Colloque international sur "La Koutoubia : études et restauration"

29 décembre 2008 - 13h26 - 1996 - Ecrit par : L.A

"Louange à Dieu,

Que la prière et la paix soient sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.

Mesdames et Messieurs,

Nous saluons la tenue de votre colloque international béni dans la cité de Marrakech et souhaitons la bienvenue aux hôtes de notre Royaume, savants, experts et chercheurs qui y participent. Nous leur souhaitons un agréable séjour parmi nous et implorons Dieu de leur accorder, ainsi qu’à l’ensemble des participants à cette rencontre, succès et réussite, et de faire en sorte que cette réunion atteigne ses objectifs et que ses résultats soient bénéfiques et enrichissants pour le patrimoine historique.

Vous n’êtes pas sans savoir que les nations authentiques et séculaires se reconnaissent aux monuments et au patrimoine que leurs civilisations ont héritées de leurs ancêtres, de même que la maturité des peuples et leur degré de conscience, à la fois de leur propre identité et de leur environnement, se mesurent à l’importance qu’ils accordent à leur patrimoine, à sa restauration et à sa réhabilitation.

Dans nos traditions ancestrales marocaines, la préservation des monuments a toujours été considérée comme un signe de reconnaissance aux ancêtres, de fidélité à leur mémoire, de considération à leurs efforts, de renaissance de leur patrimoine et d’inspiration de leur conduite et de leurs ambitions. Les monuments constituent, outre leur valeur morale, une richesse nationale qui draine des ressources comparables, voire même supérieures, à celles générées par d’autres secteurs.

Un regard porté sur un merveilleux monument peut, en effet, dispenser de la lecture de tout un ouvrage sur l’histoire d’un pays, et peut à lui seul témoigner du degré de civilisation, de créativité, de raffinement et de rayonnement atteint par ce pays. Votre rencontre sur le thème "la restauration de la Koutoubia", que vous ne manquerez pas d’enrichir par vos débats, revêt, pour notre Royaume, une importance particulière. Vous avez, sans nul doute, pris connaissance de par votre qualité de savants, d’experts et spécialistes en la matière, des sites et monuments que recèle notre pays, puisqu’il n’y a pas d’agglomération importante, dans les plaines, les montagnes ou les confins du Sahara, où l’on ne rencontre une forteresse inexpugnable, une citadelle imprenable, une tour élevée, une muraille fortifiée ou les vestiges d’une cité ancienne.

De par leur nature, les habitants du Maroc ont toujours eu entre eux une émulation quant à la construction, à l’édification, à la création artistique, qu’elle soit artisanale ou intellectuelle. De même qu’ils ont veillé constamment à laisser des traces indélébiles, témoignant du legs des ancêtres et à les préserver pour les générations qui leur succéderont.

Il existe, Nous en sommes convaincu, davantage de monuments qui n’ont pas encore été mis au jour que ceux que l’on a déjà découverts, ce qui exige de nous d’assurer la formation de toute une génération de jeunes pour maîtriser les techniques et les méthodes scientifiques modernes de recherche et de prospection à même de leur permettre d’entreprendre des fouilles archéologiques, de restaurer les monuments, de les préserver et de les exposer.

Nous rendons hommage aux habitants de Marrakech et particulièrement aux membres de l’Association du Grand Atlas qui se sont attelés à la mise en oeuvre de nos orientations quant à la restauration de la Koutoubia et qui ont organisé ce colloque international pour étudier les circonstances et conditions de cette restauration. Nous saluons également la contribution louable de l’Université Cadi Ayad à ce colloque.

Nous avions donné Nos directives pour que soient menées une étude exhaustive et une expertise approfondie pour savoir si la tour est menacée d’un quelconque danger. Cette étude a été lancée en décembre 1992 et s’est poursuivie jusqu’au mois de février 1996 sur la base d’examens en laboratoire et des méthodes scientifiques les plus modernes en la matière. Cette étude a été réalisée par un ensemble de laboratoires, de centres spécialisés et d’instituts d’archéologie de renommée mondiale, avec la participation d’ingénieurs et d’architectes spécialisés marocains et étrangers. Les résultats de cette étude ont fait l’objet de dix sept rapports techniques et scientifiques, qui ont tous démontré que la Koutoubia est en bon état et n’est menacée d’aucun danger.

A la lumière de ces résultats encourageants, Nous avons donné Nos hautes instructions à l’Association du Grand Atlas afin qu’elle supervise l’opération de restauration et d’en assurer le suivi, conformément aux normes et aux techniques d’usage au niveau international, en matière de restauration des grands monuments historiques. Ce monument a été édifié au début du règne de la Dynastie des Almohade au dessus de la mosquée "Al Koutoubyine" (les libraires) à Marrakech. Cette mosquée fut ainsi appelée parce qu’elle a été édifiée dans un quartier réservé à l’édition et à la vente de livres. Le Khalife Almohade, Abdelmoumen Ben Ali, a choisi, pour l’édification de cette mosquée, l’emplacement qui lui sied. Le mérite de l’achèvement du minaret de la mosquée dans toute sa splendeur artistique revient à son petit-fils, le Roi Yacoub Al Mansour, après que son grand-père Abdelmoumen Ben Ali eut construit la mosquée ainsi qu’une partie du minaret qui portera par la suite le nom de la Koutoubia, l’un des trois minarets édifiés par ce Roi et qui ont résisté au temps, les deux autres étant la Tour Hassan, à Rabat et la Giralda, à Séville, en Andalousie.

Ces trois symboles, qui ont pu résister même aux séismes violents, ont revêtu, du temps de leur édification, des significations d’unité entre les deux rives : Le Maroc et l’Andalousie, significations qu’ils sont en train de retrouver de nos jours, puisque le sentiment de la nécessité de la coopération, de la compréhension et de la complémentarité s’est renforcé entre les peuples des deux rives de la Méditerranée. Ce sentiment a dépassé la phase de l’espoir pour entamer celle de la prospection sérieuse, en vue de jeter les ponts et de nouer des liens à travers notre Mare Nostrum.

Parmi ces ponts, l’on citera 1e projet de liaison fixe dont les études et les plans ont été finalisés et qui avance vers la réalisation et la concrétisation. Nous sommes convaincu que les significations des symboles représentés par les trois minarets qui, huit siècles durant, ont uni nos deux pays par des liens spirituels, ethniques et intellectuels, ne sauraient échapper à nos voisins espagnols. Voilà que ces symboles sont témoins, aujourd’hui, d’une renaissance concrétisée par l’amitié, la coopération, le respect mutuel et le bon voisinage, reliant ainsi le présent avec le passé.

Mesdames, Messieurs,

L’édification des monuments fastueux et des sites somptueux n’est pas l’apanage exclusif des prédécesseurs. Comme ces derniers l’ont fait pour nous, nous devons, nous aussi, édifier pour les générations à venir en ajoutant à leur oeuvre tout ce qui est de nature à être plus beau, plus sublime, plus utile et plus résistant aux vicissitudes du temps. Partant de Notre foi en ce principe et fidèle en cela à la tradition de Nos glorieux ancêtres, nous avons, grâces en soient rendues à Dieu, accompli Notre devoir dans ce domaine. Nous avons incité à la sauvegarde du patrimoine qui Nous a été légué et veillé à sa préservation contre la destruction et l’anéantissement et à son enrichissement par tout ce qui Nous semblait utile.

Nous avons ainsi édifié à Rabat le Mausolée de Notre auguste père en hommage à sa stature et en reconnaissance à son ère prospère. Nous y avons réuni tout ce que nous comptions comme expérience tant au niveau du choix du plan que de la sculpture, de l’ornementation, de la gravure et des couleurs.

Dieu nous a également inspiré une conception unique et un plan d’une rare beauté pour la mosquée Hassan II à Casablanca - notre capitale économique et la plus grande métropole de notre Royaume - au sein de laquelle nous avons veillé à ce que soient réunies toute la splendeur de l’architecture marocaine et la richesse de sa décoration. Son édification a été ainsi conforme à notre conception et à notre souhait, témoignant du niveau atteint par le génie du Maroc et des Marocains, leur goût exquis et leur doigté, ce qui en a fait un magnifique monument civilisationnel et une authentique oeuvre architecturale. Dans cette grande mosquée, nous avons offert aux artisans marocains qualifiés, qui ont contribué à son édification et à son ornementation, un espace de créativité sans précédent tout en sauvegardant notre artisanat de l’anéantissement qui le guettait, sachant que l’ensemble des villes du Royaume ne comptaient alors qu’une quarantaine d’artisans dont la majorité étaient âgés de plus de 60 ans.

Notre souci était grand à la découverte de cette situation lamentable au moment où Nous envisagions de restaurer le palais de Fès après le délaissement et la dégradation qu’il a connus du temps du protectorat. Notre joie a été cependant plus grande du fait que cette situation a été pour nous un motif nous incitant à agir pour y faire face et parer à ses répercussions négatives avec ferme détermination et célérité. Nous avons ainsi donné nos instructions pour la convocation au palais de Fès de ces quelques artisans et nous leur avons confié la tâche d’assurer l’apprentissage de deux mille jeunes artisans dotés de qualités innées, de les initier sur place à l’ensemble des arts traditionnels et de recourir à leurs services pour la restauration de ce palais historique.

Ce faisant, le Maroc a non seulement préservé l’un de ses prestigieux palais, mais a également entrepris la formation de deux mille jeunes artisans qui exercent à présent dans toutes les régions du Royaume. Leur activité ne se limite cependant pas à notre Royaume puisqu’ils opèrent également à l’extérieur du Maroc, particulièrement dans les pays arabes et islamiques, où ils excellent dans l’ornementation des mosquées, des palais et des grands monuments et marquent du cachet marocain authentique les grands palaces et demeures privées.

Mesdames, Messieurs,

Nous bénissons encore une fois vos travaux qui, sans nul doute, seront fructueux. Nous vous remercions à l’avance pour l’effort de réflexion par lequel vous enrichirez votre colloque et pour votre précieux apport à la renaissance de notre legs civilisationnel. Que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur vous. "

23/05/1996

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