Jeunes : Le nouvel Eldor’ado

10 mars 2007 - 00h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

Diverses sociétés et marques partent à l’assaut d’un marché jusque là peu prisé : les jeunes. Si l’on peut difficilement parler pour l’instant de phénomène, la tendance fait des émules et évolue sûrement. Zoom sur ce marché appelé à être davantage pris en compte (et moins épargné) pour une raison des plus évidentes mais non moins essentielle : les jeunes sont les consommateurs de demain.

Réviser ses jugements en termes de marketing des jeunes est un impératif. Les jeunes, une cible peu intéressante car désargentée ? Il faudra compter désormais avec eux dans l’élaboration de produits et la mise en place de campagnes publicitaires. À la vue de ces dernières, on note un récent regain d’intérêt publicitaire qui affole les annonceurs et leurs agences spécialisées ès conseils. Les récentes campagnes de pub ou de marketing direct, menées notamment par les opérateurs téléphoniques le montrent bien : la promotion de produits s’appuie désormais sur des thèmes juvéniles et fédérateurs. Du langage “branché” au style vestimentaire en passant par la musique, tout est pensé et calibré pour que les annonceurs soient désormais au diapason de la jeunesse marocaine, investissant des domaines que l’on aurait eu du mal à imaginer il y a de cela quelques années seulement. Des spots Maroc Telecom par exemple aux couleurs flashy et bercés de sons rap et hip hop, sont désormais une réalité. Et ce n’est qu’un début.

Sus aux jeunes !

Depuis les campagnes publicitaires dans les années 80 et 90 pour les chewing-gum, les boissons lactées ou les sodas, le jeune n’a eu que très peu droit de cité dans la jungle publicitaire marocaine. Il était plutôt épargné ? Cela ne durera pas. À l’agence de communication Mosaïk, on reconnaît le récent et important intérêt porté à la cible jeunes, bien que pour l’instant “au Maroc, la jeunesse soit encore "un continent vierge" très peu exploré par la publicité”.

Rappels démographiques : près de 70% de la population marocaine a moins de 30 ans, dont environ la moitié a plus de quinze ans. La population marocaine est, on le sait, très jeune et représente une manne non négligeable de consommateurs potentiels. « C’est une cible majoritaire, remarque Mohamed Sqalli de l’agence Mass Media. La pyramide des âges est très jeune et les annonceurs commencent par conséquent à considérer cette cible comme très intéressante, y compris en termes de pouvoir d’achat ». D’autant que si le porte-monnaie des adolescents et jeunes marocains est parfois peu garni, il le sera moins dans un futur proche, pour peu que ces jeunes ne chôment pas. « Les jeunes d’aujourd’hui seront les adultes de demain et c’est à partir de là qu’il faut les cibler », accorde de son côté Tarik Bennouna, du département marketing de Nokia, ajoutant que cette cible a « toujours été au coeur de la stratégie de Nokia ».

Autre caractéristique séduisante pour les annonceurs, le marché des jeunes présente l’avantage d’être une cible plus influençable par les messages publicitaires. Le jeune se cherche, et à travers son besoin d’appartenance, facteur favorisant son adhésion à diverses marques, il est capable de se sacrifier financièrement pour appartenir à l’image reflétée dans les publicités auxquelles il est exposé. Mais encore faut-il que les valeurs véhiculées par les marques et les publicités concordent avec celles de la jeunesse, contrainte qui pourrait en partie expliquer le succès de Méditel auprès des jeunes. Selon un responsable de l’opérateur téléphonique, le carré des valeurs de Méditel (Force, Sympathie, Proximité et Innovation) serait tout à fait conforme aux valeurs partagées par les jeunes. Si ce responsable admet qu’il est difficile de quantifier leur nombre sur l’ensemble des clients Méditel, il affirme que les jeunes en représentent un segment important et sont des fidèles de la marque. Une des causes qui explique ce capital sympathie remonte à l’introduction sur le marché de Méditel, qui a permis une concurrence et une véritable démocratisation des produits téléphoniques. Maroc Telecom, gêné sur son territoire, joue le jeu : arriveront sur le marché cartes Jawal Jeunes et autres avantageuses offres pour que les jeunes consommateurs ne se sentent plus marginalisés… et puissent à leur tour dépenser des deniers. Les tarifs sont bas, notamment pour un outil très prisé par les jeunes : le SMS.

Outre les opérateurs téléphoniques, les marchands de téléphones mobiles, à qui la tendance ne pouvait vraisemblablement pas échapper, vont également à l’assaut des jeunes. Motorola, Sony Ericsson, Nokia et compagnie se lancent dans la course aux jeunes. Design, couleurs, fonctions et gadgets supplémentaires (écouteurs, minis hauts-parleurs, etc.) sont pensés pour ces jeunes utilisateurs, qu’on ne saurait tromper.

Les nouvelles technologies ? Les jeunes en connaissent un rayon, pas moyen de les berner. Par contre, les publicitaires savent solliciter la corde sensible des jeunes ciblés pour les pousser à la consommation. Tandis que Motorola a préféré sponsoriser une manifestation musicale (voir encadré), Nokia vient de lancer, il y a quelques semaines, la campagne “La musique vous parle”. Affichage classique ou grandiose, insertions publicitaires, les jeunes auront autant de mal à échapper à cette campagne qu’à se laisser séduire. « Cette campagne a eu un très bon écho auprès des jeunes marocains, confie Tarik Bennouna. Sa particularité est l’émotion véhiculée par ce concept ».

Les banques dans le coup

ImageNokia peut s’en féliciter et s’en réjouir : le savant mariage de la technologie et d’une discipline artistique fédère assurément les jeunes. Attijariwafa bank l’avait déjà compris l’année passée, en se lançant dans le sponsoring de la manifestation “Inter-actions”. La banque réitère cette année l’expérience. De grandes affiches aux abords des lycées, des Mc Donald ou des Instituts culturels annoncent la couleur (jaune) du projet : permettre à de “jeunes artistes” de bénéficier d’une formation avec des artistes professionnels. Notez que l’appel à candidature ne cible pas des “artistes en herbe” (qui, après tout, auraient pu avoir n’importe quel âge) mais bien des artistes jeunes. Ainsi se constitue notamment le futur portefeuille-clients des banques.

Outre le sponsoring et le mécénat ciblant les jeunes, les produits bancaires sont parmi les premiers produits non-alimentaires à s’être adaptés au marché marocain, à avoir compris la grande importance des jeunes. Elles s’y sont mises un peu tard mais se rattrapent depuis. Produits adaptés à leurs besoins accompagnés de réductions sur différentes prestations susceptibles de les intéresser relayées par des spots télévisés ou radiophoniques les ciblant, les jeunes ne savent plus où donner de la tête dans le domaine faussement austère des banques.

Il suffit de voir leurs sites Internet pour s’en convaincre : les banques ont sauté le pas, consacrent bien souvent une page spécialement dédiée aux jeunes et comptent bien faire “jeune” justement, pour attirer adolescents, jeunes étudiants et jeunes cadres dynamiques. Oui, elles se mettent en ligne, mais en plus elles parlent “jeune”. L’adaptation concerne le langage utilisé sur le site (“C’est cool” ou “c’est limite” pour évoquer la satisfaction sur le site d’Attijariwafa bank, la carte de retrait “C’Pop” vantée sur le site du groupe Banques Populaires), la syntaxe (la BMCE comme la BMCI se sont rués sur le très Internet sigle @, en l’intégrant à sa carte de retrait “@ccess” pour la première et à son offre Im@gine pour la seconde), ou encore le design de la page web en question (choix des couleurs, des photos de jeunes souriants, utilisation pour la SGMB d’un tampon estampillé “Banky, strictement réservé aux jeunes”). Quant aux slogans, ils s’efforcent d’être dynamiques et souvent anglicisants. Tandis que BMCI clame que l’offre Im@gine propose des « Mega Avantages, just for notre âge ! », Attijariwafa bank, s’adresse à la génération Wafa en des termes lourds de sens : « L’avenir c’est vous… ».

Les jeunes savent-ils apprécier l’effort ? Oui, si l’on en croit les ouvertures massives de comptes pour jeunes. Non, si l’on prête attention à quelques jeunes critiques sans concession. Réda par exemple, passe son bac cette année et, la fraîcheur de ses 18 ans aidant, ne mâche pas ses mots : « On a parfois l’impression d’être pris pour des cons. On aura beau me parler avec langage jeune, ça ne trompe pas, je ne perds pas de vue que les banques restent des arnaqueurs ! » Du côté de l’agence Mosaïk, l’avertissement est formel, « il est très difficile de s’adresser aux jeunes. Ils sont très pointus sur la publicité en général et décryptent aisément les messages, avec une attitude immédiate de rejet face à de faux discours jeunistes ». Les annonceurs sont prévenus, les jeunes sont aussi une cible à prendre avec des pincettes.

Jeunes, aux abris !

ImagePour convaincre les jeunes consommateurs, il est essentiel pour les annonceurs comme pour les agences d’adopter le ton juste. Comment séduit-on aujourd’hui les jeunes ? Réponse : en surveillant l’évolution des tendances, auxquelles les jeunes accordent beaucoup d’importance et qu’ils influencent dans une moindre mesure. La darija est ainsi beaucoup usitée pour des publicités destinées aux jeunes. Les annonceurs peuvent également solliciter des personnalités “à la mode”.

Maroc Telecom vient ainsi de commander mercredi dernier le tournage d’un spot à Meknès, avec un groupe très apprécié des jeunes, les H-Kayne.

Pour atteindre cette cible convoitée, certains moyens se révèlent plus payant que d’autres. S’il est vrai qu’il existe peu d’émissions télévisées destinées aux jeunes, le tube cathodique reste un média de choix. En plus d’un cœur de cible, il permet de toucher d’autres consommateurs potentiels et bénéficie d’une très large couverture géographique. Meditel cite par ailleurs l’affichage mais aussi le cinéma et les partenariats entrepris avec divers festivals et manifestations culturelles ou sportives.

« Indéniablement, nous avons été des pionniers en la matière », indique-t-on auprès de l’opérateur téléphonique. Essaouira, Caftan 2006, divers concerts ou encore désignation d’ambassadeurs sportifs sont autant de choix auxquels les jeunes sont sensibles, reconnaissants envers la marque en tant que vecteur d’émotion. Les retombées sont aussi bien quantitatives que qualitatives, la marque pouvant alors jouir d’une image dynamique.

Par ailleurs, deux médias devraient avoir bientôt les faveurs des annonceurs. D’une part, les radios. Selon l’agence Mosaïk, « le boom des nouvelles radios, telles que Radio 2M, Hitradio ou Casa FM, qui créent des “communautés” autour de centres d’intérêt sociaux ou musicaux, ouvre un nouveau canal dont l’impact devrait se confirmer ». D’autre part, « Internet devrait bénéficier, dans une large mesure, des investissements publicitaires ciblant les jeunes » analyse Rachid Hamdad de l’agence Alif. Les jeunes se connectent très souvent et restent sensibles à ce média auquel ils sont de plus en plus nombreux à consacrer leur temps.

Outre les canaux classiques, des méthodes de proximité plus agressives ciblent les jeunes. Le marketing direct fait ainsi les beaux jours de Méditel qui a pu attirer l’attention des jeunes durant sa dernière campagne promotionnelle. Les jeunes passants ont ainsi été surpris, voire séduits, par des hommes sandwich d’une nouvelle race, équipés d’écrans plats et de chaussures d’une marque affectionnée par les jeunes depuis un certain "Kill Bill", réalisé par Quentin Tarantino. Mais le marketing direct a aussi ses torts. Il est devenu courant que les lycées (notamment les missions étrangères et les lycées privés) soient pris d’assaut, au moins une fois par semaine, par des distributeurs de flyers en tout genre : promotions proposées par les magasins d’habillement, boîtes de nuits et autres pubs recrutent leur clientèle chez les plus jeunes. Des prospectus vantent alors les avantages que les-pour la plupart-mineurs pourront découvrir : bénéficier d’une bouteille gratuite à l’achat d’une bouteille, gagner des accessoires à l’effigie d’une marque de bière ou encore participer à un jeu organisé par une marque de cigarettes. Certaines marques ou établissements ciblent les jeunes et, autant le savoir, ne reculent devant rien.

Au-delà de ces cas particuliers, ne perdez pas de vue que les jeunes sont d’excellents prescripteurs. Votre progéniture peut de ce fait être le parfait relais pour vous faire acheter les produits qu’ils convoitent. L’ère de la consommation règne, et jeunes ou non, personne ne sera épargné par le rouleau compresseur de la frénésie acheteuse.

Le Journal Hebdomadaire - Aïda Semlali

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