Hicham Bouchti condamné à 12 ans de prison en Algérie

28 avril 2009 - 23h37 - Espagne - Ecrit par : L.A

Hicham Bouchti a payé cher sa mégalomanie. En s’embarquant dans des histoires scabreuses tantôt en Espagne tantôt au Maroc, et en s’embrouillant dans des accusations farfelues contre des personnalités marocaines et espagnoles, cet ancien agent des Forces Auxiliaires, sans grande consistance, voulant jouer à James Bond, a fini par se prendre dans son propre piège.

À vouloir voler haut, Hicham Bouchti s’est brûlé les ailes. Ses derniers déboires en Algérie lui ont valu le retour à la case prison. La Cour pénale de Bechar l’a condamné, en effet, en début d’avril 2009 à douze ans de prison pour espionnage au profit d’un pays étranger. Comprendre par là, le Maroc.

Sa mésaventure algérienne remonte à octobre 2008 lorsque Hicham Bouchti s’introduit clandestinement sur le territoire algérien par le poste de frontière Maghnia pour demander l’asile politique. Ce jeune Marocain, 31 ans, croit être en danger au Maroc parce qu’il prétend détenir des informations compromettantes impliquant les galonnés des Forces Armées Royales, les hauts responsables du ministère de l’Intérieur et même des membres de la famille royale.

Dispute

Hicham Bouchti n’a pas tapé à la bonne porte. Les autorités algériennes voient en lui une autre occasion pour ternir l’image du Maroc. Elles le présentent comme un officier de l’armée marocaine chargé d’infiltrer des milieux pro-Polisario en Algérie. Un costume bien grand pour cet ex-petit employé à la carrure chétive et au regard fuyant. Pour rendre plus crédible ces accusations, les autorités algériennes livrent une autre version sur les circonstances de son arrestation. Une version largement relayée par la presse du voisin de l’Est.

Ainsi, le quotidien arabophone algérois Echourouk révèle que Hicham Bouchti aurait été arrêté par l’armée algérienne en mai 2008, alors qu’il circulait sur une motocyclette à proximité de Hassi El Maleh, dans l’arrondissement Oum Elassel relevant de la wilaya de Tindouf. Lors de son interrogatoire, Hicham Bouchti aurait, dans un premier temps, dit s’être perdu dans le désert après avoir quitté le domicile familiale à Oujda suite à une dispute avec sa sœur, avant d’avouer être envoyé par un officier de la Gendarmerie royale pour récolter des informations sur l’armée algérienne et les sites militaires du Front Polisario.

Une histoire invraisemblable. Comment la Gendarmerie royale peut envoyer quelqu’un espionner sur une motocyclette en plein désert ? Sinon, comment Hicham Bouchti a parcouru les 1000 kilomètres qui séparent Oujda de Tindouf sur mobylette ? Plusieurs questions subsistent. Cependant, d’aucuns doutent que la nouvelle de l’interpellation d’un espion marocain sur le territoire algérien n’est qu’une machination d’Alger destinée à envenimer les relations, déjà tendues, entre les deux pays. Le choix du lieu de l’arrestation n’est pas non plus fortuit. La région de Tindouf abrite le Front Polisario.

Une chose est sûre. La vérité sur les circonstances de l’arrestation de Hicham Bouchti ne sera jamais connue. Encore moins la véracité des accusations à son encontre. Est-il un agent secret ? Ce n’est certainement pas les services secrets marocains qui le confirmeront ou l’infirmeront. Sinon, leur appellation n’a pas lieu d’être. Ce n’est un secret pour personne. Les services désavouent leurs agents une fois découverts.

Rêve

Mais, il est difficile de croire que Hicham Bouchti soit une barbouze lorsqu’on connaît son passé. Un passé fait d’intrigues, de contradictions et de manipulation.

Ce natif d’Oujda, issu d’un milieu modeste et sans aucune formation universitaire, a accédé, en 1999, à la fonction publique. Il a occupé jusqu’à 2002 un poste de secrétaire dans le bureau d’ordre de l’Inspection générale des Forces Auxiliaires à Rabat avant d’être inculpé et condamné par la cour martiale à deux années de prison ferme pour falsification de documents administratifs et diffusion d’informations militaires confidentielles. Après avoir purgé sa peine dans la prison civile de Salé, il revient à sa ville natale pour vivre auprès de sa famille.

Au milieu de ses quatorze frères et soeurs, il ne trouve plus sa place. Son quotidien à Oujda est partagé entre la misère et la honte. Pour subvenir à ses besoins, il tente de trouver du travail mais son casier judiciaire le rattrape. Il fuit, alors, de l’autre côté de la rive. Comme des milliers de jeunes, le rêve européen le séduit.

Hicham Bouchti réussi à passer clandestinement vers l’enclave espagnole de Melilla. Une fois là-bas, il décide de demander l’asile politique. Pour bénéficier de ce statut, il se présente aux autorités espagnoles comme un opposant au régime marocain. Presque le même scénario qu’il sert aux Algériens. Sauf qu’à la péninsule Ibérique, Hicham Bouchti est accueilli à bras ouverts.

Réfugié

En attendant que son dossier soit traité, il est placé au centre des réfugiés Alcobendas à Madrid où il rencontre Aïcha Ramdan, épouse du militant séparatiste Ali Salem Tamek. D’après l’interview que Hicham Bouchti a accordée à Maroc Hebdo International (N°708), cette femme, ayant un réseau relationnel très influent en Espagne, l’a mis en contact avec Ali Lmrabet, journaliste à El Mundo, pour qu’il lui raconte son histoire. Celle-ci doit être publiée pour sensibiliser l’opinion publique à son cas et l’aider à obtenir le statut de réfugié politique.

Le 3 février 2006, une interview de Bouchti est diffusée sur les colonnes du quotidien espagnol contenant des propos indécents et virulents sur le Roi Mohammed VI et la famille royale. Ali Lmrabet l’y présente comme un opposant d’envergure. Il ignore dès lors que Hicham Bouchti allait retourner sa veste en si peu de temps. Cinq mois plus tard, il revient au Maroc. À la presse nationale, Bouchti révèle que Aïcha Ramdan, Ali Lmrabet ainsi que les services secrets espagnols l’ont utilisé moyennant de grosses sommes d’argent pour entacher la réputation du Maroc et de son Roi aux yeux des Européens. Ils voulaient également l’embrigader dans le “mouvement des officiers libres marocains”. Un mouvement créé par le lieutenant Abdelilah Issou auquel Hicham Bouchti s’identifie. Ce militaire a déserté l’armée marocaine pour demander, en 2002, l’asile politique en Espagne. Il est aussi connu pour avoir flirté avec la CNI, services secrets espagnols.

Après les multiples déclarations de Hicham Bouchti aux publications marocaines, une enquête ordonnée par le procureur du Roi près la Cour d’Appel de Casablanca a été ouverte en juillet 2006.

Revirement

Hicham Bouchti est placé en détention à la prison de Berkane. De là-bas, il fera une sortie médiatique surprenante. En novembre 2007, il accorde, en effet, un entretien au journal Al Michâal où il accuse les services secrets marocains et Fouad Ali El Himma, l’ancien secrétaire d’Etat à l’Intérieur, de vouloir assassiner Ali Lmrabet. Il va même jusqu’à dire que c’est sous la menace que Fouad Ali El Himma lui a demandé d’accorder des interviews à la presse marocaine pour lancer une campagne de diffamation contre Lmrabet.

Pourquoi ce revirement ? Tout laisse croire que l’accord que Hicham Bouchti a passé avec les autorités marocaines n’a pas été respecté. Elles n’ont certainement pas été aussi généreuses que celles espagnoles. Hicham Bouchti ne digère pas son échec. Il va, donc, tenter sa chance du côté de l’Algérie. Seulement le pire l’attend là-bas. Des années à croupir dans les geôles du voisin de l’Est sont assimilées à l’enfer.

Source : Maroc Hebdo - Loubna Bernichi

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