Le combat de Latifa Charrihi pour sa mère, première victime de l’attentat de Nice

2 septembre 2022 - 12h20 - France - Ecrit par : G.A

À quelques jours du démarrage du procès de l’attentat de Nice qui s’est produit le 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais et qui a coûté la vie à 86 personnes dont des musulmans, Latifa Charrihi, la première fille de la victime de cette attaque est partagée entre différentes émotions. Elle espère qu’à l’issue de ce procès, la vie reprendra son cours et qu’avec ses frères et ses sœurs, ils pourront commencer enfin à faire leur deuil.

Six ans après l’attaque de Nice, Latifa Charrihi n’a pas pu outrepasser la douleur que lui a infligé Mohamed Lahouaiej-Bouhlel en lui arrachant sa mère. Même si le terroriste a été abattu par la police, la promenade des Anglais revêt désormais une autre signification pour Latifa Charrihi. Pour elle, la « Prom » est devenue un cimetière et le lieu de réminiscence d’images traumatiques. Des gyrophares plein le ciel, l’odeur de sang, les cris de mon père », énumère-t‑elle. Depuis six ans, la jeune femme de 37 ans vit dans « l’attente infernale » du procès, étape nécessaire à son deuil.

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De cette audience qui s’ouvre le 5 septembre à Paris, Latifa Charrihi et ses six frères et sœurs attendent que soit clairement énoncé le fait que les musulmans sont aussi des victimes de cette tragédie. Pour elle, les faits depuis ce jour-là sont ancrés dans sa mémoire. Elle raconte que sa mère avait insisté auprès de son mari pour qu’il emmène voir le feu d’artifice et finit par le convaincre. Et puis soudain le drame. Elle se souvient de la voix tremblante et méconnaissable de son père au téléphone. Pire encore, le soir du drame, elle se rappelle du manque de compassion de certains habitants comme ces jeunes à l’intérieur d’une Clio bleue qui leur ont lancé : « C’est bien fait, c’est votre tour maintenant ». Ou comme cet homme qui en voyant Latifa et ses sœurs voilées venir déposer des fleurs face à la mer, leur a crié : « Vous devriez avoir honte de vous balader comme ça ! ».

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Si l’attaque de Nice a marqué tous les esprits, pour la communauté musulmane qui a aussi perdu bon nombre de ses membres, la peine est encore plus grande. « Si on va jusqu’au bout de la logique, c’est comme si ma cliente était responsable de la mort de sa mère », décrit l’avocat de la famille Charrihi, Nabil Boudi. « C’est de la méchanceté gratuite, rien à voir avec l’islam », insiste Latifa Charrihi. Sur les vidéos de l’attentat, j’ai vu « clairement ce fou monter sur le trottoir et viser ma mère voilée ».

À lire : Témoignage bouleversant de la famille de Fatima, Marocaine tuée dans l’attaque terroriste à Nice (vidéo)

Elle sait que la question de l’état psychique de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel sera longuement évoquée au procès. Elle connait le passé du terroriste parce que la veuve de ce dernier a été sa camarade de lycée. « Elle m’a dit qu’elle était désolée. Il ne se comportait pas comme un vrai musulman, il semblait fou. Il la frappait, laissait ses excréments dans le lit de leurs enfants. » Dans le dossier d’instruction figurent deux plaintes pour violences conjugales « habituelles », classées sans suite.

À lire : Fatima Charrihi, mère de sept enfants, tuée à Nice

Le 5 septembre, sept hommes et une femme se tiendront dans le box des accusés, pour répondre des charges qui pèsent contre eux. Mais Me Boudi compte bien « ouvrir le débat sur le respect par la Ville de Nice de ses obligations en matière de sécurité ». Latifa pense que la gestion qui se fait du dossier n’est pas celle observée dans les autres affaires. « Il nous est arrivé quelque chose d’anormal, de puissant dans le choc. Notre mère était en bonne santé, elle allait juste regarder le feu d’artifice en famille. Les médias parlent moins de Nice que d’autres attentats. Pourquoi ? »

À lire : "Ma mère musulmane tuée à Nice" (vidéo)

Au procès, Latifa Charrihi envisage de raconter le « parcours grandiose » de sa mère, analphabète née dans un village berbère du Maroc, et qui est arrivée à Nice avec son mari en 1983, et qui n’avait cessé de répéter à ses filles leur « chance d’être en France, de pouvoir se débrouiller sans dépendre d’un homme ». Même si elle sait déjà que le procès ne résoudra rien, elle reste convaincue que ce sera un grand pas vers la guérison.

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