Jeunes MRE : le pack mariage de 30 jours

9 août 2004 - 13h18 - Maroc - Ecrit par :

Les mariages mixtes se font de plus en plus rares au sein de la communauté des Marocains Résidents à l’Etranger. Les jeunes se rabattent de plus en plus sur le Maroc pour trouver celle qui partagera leur vie. Nous avons accompagné une famille d’immigrés pour en savoir plus. Déroutant. Désopilant.

Comment tomber amoureux et se marier en quelques jours… ?

Le lendemain de cette journée à Larache, Ahmed Laroussi nous invite à déjeuner. Il nous prévient au téléphone qu’il a le cœur gros et que sa vie va être bouleversée. Quelque chose ne va pas dans la voix criarde du jeune beur. A sa rencontre, dans un restaurant populaire de poissons, nous remarquons à ses yeux exorbités que notre interlocuteur n’a pas fermé l’œil de la nuit. Il raconte alors la soirée de la veille : "Je n’ai pas tenu le coup. J’ai parlé à ma mère. Durant plus de trois heures on a fait le tour de la question. Un mariage, c’est important qu’on le veuille ou pas. De toute manière, je n’allais pas rester célibataire toute ma vie. J’imagine mon existence en France dans la solitude. C’est mortel, frangins. Je ne vous le souhaite pas… Bref, ma mère m’a dit que de toute manière elle voulait aussi me parler d’une chose importante. Elle m’a finalement convaincu et je crois même que j’ai fait mon choix." Il baisse les yeux, plonge ses mains dans le plat de calamars, de soles et de merlans frits avant de continuer : "Ma fiancée s’appelle Mouna, elle a dix-huit ans." C’est tout. Il se tait comme s’il venait de dévoiler aux yeux du monde un terrible secret qui torturait son cœur. Il attend ensuite que nous engagions la parole, faisant preuve d’une étrange réserve et un pesant silence s’est installé entre lui et nous, entre lui et lui-même… Nous cherchons à savoir si Mouna figurait parmi ses connaissances ou anciennes relations d’Aubervilliers.

Ahmed répond que non et que de toute manière, il ne l’avait vue pour la première fois qu’hier soir sur une photographie. Il explique quelque peu l’histoire de ce sortilège : "Ma mère m’a expliqué qu’une femme, c’était pour servir l’homme… Elle n’a pas d’autres missions sur terre que d’éduquer ses enfants et tenir la maison de son mari. C’est ça, une vraie femme marocaine. Je ne veux plus de Florence et de toute façon mon père n’allait jamais accepter une Française." Une autre logorrhée trouva son point de fuite : "Ma mère n’aurait pas non plus voulu d’une Marocaine trop moderne. Elle est venue cette année avec cette idée de me marier avec Mouna, qui est une lointaine cousine dans la famille maternelle. Je crois l’avoir rencontrée il y a bien six ou sept ans lors d’une fête de famille. Et puis c’est tant mieux comme ça…" Evaporés les désirs profonds de ce jeune homme, les distorsions familiales ont eu le dessus. La Marocanité d’aujourd’hui ne se mesure plus qu’à des comportements, une façon de cuisiner et de dire "bonjour" au maître de la maison. De simples codes de société érigés malheureusement en une religion, une mémoire et des repères de civilisation. Ahmed, à coup sûr, se retrouvera au point de départ dans son Aubervilliers, avec une Mouna marocanisée à souhait qui saura, certes, faire le couscous du bled et jouer l’esclave dans le ménage, mais qui donnera à coup sûr des enfants disjonctés sacrifiés sur l’autel de l’immigration, aux personnalités dédoublées entre "l’ici" et le "là-bas" et qui ne s’inséreront que difficilement où qu’ils aillent. Une tragédie grecque ? Ou marocaine ?

Des noces qui sortent de l’ordinaire

Comble de malheur pour Ahmed, il n’a plus que trois semaines pour rencontrer au moins "cinq ou six fois" sa nouvelle fiancée, qui selon les dernières nouvelles, est "ravie de se marier" même si elle n’a qu’un vague souvenir de son lointain cousin de France… Mais, en trois semaines, Ahmed Laroussi, quelque peu débordé, devra aussi s’arranger avec son cœur et ses chagrins et tomber amoureux de la créature qui paraît pas mal sur la photographie qu’il trimbale dans sa poche et qui ne le quitte plus de jour comme de nuit. Enfin, dans ce pack marathonien digne des Dieux de l’Olympe, il devra demander officiellement la main de Mouna, avec ce que cela implique comme cérémonie, et surtout organiser la grande nuit des noces avant son départ prévu fin juillet. Ahmed veut "repartir la conscience tranquille pour préparer les papiers" de celle qu’il appelle déjà à tout bout de champ "ma femme" ou pour faire ancestral ma "horma". Dans sa tête brûlée par le soleil marocain un mystérieux volte-face, inexplicable, insolite, a commencé. Ahmed tend son torse désormais en marchant et se plaît à sortir maintenant des "chez nous à Paris" et "Là-bas, elle ne manquera de rien". Il parle de sa future épouse comme d’une chèvre.

Lalla Rahma que nous revoyons les jours qui suivent toute souriante et radieuse de marier son fils aîné, lance des conseils à longueur de journée : "la femme c’est comme ci, la femme c’est comme ça…" Elle aurait pu s’improviser neguafa et ouvrir une agence à Aubervilliers spécialisée dans l’importation de vierges pure race à origine contrôlée. Elle regarde sa fille Nadia, treize ans, et la bénit d’être une enfant modèle. Elle se tourne ensuite vers Médi et le sermonne d’être aussi désinvolte et de flâner dans son existence sans but ni vocation précise : "Il faut te ranger mon fils. Il faut trouver du travail comme Ahmed et te marier avec une fille de bonne famille… Tu verras, je t’aiderai, je t’aiderai à être un homme… Regarde ton pauvre père, il a passé dix ans seul en France avant que vous ne veniez le rejoindre. Tu aimes ta mère, c’est une brave femme, alors ne le fais pas pour toi et fais le pour elle… etc." Médi, souvent en vadrouille dans la Toyota familiale, n’a pas pipé mot durant tout notre séjour à Larache. Mais il se fera remarquer admirablement en s’envoyant en l’air une voisine durant la nuit du mariage de Ahmed, et c’est lalla Rahma en personne qui a découvert le pot-aux-roses. En entrant sans frapper dans une chambre de la salle des fêtes…

La Gazette du Maroc

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