Hommage lui est rendu en France : Kateb Yacine, une parole engagée

22 juillet 2003 - 09h35 - France - Ecrit par :

De nombreuses manifestations sont consacrées, cette année en France, à l’œuvre de cet inlassable militant que fut Kateb Yacine. C’est l’itinéraire d’une vie que nous invite à parcourir ces différentes manifestations.

La Comédie française a rendu un grand hommage à cet homme à travers 2 soirées intitulées « Présences de Kateb Yacine » les 6 et 7 janvier 2003.
« Nedjma », premier succès de Kateb Yacine, a quant à lui fait l’objet d’une adaptation de Mohamed Kacimi, présentée au Théâtre du Vieux Colombier.

Dans un entretien, Mohamed Kacimi déclare que « Le fait que Kateb Yacine soit accueilli et fêté par le premier théâtre français est une magnifique revanche pour cet auteur qui est entré dans le monde du théâtre en France avec une pièce jouée dans la clandestinité et qui a fini sa vie comme dramaturge exilé à l’intérieur de son propre pays, l’Algérie. » Il ajoute que « son œuvre la plus connue, Nedjma, n’est pas seulement un roman sur l’Algérie des années 50, c’est avant tout une œuvre hallucinée, moderne et poétique…

Pour moi, Il reste essentiellement un poète qui a connu les tragédies de ce siècle et qui les a traduites avec l’émerveillement et la violence d’un enfant resté amoureux de son enfance jusqu’à la fin de sa vie. »
Kateb Yacine est certainement l’une des plus grandes figures de la littérature algérienne.

« Boucherie de l’espérance », texte écrit en 1968 et présenté jusqu’au 28 octobre au Théâtre des Ateliers à Paris, démontre d’ailleurs toute l’actualité de son œuvre. Piquant, ironique et dynamique, ce spectacle met en scène, avec beaucoup d’humour, l’affrontement de deux frères ennemis : l’Arabe Mohamed et le Juif Moïse.

Ecriture plurielle

Poète, romancier, dramaturge et chroniqueur, Kateb Yacine est un auteur complet. Il sait tout écrire, passe d’un style aux accents modernes à l’écriture concise et cinglante de ses chroniques d’actualité. L’homme est aussi un auteur de théâtre et un artiste singulièrement engagé.
Ses pièces, profondément ancrées dans l’histoire algérienne et mondiale, deviennent ainsi un véritable « véhicule politique » à travers leurs thèmes et leur style.

Mais si Kateb Yacine met ses réflexions politiques et philosophiques au centre de son œuvre théâtrale, les langues et le langage représentent aussi un pan important de son travail. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il écrit ses pièces en arabe parlé. « Il y a un arabe mort, et un arabe vivant. », déclare-t-il souvent. « L’arabe vivant, c’est l’arabe populaire, car le principal créateur de la langue, n’en déplaise à nos ouléma, c’est le peuple entier, lui seul peut donner à la langue toute sa saveur.

Kateb Yacine permet au public le plus large possible de poser un autre regard sur son histoire. Il tente d’ouvrir les yeux de ce public, mais sans moralisme et avec beaucoup d’humour.
Une démarche qui lui donne une importance bien plus grande que celle conférée d’ordinaire aux hommes de Lettres. Son parcours exceptionnel, ses audaces stylistiques et politiques lui valent d’être considéré par beaucoup d’Algériens comme « une manière de conscience irrécupérable et insoumise ». Il devient de ce fait l’emblème de toute une société.

Maghrébin errant

Kateb Yacine est né en 1929 à Constantine. Il suit ses études à l’Ecole coranique et au lycée français. A l’âge de 15 ans, il participe à la grande manifestation des Musulmans contre la situation imposée par la France. Arrêté, il est emprisonné quatre mois durant. Après quelques mois passés en France, il revient en Algérie en 1948 et entre comme journaliste au quotidien « Alger Républicain ». Trois ans plus tard, il quitte le journalisme pour revenir en France. Il fait de nombreux petits boulots avant de publier son premier roman « Nedjma » en 1956. Le roman, par la force de son style et son caractère résolument moderne, rencontre un grand succès.

Loin de s’endormir sur ses lauriers, l’écrivain revient s’installer en Algérie après de nombreux voyages. Il se consacre alors au théâtre et se met à écrire en arabe parlé afin de s’adresser plus directement à son peuple. Naîtra notamment « Boucherie de l’espérance ou Palestine trahie », « Mohamed prend ta valise »…
Il obtient le Prix National des Lettres en 1988 pour son travail littéraire et théâtral. Katib Yacine meurt un an plus tard à Grenoble.

Bibliographie
« Nedjma », Edition du Seuil, Paris, 1956, Points roman, 1981.
« Le cercle des représailles », Edition du Seuil, Paris, 1959.
« Le Polygone étoilé », Edition du Seuil, Paris, 1966
« L’homme aux sandales de caoutchouc », Edition du Seuil, Paris, 1970.
« L’oeuvre en fragments », Edition Sindbad, 1986.
« Théâtre en arabe dialectal algérien :»
« Mohammed prends ta valise, » 1971.
« Saout Ennisa, » 1972.
« La guerre de 2000 ans, » 1974.
« La Palestine trahie, » 1972-1982.

Biographie
Kateb Yacine est né en 1929 à Constantine. Son père, avocat, est un homme de double culture et sa mère l’initie à la poésie et au théâtre. Après avoir fréquenté l’école coranique, il est mis dans la « gueule du loup » c’est-à-dire à l’école française. Le 8 mai 1945 il est arrêté alors qu’il participe aux manifestations pour l’indépendance. L’expérience de la prison sera déterminante pour sa carrière d’écrivain. Sa mère, le croyant fusillé, perd définitivement la raison. Renvoyé du collège, il rencontre Nedjma et l’expérience de l’amour.

En 1950, il commence un long et dur exil en France. Il rencontre à Paris Bertolt Brecht. En 1956 il publie son premier roman Nedjma. En pleine guerre d’Algérie ses tragédies le Cadavre encerclé et Les Ancêtres redoublent de férocité sont mises en scène par Jean-Marie Serreau qui y joue aux côtés d’Antoine Vitez. Elles font venir sous la plume des critiques les noms de Sophocle, d’Eschyle et de Paul Claudel. En 1962, à la proclamation de l’indépendance, Kateb Yacine rentre à Alger avant de reprendre le chemin de l’exil.

À partir de 1971, il se consacre à l’écriture et à la représentation d’un répertoire de pièces de théâtre en arabe populaire où il pourfend les fanatiques, défend l’émancipation des femmes et appelle à une société libre. Ses créations Mohamed, prends ta valise et la Guerre de deux mille ans sont jouées en arabe au Théâtre des Bouffes du Nord. Le Grand Prix national des Lettres lui est décerné par le ministre français de la Culture. Kateb Yacine meurt à Grenoble en 1989, il est enterré au cimetière des martyrs d’Alger. Figure à la fois de l’homme révolté et du chercheur absolu de beauté, Kateb Yacine imprégné de culture berbère, arabe et française est considéré aujourd’hui comme un des plus grands écrivains du siècle.

Lematin.ma

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