pour Souad, l’insupportable c’est la peur de passer devant le peloton d’exécution même si on ne fusille plus depuis 1994. "Cette condamnation à mort me torture, je vis mal, j’essaie simplement d’oublier, il faut abolir cette sentence", insiste-t-elle. Le directeur de la prison de Larache, Mesfioui Azeddine, est élogieux au sujet de Souad.

"Sa conduite est exemplaire. Elle est timide. J’essaie de lui confier des responsabilités pour la plonger dans une ambiance de liberté et de création". La cellule où Souad vit seule est bien entretenue. Elle possède un téléviseur et une cuisinette. "Cette femme en s’adonnant à ces activités s’attache à la vie comme si elle venait de naître, c’est une femme qui a beaucoup de courage", déclare pour sa part, Amina Bouayache, président de l’organisation marocaine des droits de l’Homme (OMDH, indépendante).

A Safi (sud), Mustapha Beloute, 42 ans, un ex-gendarme lui-aussi condamné à mort en 1996 pour le meurtre d’un policier dans des conditions mystérieuses, est devenu peintre. Il a reproduit sur un mur de sa cellule une toile du peintre français Clovis Trouille (1889-1975). "La peinture est ma passion. Mais, il m’arrive de ne pas la pratiquer surtout quand lorsque le moral est bas", confie-t-il.

"Je peins pour me concentrer et ne pas laisser mon esprit errer ailleurs", explique-t-il avant d’appeler le Maroc à abolir la peine de mort. Le directeur de la prison, Abdelkader El Atrassi acquiesce à cet instant.

Ce dernier a indiqué que son établissement allait créer un atelier de peinture pour les détenus et sa direction sera confiée à Mustapha.

"Je promets d’organiser une exposition des oeuvres de Mustapha", ajoute le directeur cette prison qui accueille 2.000 détenus.

Toutefois, Mustapha a imploré le roi Mohammed VI à l’occasion de la naissance de la princesse Lalla Khadija -née le 28 février- d’abolir la peine de mort. "Cette peine est atroce", martèle-t-il avant de remercier les organisations civiles nationales et internationales qui militent pour cette cause.

"Le plus difficile dans cette peine de mort, c’est le regard de l’autre car il estime que tu es dangereux. Mon espoir aujourd’hui c’est d’être pardonné par la société, j’estime avoir payé le prix après avoir purgé plus de dix ans de réclusion", a poursuivi Mustapha avant de conclure : "la peine capitale n’arrêtera jamais la violence".

Le président du Conseil consultatif marocain des droits de l’Homme (CCDH) Driss Benzekri, ancien prisonnier politique, a souhaité jeudi que le Maroc abolisse la peine de mort et inscrive cette interdiction dans la Constitution.

"Nous souhaitons que la peine de mort soit abolie (...) et, qu’avec le soutien de sa majesté le roi (Mohammed VI), l’interdiction absolue de la peine capitale soit inscrite dans la Constitution", a déclaré M. Benzekri.

AFP

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