Les filles rurales peinent à terminer leurs études

26 novembre 2007 - 17h48 - Maroc - Ecrit par : L.A

Pour des raisons tant pratiques que culturelles, de nombreuses familles rurales du Maroc préfèrent investir dans l’éducation des garçons plutôt que dans celle des filles. De nouveaux projets, publics et privés, espèrent aujourd’hui offrir aux filles de nouvelles opportunités de scolarisation.

Nombreuses sont les filles dans les campagnes au Maroc qui n’accèdent pas à l’école ou ne peuvent pas poursuivre leurs études secondaires. Le taux national de scolarisation des filles est évalué à 60,3%, mais ne dépasse pas les 16,5 % en milieu rural. Raisons principales : l’enclavement des douars, l’absence de routes, de transports communs, des mentalités rigides traditionnelles.

A cause de l’éloignement, les familles dans les campagnes préfèrent que leurs filles restent dans la maison au lieu de les envoyer chaque jour à un établissement scolaire à des dizaines de kilomètres du foyer familial. Les classes sont fréquemment installées dans des régions d’accès difficile pour les élèves.

Samira Sellami, 12 ans, étudie dans une école à une quinzaine de kilomètres de Témara. Elle rêve de continuer ses études au collège, mais l’établissement le plus proche se situe à une trentaine de kilomètres de chez elle. Elle sait d’emblée que ses parents n’ont pas les moyens de lui assurer au quotidien les frais de transport.

" Il y a un seul bus qui passe par ici et il faut l’attendre pendant de longues minutes. Je suis prête à endurer cette souffrance du transport pour terminer mes études. Mais, vu le manque des moyens de mes parents, mon rêve va se transformer en cauchemar. Pourvu qu’un miracle sauve mon avenir ", dit-elle, les yeux remplis de larmes". Elles sont des dizaines comme elle dans le pays, qui souffrent en silence.

Pour des raisons culturelles et vu l’accès difficile aux établissements scolaires, certaines familles préfèrent investir dans la scolarisation des garçons que des filles.

Jamal Hdidouche, enseignant dans le monde rural depuis dix ans, déclare à Magharebia que malgré le développement que connaît le Maroc, les mentalités ne changent pas. " La plupart des parents estiment que leurs filles doivent se marier tôt et les privent, ainsi, de scolarisation malgré les tentatives des enseignants. Quelques-unes quittent l’école au milieu de l’année scolaire. "

C’est le cas de Touria Farahi, 16 ans qui étudie en troisième année au collège. Ses parents ont décidé de la marier cette année après l’obtention de l’autorisation du juge car l’âge légal selon le code de la famille est de 18 ans. Elle aurait espéré terminer ses études secondaires.

Sa mère Kenza est intraitable. Tout en lavant une grande bassine de linges sales, elle dit à Magharebia que le destin de toute fille de bonne famille passe par le mariage. " Je n’ai jamais souhaité que ma fille soit enseignante ou médecin. Je sais que nous n’avons pas de moyens pour atteindre cet objectif. Ainsi, elle doit se marier le plus tôt possible. C’est en fondant son foyer qu’elle pourra affronter l’avenir ", s’exclame-t-elle en jetant un regard inquiet à l’adolescente.

Celle-ci, les yeux brouillés de larmes, frottait le parterre du hall de la maison familiale avant d’affirmer au bord du désespoir : " laissez-moi au moins obtenir mon bac. Je ne me fatiguerai pas en parcourant les 10 kilomètres qui nous séparent du lycée. ", dit-elle. Mais, la décision est déjà prise. " Même si elle ne se marie pas cette année, je ne lui permettrai pas d’être exposée aux dangers de la route pour aller étudier", précise Kenza.

Certaines familles préfèrent investir dans la scolarisation des garçons que des filles.

Pour promouvoir la scolarisation des filles rurales, la société civile essaie autant que faire se peut de jouer un rôle prépondérant. Ahmed Charouf, membre de l’association " Rameaux des oliviers " signale à Magharebia que les militants associatifs parcourent les différentes campagnes du Maroc pour sensibiliser les parents de la plus haute importance de la scolarisation de leurs filles. Parfois, ils arrivent à convaincre quelques-uns. Mais, à plusieurs reprises, ils sont confrontés à des mentalités rigides.

" On a pu persuader plusieurs chefs de famille d’envoyer leurs filles à l’école. Mais, plusieurs ne voulaient rien entendre quoique ces dernières années on ait remarqué un progrès au niveau de la scolarisation des filles ", affirme M.Charouf.

Il ajoute que l’éloignement des établissements scolaires demeure un grand frein plus que les traditions.

Pour parer au problème de l’éloignement quelques associations distribuent des vélos aux écolières pour qu’elles puissent aller à l’école sans trop de peine. A titre d’exemple, suite à un appel lancé par les inspecteurs d’enseignement, les professeurs, les associations de parents d’élèves, l’Association " Juste pour Eux " en partenariat avec la Fondation Décathlon a offert 200 vélos tout-terrain à 200 collégiennes de la province de Tiznit, afin de leur permettre l’accès à l’éducation.

Pour sa part, l’Etat fournit des efforts dans ce domaine. Afin de pallier la déperdition scolaire de la jeune fille, notamment en milieu rural, la Fondation Mohammed V Pour la Solidarité construit et équipe des foyers réservés à l’hébergement et à la prise en charge des jeunes filles scolarisées issues de familles rurales démunies. Cette action est menée en collaboration avec, entre autres, les collectivités locales, l’Ordre National des Architectes, le Laboratoire Public d’Essais et d’Etudes et les ONGs.

Les foyers de jeunes filles soutiennent la lutte contre la déperdition scolaire de la jeune fille rurale. Le programme initial prévoyait la construction de 9 foyers de jeunes filles : Khmis Zmamra, Sidi Ghyat, Azilal, Taznakht, Brikcha, Tazarine, Aïn Leuh et Sid El Makhfi (Taounate). Le neuvième foyer (Adrej) est en phase finale de construction. Un programme complémentaire a été lancé et qui prévoit la construction de 20 autres foyers dans diverses régions du pays.

Selon le ministère de l’Education nationale, l’amélioration de la scolarisation des filles dans le monde rural est l’affaire de tous. Le gouvernement essaie dans le cadre de son budget de construire des écoles partout dans les campagnes pour atteindre l’objectif de la généralisation de la scolarisation que ce soit en milieu rural ou urbain.

Magharebia - Sarah Touahri

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