Comment le hijab fashion s’installe

8 mars 2008 - 21h43 - Maroc - Ecrit par : L.A

Hijab, nikab, foulard, burqa, tchador… De toutes les tendances féminines qui auront marqué la dernière décennie, le port du voile arrive incontestablement en tête ! Que ce soit dans les amphithéâtres de facultés, les classes de collèges et lycées, auprès du corps enseignant, dans les usines, services administratifs… Le phénomène prend et le port du voile gagne d’année en année du terrain. Est-ce un retour en arrière ? Une montée de la fibre religieuse ou encore un indicateur de la radicalisation de la gent féminine ?

Ni l’un ni l’autre ! La problématique ne se pose plus seulement en termes de raccourcis, de diabolisation ou de perceptions extrêmes. Pour mieux l’appréhender, il faut la replacer dans son contexte sociologique, préconise Mohsin Elahmadi, sociologue des religions.

Tout simplement parce qu’il y aurait autant de femmes que de raisons de porter le voile, s’accordent à dire de nombreux observateurs. C’est dire qu’au-délà des clichés, les mobiles ne sont pas toujours les mêmes.

Pour des sociologues, le décryptage de ce phénomène de société est assez complexe et mériterait une lecture plurielle : le 11 septembre, la guerre en Irak, celle du Hezbollah (Sud Liban), la situation du Hamas, le repli identitaire de communautés musulmanes à l’étranger, la prolifération de chaînes satellitaires du Golfe (Al Jazeera, Iqraa, Al Manar, Annass…) sont autant de facteurs qui diffusent de « manière insidieuse un Islam militant » et expliquent une mondialisation de problématiques identitaires. L’une des manifestations de ce souci communautaire se traduit, entre autres, par le port du voile.

En outre, la quête du respect dans des rues populaires et des banlieues très machistes, voire misogynes où l’on réduit la femme à son corps, incite de plus en plus au port du voile, perçu comme étant un signe extérieur de chasteté.

Par ailleurs, d’autres facteurs psychologiques et socioéconomiques seraient aussi à l’origine de cette uniformisation tous azimuts. Parmi ces facteurs, la précarité, l’incertitude face à l’avenir, le coût de la vie et pouvoir d’achat, l’analphabétisme, le chômage, la relégation… Mais aussi la quête d’un… mari. Autant d’éléments qui alimentent une psychose et le repli sur soi...

Ce qui est encore plus surprenant ces dernières années, c’est que plus qu’un code religieux, le hijab est devenu un effet de mode, un accessoire, voire un signe ostentatoire de féminité qui confère un look séducteur, parfois même provocateur. En témoignent l’effet miroir, le suivisme et le look quotidien de nombreuses jeunes filles. Lesquelles n’hésitent plus à mettre voile et jean’s taille basse, chemisier moulant ou talons aiguille, et ne se gênent pas à se farder de maquillage excessif.

Une tendance que confirme une étude récente, intitulée « Jeunes et voile au Maroc », selon laquelle « la mode est le principal critère de choix du type du hijab. Un phénomène qui ne s’explique plus par un quelconque prosélytisme religieux ». L’enquête en question a été, rappelons-le, menée par l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). Selon cette étude, réalisée avec le soutien du Fonds de développement des Nations unies pour la femme, « si la mouvance islamiste revendique pleinement le hijab et considère les jeunes voilées comme le résultat et le prolongement naturel de son projet de société, le mouvement associatif reste à son tour largement influencé par certaines représentations du hijab ». Ainsi, l’étude révèle que la mode est le principal critère de choix du type de hijab. Autre conclusion : « La plupart des jeunes voilées ont des connaissances partielles, voire approximatives et perturbées des versets coraniques et des hadiths relatifs au hijab ».

Par ailleurs, l’enquête constate également que le port du hijab par l’adolescente est souvent négocié par la famille comme condition sine qua non pour sortir, pour la continuité de la scolarité des jeunes filles au-delà du collège…. Pour ce type de familles, le voile serait un rempart contre la « tentation que suscite la mixité dans les écoles, les usines, les lieux publics… ». Ainsi, le voile passe rapidement, chez la grande majorité des jeunes, du registre sacré et du politique très présent des années 1980, au registre profane de la mode et des normes sociales », conclut l’investigation. Notons que le sondage en question a porté sur une enquête quantitative menée auprès d’un échantillon de jeunes filles âgées entre 15 et 25 ans. Une population citadine constituée d’élèves, de lycéennes, de membres du milieu associatif et ouvrier de la région de Rabat.

Projet de société

De nombreuses jeunes femmes, surtout des intellectuelles, étudiantes, militantes et autres membres de la société civile, portent de plus en plus le voile. C’est un choix, une stratégie de positionnement social, estime le sociologue Elahmadi. Ces voilées revendiquent à travers le foulard qu’elles incarnent « un projet de société en rupture avec la tradition, le radicalisme et les anciennes générations ».

Pour cette catégorie de voilées, il s’agirait surtout de remettre en question un certain nombre de préjugés sur le port du hijab en réaffirmant leur spécificité culturelle. Elles cherchent à prouver, au-delà des clichés qui cataloguent la femme dans un « statut de mineure à vie », qu’il « est important de distinguer entre le fait culturel et l’essence d’une religion, entre un message spirituel et ses diverses interprétations », comme le souligne Asma Lamrabet, écrivaine de : « Le Coran et les femmes ». Une subversion féminine porteuse de nombreux espoirs, estime l’écrivaine.

Source : L’Economiste - Amin Rboub

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