Ces filles qui se refont une virginité à l’hôpital

31 janvier 2007 - 19h57 - Maroc - Ecrit par : L.A

« Si je n’avais pas été vierge le jour de mon mariage, ma famille m’aurait tuée », martèle Myriam, 20 ans, qui a épousé cet été un Marocain au village de ses parents. Elle se défend d’exagérer, raconte les coups et les claques, évoque des cousines retenues à la maison ou renvoyées au bled pour avoir fréquenté un garçon : elle tremblait d’être découverte. Entendant parler de la réfection d’hymen, elle n’a pas hésité. Elle s’est rendue dans un hôpital du nord de Paris, a supplié le médecin... qui a cédé. Grâce à une simple opération, elle a taché de sang le drap lors de son mariage, sauvant « l’honneur de la famille ».

Comme elle, des centaines de jeunes filles se refont chaque année une virginité à l’hôpital. Le phénomène a démarré à la fin des années 1980, lorsque les filles maghrébines nées en France se sont retrouvées prises entre les tentations de la vie française et les moeurs des parents. Depuis, les demandes de réfection d’hymen ne font qu’augmenter dans les services de gynécologie des hôpitaux, symptôme de la montée en puissance des pressions religieuses et machistes.

Confrontés à l’angoisse des jeunes filles, les médecins hésitent. Longtemps, ils ont accepté de rédiger des « certificats de virginité », usant de formules subtiles pour se couvrir en cas de contre-expertise. « Ils écrivaient : »À ce jour, mademoiselle est vierge* », raconte Sonia, régulièrement envoyée chez le médecin par un père soupçonneux. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a clarifié les pratiques. Désormais, les médecins sont invités à refuser de rédiger de tels certificats « qui n’ont pas de finalité médicale, selon le Pr Jacques Lansac, président du CNGOF. C’est une atteinte à la dignité des femmes. Et puis, nous n’avons pas à faire des faux... »

Si la disparition de ces certificats de complaisance fait l’unanimité, les praticiens sont plus divisés sur la réfection d’hymen. À Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le chef de l’obstétrique, Stéphane de Saint-Léger, ne pratique cette intervention que lorsque la jeune fille court des risques physiques. « C’est une chirurgie réparatrice, relativise-t-il. Nous faisons bien de la chirurgie esthétique, pourquoi refuser cet acte ? » Le professeur Lansac, lui, se bat pour que cessent ces actes : « Nous ne devons pas cautionner les obscurantistes. »

« On est conditionnées... »

« Avant, les gens se pliaient aux règles, résume Stéphane de Saint-Léger, maintenant ils veulent imposer les leurs. » Les pressions viennent des nouvelles populations immigrées, notamment les Pakistanais ou les Turcs, mais aussi et surtout des enfants de l’immigration. La première génération de filles d’Algériens a bien tenté de s’émanciper dans les années 1980, mais beaucoup de mariages mixtes ont échoué et ces divorces sont devenus, dans l’esprit des familles conservatrices, la preuve qu’il ne fallait pas s’aventurer hors de la communauté. L’arrivée de migrants plus pieux a fait le reste.

Aujourd’hui, les adolescentes assument mal une rupture avec le modèle familial. « On est trop conditionnées, explique Safia, 25 ans. Les parents nous inculquent ce tabou depuis toutes petites, nous gardent à la maison dès qu’on prend des formes, font passer la coquetterie pour de l’aguichage. »

Le Figaro - Cecilia Gabizon

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Famille - Santé - Mariage

Ces articles devraient vous intéresser :

L’acteur marocain Mustapha Zaari en mauvaise passe

L’acteur marocain Mustapha Zaari traverse une passe difficile en ce moment. Diagnostiqué d’un cancer de la prostate, il a été hospitalisé récemment à l’hôpital militaire de Rabat pour recevoir un traitement adéquat.

Maria, la sage-femme miraculée qui a aidé à accoucher pendant le séisme

Une sage-femme a aidé des femmes à accoucher au milieu du puissant et dévastateur séisme survenu le 8 septembre au Maroc qui a fait près de 3000 morts, plus de 5000 blessés et détruit des milliers de maisons.

Plus de 70% des femmes marocaines recourent aux méthodes contraceptives

Au Maroc, plus de 70 des femmes ont recours aux méthodes contraceptives. C’est ce qui ressort d’un récent rapport du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).

Au Maroc, un trek solidaire vire au cauchemar

Alors qu’elles participaient fin octobre au Trek Rose Trip, qui sensibilise au cancer du sein, récolte des fonds pour l’association Ruban Rose et plusieurs autres structures, au Sahara, au Maroc, plus de 800 femmes ont vécu une expérience...

Ramadan : conseils pour un jeûne en période de chaleur

Le jeûne du ramadan est encore dur cette année, surtout dans certaines régions où les températures dépassent parfois les 40 degrés. Pour que la journée se passe au mieux, il est essentiel de bien s’hydrater et de manger équilibré le soir. Pour rompre...

Le PJD en colère contre le nouveau Code de la famille

Le parti de la justice et du développement (PJD) dirigé par Abdelilah Benkirane, affiche son opposition à la réforme du Code de la famille. Du moins, pour certaines propositions.

Le Maroc prolonge encore l’état d’urgence sanitaire

Réuni jeudi lors de sa séance hebdomadaire, le conseil de gouvernement a adopté le projet de décret portant prorogation, à nouveau, de l’état d’urgence sanitaire.

Chèque de garantie : ce scandale marocain

La conseillère parlementaire du parti de l’Union Nationale du Travail au Maroc (UNTM), Loubna Alaoui, a adressé une question orale au gouvernement sur la persistance de certaines pratiques illégales dans les cliniques privées, notamment l’exigence d’un...

Au Maroc, les médecins sont des mauvais payeurs d’impôts

Au Maroc, peu de médecins s’acquittent de leurs impôts. Fort de ce constat, le gouvernement opte désormais pour la retenue à la source pour les revenus de l’ensemble des professions libérales, la déclaration annuelle fiscale ayant montré ses limites.

"L’boufa", la nouvelle menace pour la société marocaine

Le Maroc pourrait faire face à une grave crise sanitaire et à une augmentation des incidents de violence et de criminalité, en raison de la propagation rapide de la drogue «  l’boufa  » qui détruit les jeunes marocains en silence.