Enquête : “Zik, teuf et meuf”, les nuits “beur” de Casa

12 juillet 2002 - 14h38 - Culture - Ecrit par :

En période estivale, comme chaque année, les MRE entrent au bercail, au bled. Tout le monde, au Maroc, les accueille à bras ouverts, car ils sont synonymes de cadeaux et largesses pour leurs familles, de monnaies étrangères trébuchantes pour le Ministère des Finances, de boom de la consommation enfin pour le tissu économique (pour les commerçants de proximité principalement).

Les propriétaires de boîtes de nuit et de pubs, par exemple, s’en frottent déjà les mains. Les “ rebeus ” mettent le feu à la nuit casablancaise.

Avant tout, lorsque l’on sort un vendredi soir à Casablanca avec la ferme intention d’étudier, de disséquer le comportement de jeunes MRE évoluant dans leur environnement vraisemblablement préféré -un temple de la nuit avec de bonnes mœufs (1), de la zik (2) mortelle et des hectolitres d’alcool, il est quelque chose qui frappe d’emblée. Les Marocains vivant en Europe ont un revenu et un pouvoir d’achat… européens.

En boîte, ils évoluent sur une autre planète et consomment sans compter. “ Cela fait plaisir de les voir flamber chez moi tout l’argent qu’ils ont mis des mois à générer” lance avec nonchalance le propriétaire d’une boîte de nuit située sur la Corniche (laquelle, ce soir, est littéralement prise d’assaut par des MRE). “ Bien entendu, outre les MRE, j’ai toujours une pléiade de clients fidèles qui payent des notes astronomiques en fin de soirée. Seulement, il est indéniable que le retour des MRE booste considérablement les recettes de mon établissement ”, ajoute-t-il.

Picoler, danser et draguer
En somme, les MRE ne sont pas tellement différents des Marocains qui n’ont pas eu l’opportunité de quitter le pays. Certes, leurs tenues vestimentaires varient, ainsi que leur langage et leur culture. Ces aspects leur attirent d’ailleurs les quolibets et les sarcasmes de nombreuses personnes (un peu jalouses, peut-être). Mais globalement, un MRE en boîte de nuit réagit de la même façon qu’un “ national ”. Il est là pour picoler, danser sur des rythmes endiablés et draguer tout ce qui bouge. “ Faire la fête, quoi ! ”, s’exclame Hamid, 24 ans, immigré de troisième génération.

Hamid vit à Paris où il est, depuis peu, ingénieur dans une grosse boîte d’informatique. Il passe, depuis sa tendre enfance, ses vacances au Maroc. “ Au début, lorsque nous venions en famille ici, nous allions chez la famille, dans l’Oriental. اa craignait grave et il n’y avait que dalle à y glander. Heureusement, depuis que j’ai acquis mon indépendance financière, je viens seul dans ma voiture et m’installe, un mois durant, à Casablanca. Les nuits y sont plus tripantes et plus coquines ”, indique-t-il.

Ce soir, c’est la teuf (3) grave, selon lui. Il dit avoir “ repéré deux bombes anatomiques qui lorgnaient des yeux en direction de sa table (deux bouteilles de gin et de whisky qui trônent sur sa table, il est utile de le préciser, ça attire bien des regards NDLR)”. Hamid fait courir ses yeux un peu partout dans la boîte et finit par retrouver les deux filles. Elles se dandinent gentiment au beau milieu de la piste et regardent effectivement de son côté. Hamid vole les rejoindre et danse autour d’elles. Son approche est originale. Il exécute des pas de danse farfelus et exubérants, semblables à ceux des indiens d’Amérique implorant la pluie autour d’un totem. Les filles qu’il convoite se mettent à rire et sont rapidement conquises par son petit numéro. Elles aussi, à l’instar des gérants de boîtes de nuit doivent bénir en secret le ciel d’avoir envoyé ces gentils MRE pleins aux as.

Tout ce beau monde vient s’attabler autour des bouteilles et ça commence à trinquer. Les “ culs secs ” pleuvent et l’ambiance à table devient vite survoltée. Les filles, très amicales, savent y faire avec Hamid. Qui ne tient plus en place ; qui fait le mariole, s’égosille et, sous l’effet de l’alcool, manque de provoquer une rixe. A un adolescent assis à une table proche de la sienne (et qui, selon Hamid, n’arrêtait pas de le mater(4)), il vocifère : “ Oui, tu vois bien. Un MRE débarque de France et lève les deux nanas les plus canons de cette boîte ”. La personne à qui s’adressait cette invective fronce les sourcils et se lève pour se battre. Hamid est disposé à en découdre avec elle, mais plusieurs individus s’interposent et calment les esprits.

Rixes
Hamid revient alors s’asseoir à table, furieux. “ Je déteste ces jaloux qui veulent toujours gâcher la fête. On ferait mieux de se barrer de cette boîte pourave (5). اa craint ici ”, dit-il en se dirigeant vers le bar pour payer ses consommations.

Grosso modo, le retour des MRE ne chamboule pas l’ambiance en boîte. L’attitude de Hamid ne diffère guère de celle de n’importe quel jeune, échaudé et excité par la prise d’alcool. Néanmoins, parfois des bagarres MRE/non MRE éclatent et témoignent de l’animosité qui existe entre ces deux clans, dans les endroits de la nuit. Les uns reprochent aux MRE de trop en faire, de trop afficher leurs différences, alors que ces derniers critiquent l’attitude des “ nationaux ” à leur égard et pointent du doigt leur jalousie maladive.

MEHDI LAABOUDI

1 Femmes en verlan ( langage basé sur l’inversion de mots en Français )

2 musique

3 fête

4 regarder

5 pourrie

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Sujets associés : Musique - Drogues - Prostitution Maroc

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