Les Marocains frappés par la fièvre de l’emprunt

21 avril 2008 - 20h20 - Economie - Ecrit par : L.A

Les Marocains ne disposant que de revenus limités s’en remettent de plus en plus aux prêts personnels pour faire leurs achats ou rembourser leur dette, a indiqué le Ministère marocain de l’Economie et des Finances dans une étude publiée le 10 avril.

Les Marocains doivent 120 milliards de dirhams aux institutions financières et aux banques. Bien que la plus grosse partie de cette dette soit sois forme de prêts au logement, l’étude montre que les prêts personnels et renouvelables totalisaient près de 19,6 milliards de dirhams en 2007, soit une augmentation de 11,1 pour cent par rapport à 2006. Les prêts consentis par des institutions de crédit non bancaires ont également progressé de 14 pour cent sur la même période, pour atteindre 30,6 milliards de dirhams.

Mais le point le plus troublant pour les responsables gouvernementaux et les économistes est la conclusion de cette étude, selon laquelle ce taux d’emprunt est inversement proportionnel au niveau des ressources. En 2006, les personnes ayant un revenu inférieur à 4000 dirhams par mois représentaient 53 pour cent du nombre total d’emprunteurs. Cette étude montre que les personnes démunies ayant besoin de plus de liquidités que les riches, elles empruntent plus, pérennisant ainsi un cycle de l’endettement et aggravant potentiellement la pauvreté.

"Certains segments de la société sont incapables de réaliser leurs objectifs de vie. Ils ont alors recours à l’emprunt, bien qu’ils sachent dès le départ qu’ils ne pourront plus rembourser à un certain stade, entraînant une faillite personnelle ou la saisie de leurs biens", a expliqué à Magharebia le professeur d’économie Al-Hasan Al-Daoudi, de l’Université Mohammed V.

Malgré ces risques, de nombreuses familles à revenu faible ou limité estiment que le fait d’emprunter de l’argent est la seule solution. Le professeur d’enseignement physique Ahmed Taher explique : "Quelle que soit la charge que représentent ces emprunts, ils nous aident à boucler les fins de mois."

"Il n’y a pas d’autres choix pour répondre aux besoins et aux demandes croissants, en particulier des enfants", explique Yazid Melki, un fonctionnaire, qui ajoute : "Quel que soit le montant prélevé sur le salaire mensuel pour ces emprunts, ils nous permettent de régler nos problèmes immédiats."

N.F., un autre fonctionnaire, estime qu’il est impossible de vivre sans avoir recours aux institutions financières et aux banques : "Par exemple, pour acheter une maison, un prêt est nécessaire. Il en va de même pour l’ameublement de la maison, les voyages, ou même l’achat des fournitures scolaires et des produits alimentaires pour la fête du Ramadan."

"Aujourd’hui, plus aucun ménage ne vit sans emprunter", explique Rashida Jaheed à Magharebia. "Il ne sert à rien d’attendre des années pour économiser pour pouvoir acheter une voiture, qui est absolument indispensable au vu des problèmes de transport", affirme-t-elle.

Les taux d’intérêt bas, la concurrence féroce entre les institutions financières et la hausse du taux de consommation des ménages ont contribué à cette montée de l’emprunt et de la dette personnelle. Des procédures bancaires simplifiées ont également permis à un plus grand nombre de personnes de demander des prêts. Dans la plupart des cas, explique à Magharebia Mohamed Jafaiti, un employé de banque, les banques ne demandent qu’une simple photocopie d’une carte d’identité et les deux derniers bulletins de salaire pour décider du montant du prêt. Les procédures sont même encore plus simples lorsque la banque ou l’institution de crédit possède un contrat avec l’employeur de l’emprunteur.

"De manière assez étrange, s’habituer à emprunter conduit à souscrire un nouveau prêt pour rembourser le premier. Il n’y a plus de limite", explique le professeur de mathématiques Najeeb Ferak.

Un précédent rapport publié par la Banque al-Maghrib notait que 93 pour cent des clients ayant demandé un prêt sont des fonctionnaires.

Source : Magharebia - Imane Belhaj

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