Diner offert en l’honneur de Hassan II par Jacques Chirac

29 décembre 2008 - 00h22 - 1996 - Ecrit par : L.A

"Louange à Dieu,

Que la paix et la bénédiction soient sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.

Monsieur le Président de la République,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Beaucoup plus que le hasard du calendrier, c’est la singularité historique de la relation entre nos deux peuples et nos deux pays qui, une fois encore, a donné un caractère exceptionnel à notre rencontre. Je suis ici, en effet, votre hôte et celui de la France, le soir où vous célébrez le premier anniversaire de votre élection à la présidence de la République.

Pour dire la vérité, ni l’un ni l’autre n’y avions pensé, reconnaissons-le avec humilité, pour céder, un instant, la place à l’impondérable et à ce nouveau signe du destin. Le Royaume du Maroc et la République Française n’ont rien entrepris ensemble qui ne soit marqué du sceau de l’exception ou de la passion. C’est cette même et si belle histoire qu’ensemble, nous continuons à écrire et qui explique qu’en quelques mois, de Barcelone à Sharm El Sheikh ou de Bruxelles à Beyrouth, nous nous sommes retrouvés, côte à côte, d’accord sur presque tout et mobilisés pour donner ses vraies chances à la paix au Moyen-Orient ou pour rappeler à l’Union Européenne, que son destin se joue aussi sur les rives Sud de la Méditerranée.

Il en est de même en Bosnie ou, côte à côte, les vôtres et les nôtres, veillent au retour à la paix et à la stabilité. Monsieur le Président de la République, La France et le Maroc ont une responsabilité commune : veiller à ce que la paix des Etats, qui se fraie un chemin difficile au Moyen-Orient, soit aussi la paix de tous les hommes et la paix de tous les jours.

Les chancelleries, nos chancelleries, se heurteront très vite à la limite de leurs moyens si les conditions qui sont celles de la réconciliation des coeurs et des esprits ne sont pas mises en place entre palestiniens et israéliens. Les premiers aspirent à légitimer une réalité nationale qui s’est imposée à tous et les seconds, et bien, ils revendiquent une sécurité dont personne ne conteste plus la nécessité. C’est la transformation de ce consensus en une action politique et diplomatique imaginative et à taille humaine qui permettra l’éradication définitive des menaces terroristes, nourries par l’amertume, la frustration et la peur.

Nous avons le devoir d’aider les Palestiniens et les Israéliens à aller plus loin et plus vite pour que ce rendez-vous de la dignité retrouvée et de la souveraineté reconquise, se traduise dans la vie de tous les jours, par l’acceptation et le respect mutuels. Pour qu’il se traduise aussi par la construction d’une communauté de valeurs et d’intérêts en dehors de laquelle il serait illusoire de penser la paix en termes de tolérance, donc de pérennité.

Mesdames et Messieurs,

Il n’y a pas de fatalité à la confrontation si l’on est Musulman, Chrétien ou Juif et le Maroc qui vous le dit ce soir, exprime une réalité que nous incarnons, quotidiennement, depuis des siècles. Renforçons et complétons le travail de nos gouvernements par ce message de l’espoir, ce message de la vie aussi. Monsieur le Président de la République, Comment également penser à ce grand projet méditerranéen de l’Europe, en dehors d’un dessein qui serait aussi l’expression d’une autre communauté d’intérêts et de destin, d’une autre réalité économique, d’une autre finalité stratégique et politique.

Et Je sais, Monsieur le Président de la République, ce que vous doit le nouveau regard que l’Union Européenne commence à porter vers nos pays. Je sais aussi l’effort qui a été le vôtre, aux tous premiers jours de votre septennat, pour qu’aboutissent, dans des conditions acceptables, les dernières négociations maroco-européennes.

C’est fort de vos convictions et de votre action que ce soir Je voudrais vous proposer que la France et le Maroc aillent plus loin en donnant au cadre euro-méditerranéen qui s’est dessiné à Barcelone, la légitimité institutionnelle et la profondeur stratégique qui contribueront à transformer cet ensemble en un espace de croissance et de richesse mieux partagées, un espace qui participera à une émergence économique durable de nos marches, un espace de convivialité qui consolidera et stabilisera la construction européenne sur son flanc sud.

Vous avez dit, Monsieur le Président, qu’après avoir détruit un mur à l’Est, l’Europe doit désormais construire un pont au Sud. C’est également notre vision du futur concernant la région. La Méditerranée attire autant qu’elle inquiète. Bien des guerres y sont nées et la génétique des civilisations qui ont germé sur ses rives, a souvent partagé ses eaux, souvent pour le meilleur, parfois aussi pour y tracer des lignes de peurs encore apparentes.

Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, la France et le Maroc, en construisant un partenariat de référence des deux côtés de la Mare Nostrum, sont mobilisés pour conjurer ces vieux démons. Oeuvrons ensemble, Monsieur le Président, pour que le XXème siècle finissant, fasse basculer l’histoire du côté de la raison retrouvée et de la prospérité partagée. C’est pourquoi nous étions convenus ensemble, dès juillet dernier, à Rabat, que la prochaine conférence euro-méditerranénne se tienne au Maroc, au niveau des chefs d’Etats, pour donner à ce grand projet, l’impulsion institutionnelle et politique qu’il mérite et pour apporter une réponse qui soit à la mesure des enjeux financiers, sociaux, humains et écologiques auxquels nous sommes tous confrontés.

Monsieur le Président de la République,

Tous ces grands chantiers, la paix, l’Europe, la Méditerranée, illustrent, à l’évidence, la cohérence et la communauté de nos intérêts. Mais ils sont surtout révélateurs du degré de proximité et de solidarité atteint par nos deux pays. C’est une évidence à laquelle Je me rends avec un plaisir, que J’aurais mauvaise grâce à dissimuler du reste. Nous sommes d’accord sur presque tout. Mais ce constat réconfortant et prometteur est lui-même porteur d’une plus grande ambition pour le cadre et la substance de nos relations bilatérales.

Depuis votre visite à Rabat, en juillet dernier, près d’une dizaine de vos ministres sont venus au Maroc et l’impulsion décisive que vous avez imprimée à notre coopération, a radicalement modifié le rythme, la qualité et l’ampleur des projets qui réunissent et qui associent le Maroc et la France. Ce travail est en cours, il est multi- dimensionnel, il est novateur et, comme vous Monsieur le Président, Je Me félicite du saut qualitatif, réalisé en un an après votre arrivée à l’Elysée. Et Mon sentiment, Monsieur le Président de la République, est que nous vivons un moment de l’histoire qui appelle le mouvement, l’audace et la confiance.

Le Maroc achève la mise en place d’un cadre administratif et réglementaire qui va lui permettre de consolider, de clarifier et de moderniser ses règles du jeu, notamment dans le contexte des impératifs du libre-échange. Sur le plan politique, ce processus de normalisation et d’ouverture est en cours depuis plusieurs années et il s’améliore et s’enrichit régulièrement. L’année constitutionnelle de 1996 sera, à cet égard, particulièrement féconde.

Ceci, Monsieur le Président, pour rappeler, une nouvelle fois, la singularité et l’exemplarité de l’expérience marocaine qui associe pluralisme politique et libéralisme économique et qui cultive tolérance et tradition dans une société ou la modernité est présente dans tous les actes du quotidien. Voilà pourquoi aller plus loin avec le Maroc n’est pas un acte de foi ou une manifestation de bravoure. C’est aussi la raison et l’intérêt bien compris de tous, pour un partenariat complet, conquérant et offensif avec un pays qui avance, qui réussit et qui s’ouvre à vous.

Je termine, Monsieur le Président de la République, comme J’avais commencé, en saluant cette oeuvre d’exception que nos deux pays ont façonnée en y apportant le meilleur d’eux-mêmes. Je ne saurais terminer sans prier le Très-Haut de bénir votre septennat, de vous assister dans votre tâche et de faire que vous puissiez satisfaire les espoirs que le peuple français met en vous. Pour cela, Je vous souhaite bonne chance et bonne santé. Je voudrai aussi dire à Madame la Présidente combien nous avons été touchés, Mes enfants et Moi, par son hospitalité si délicate et si proche que Nous avons sentie tout prêt de Nous depuis notre arrivée jusqu’à ce soir. Madame, Je vous en remercie chaleureusement.

Mesdames et Messieurs,

Je vous prie de porter un toast avec Moi à la santé de Monsieur le Président de la République, à la pérennité des relations entre la France et le Maroc en disant et en priant de tous nos voeux et venant du très fond de nous-mêmes : Vive la France, vive le Maroc, vive l’amitié entre nos deux pays et nos deux peuples."

07/05/1996

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