« Comment sortir du monde ? » C’est le titre du tout premier roman du Franco-marocain Marouane Bakhti, paru aux Nouvelles Éditions du réveil en mars 2023. Il y raconte la vie, telle qu’elle vient, dans une famille biculturelle. Un récit éblouissant.
Elle dit qu’elle ne fera pas ça pendant 30 ans, mais « n’arrive pas à lâcher »... Depuis 2001, au collège Montbarrot de Rennes, Valérie Faivre-Rampant est la professeur d’une classe pas comme les autres
Ils viennent du Kosovo, du Kurdistan, du Cambodge, du Congo, du Rwanda, du Cameroun, du Maroc, de Somalie, de Mauritanie ou des Comores. Une seule chose les relie les uns aux autres : ils viennent d’ailleurs. Pourtant, l’ambiance de cette classe atypique est celle de n’importe quelle autre classe. « Madame, Madame... Elle m’a dit ça... » « Madame, Madame ! Il m’a fait ça avant de rentrer ! » Valérie Faivre-Rampant regarde ses quinze protégés s’installer. En bruit forcément. Depuis 2001, année de sa création, elle s’occupe de cette classe unique dans l’académie, la CLA-NSA. Derrière ce sigle se cache une classe d’accueil pour des enfants venus de l’étranger et qui n’ont jamais ou très peu, été scolarisés auparavant. Ils sont collégiens, mais doivent apprendre à parler, lire et écrire le français. « Certains resteront un an avec moi, avant d’intégrer le cursus, d’autres deux ans, parfois trois. Les bases de l’enseignement de départ sont celles du CP », explique Valérie Faivre-Rampant. Pour la jeune femme, qui était avant institutrice en maternelle, la gestion de cette classe originale requiert les mêmes qualités : « Beaucoup de souplesse et d’adaptation aux besoins de chaque élève ». Car ils sont tous très différents. D’origine tout d’abord, de culture ensuite, mais ce sont surtout leur passé, parfois douloureux ou chaotique, qui rend chaque cas particulier.
Pour un sourire
« Lorsque l’on a créé la classe, on avait pensé à beaucoup de choses. Mais ce que l’on n’avait pas imaginé, c’était le bagage qu’ils traînaient derrière eux. Désormais, le premier objectif que je me fixe avec chacun d’entre eux, c’est de voir un sourire sur leur visage ». Ensuite, l’apprentissage pourra commencer. « Pour des enfants qui n’ont jamais été scolarisés, tenir un crayon ou se servir d’une paire de ciseaux, c’est déjà difficile. La première année, il ne faut pas en attendre énormément. À la deuxième rentrée, ça s’enclenche et on peut avancer. Parfois, j’ai l’impression qu’ils ne comprennent pas. En fait, ils captent, et un jour ça sort comme ça, et là, je me dis "ouah" ! C’est un sentiment particulier. Vraiment chouette ».
« C’est plus qu’un boulot »
Ces moments font qu’il est difficile de lâcher une classe si unique. « Il y a des liens affectifs très forts qui se tissent. C’est plus qu’un boulot. Je dois me comporter un peu en mère-poule des fois... ». Une mère-poule qui rêve de voir tous ses élèves intégrer une structure. Quant aux ados, ils ont aussi leurs propres rêves. « Grâce à cette classe, aujourd’hui, j’ai une chance », raconte Ceyrann qui s’imagine bien « maîtresse » plus tard. Si Renato, le clown de la classe, aimerait juste « faire une fête » après la CLA-NSA, Denis se verrait bien mécanicien auto. « Cette classe, c’est ma dernière chance... J’ai 15 ans ». Natacha, jeune Comorienne, aimerait être militaire ; Sabate, « étudiante » ; Badia « mannequin ou esthéticienne » ; Asja « coiffeuse » ou encore Cybelle « assistante maternelle ».... Des rêves d’ados qui, finalement, n’ont pas de frontières.
Le Télégramme - Gaël Le Saout
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