Le prince héritier : L’enfant né roi

15 mai 2003 - 15h20 - Maroc - Ecrit par :

Le premier fils de Mohammed VI, prénommé Hassan, comme son grand-père, est né le 8 mai. Contrairement à la tradition, le souverain a décidé d’en faire dès à présent le prince héritier du royaume alaouite. A la satisfaction générale.

Jeudi 8 mai, Rabat se réveille joyeusement au son du canon. Il est 8 heures du matin ce jour-là lorsque la garde royale tire une salve d’artillerie de 101 coups pour saluer la venue au monde d’un prince héritier. La « batterie du salut » n’avait pas ainsi fonctionné au Maroc depuis une génération. Elle annonçait, ce matin de printemps 2003, la venue au monde du premier enfant de Mohammed VI. Une naissance qui alimentait, depuis quelque temps, l’essentiel des conversations, aussi bien dans les salons huppés de Rabat et de Casablanca qu’aux terrasses des cafés.

C’est Abdelhak Lamrini, chef de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie, en djellaba blanche et fez, qui a lu à la radio et à la télévision le communiqué annonçant la naissance, à 6 h 40, d’un garçon, précisant que le nouveau-né et la mère se portaient bien. Le chancelier de la Maison royale révèle que le roi a décidé « de donner à son Altesse royale le prince héritier » le prénom de son grand-père, Hassan II. Une petite révolution. Traditionnellement, le premier-né d’un couple royal n’est pas nommé prince héritier dès sa venue au monde. Hassan II avait été désigné comme successeur le 9 juillet 1957, à 28 ans, et Mohammed VI à l’âge de 3 ans.

C’est bien la première fois dans l’histoire de la dynastie marocaine que la succession est réglée d’emblée

Cela signifie-t-il pour autant que le prince Hassan règnera un jour sous le nom de Hassan III comme 19e souverain alaouite ? La question est loin d’être tranchée. L’article 20 de la Constitution marocaine, révisée en 1996, est clair. Il stipule que « la couronne du Maroc et ses droits constitutionnels sont héréditaires et se transmettent de père en fils aux descendants mâles en ligne directe et par ordre de primogéniture de Sa Majesté. A moins que le roi ne désigne de son vivant un successeur parmi ses fils autre que son fils aîné ». La désignation du prince Hassan par le titre de « prince héritier » dans le communiqué annonçant la naissance peut donc être un prélude à une innovation dans la monarchie chérifienne, qui règne sur le Maroc depuis le XVIIe siècle et que le roi Mohammed VI modernise par petites touches. Une révolution qui, si elle devait se confirmer, nécessiterait une révision de la Constitution.

Pour le politologue Mohammed el-Ayadi, le prince Hassan est le « premier enfant né roi ». Car, si Hassan II avait introduit la clause de primogéniture dans la loi fondamentale du pays, c’est bien la première fois dans l’histoire de la dynastie marocaine que la succession est réglée d’emblée. Cela évitera, selon lui, les crises politiques qu’induisent toujours les questions de succession dans les régimes arabes. « C’est très important, puisque la succession est définitivement réglée, même si cela ne change rien à la nature du système. La pérennité de la monarchie est, de toute manière, liée à la naissance d’un enfant mâle, qui est la seule à avoir une signification politique. »

Mohammed el-Ayadi ne manque pas non plus de noter l’unanimité de la classe politique marocaine autour de cette naissance. Une unanimité que l’on n’avait pas observée en 1963, à la naissance du roi actuel. La classe politique était alors très divisée et l’opposition au régime fort vive. Une situation engendrée par la rupture entre le palais et le mouvement national, ce même mouvement national qui avait été unanime à saluer, en 1957, la désignation d’un autre prince Hassan - devenu le roi Hassan II - comme prince héritier.

Les Marocains, eux, avaient déjà été étonnés et ravis en découvrant, en juillet 2002, le visage de l’épouse du roi, que, traditionnellement, l’on ne révèle pas. Et ils attendaient l’annonce de l’heureux événement depuis plusieurs semaines. D’autres surprises suivraient. Ainsi cette initiative « audacieuse » accompagnant l’annonce de la naissance : le bulletin de santé de la nouvelle Altesse. Un communiqué signé par dix médecins - dont deux professeurs français - précise le poids et la taille du bébé royal, né à terme (3,750 kilos et 51 centimètres). Et, au-delà de la joie des Marocains qui ont afflué à Rabat, aux abords du palais royal, pour féliciter le souverain - sorti à deux reprises pour remercier ses sujets - il reste le devenir de l’une des rares monarchies arabes qui aient choisi d’épouser leur siècle. Une royauté qui tire sa légitimité de la descendance du Prophète dans un monde musulman aux prises avec la montée de l’islamisme. Une monarchie où le roi, « commandeur des croyants », se prévaut de pratiquer un islam tolérant et ouvert sur l’autre. Fondée voici douze siècles - la royauté se veut, au Maroc, la garante des fondements traditionnels tout en s’engageant dans la modernité. Il appartiendra au jeune prince Hassan, s’il est appelé à monter sur le trône, de s’inscrire dans cette voie royale.

L’express

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Mohammed VI - Enfant - Moulay Hassan - Famille royale marocaine

Ces articles devraient vous intéresser :

Réforme du Code de la famille au Maroc : vers une égalité parfaite hommes femmes ?

Le roi Mohammed VI a adressé mardi 26 septembre une Lettre royale au Chef du gouvernement, annonçant une révision approfondie du Code de la famille (Moudawana), près de 20 ans après celle opérée en 2004.

Des personnes condamnées pour terrorisme graciées par le roi Mohammed VI

Le roi Mohammed VI a gracié quelque 1518 personnes à l’occasion de l’Aïd al fitr fêté ce samedi 22 avril au Maroc, dont certaines ont été condamnées dans des affaires de terrorisme. Voici le détail de ces grâces :

Les Marocains de plus en plus obèses

Près de la moitié de la population marocaine (46 %) sera obèse d’ici 2035, selon les prévisions de la World Obesity Forum.

Le Maroc mise sur ses compétences à l’étranger

Le Maroc veut impliquer davantage ses compétences à l’étranger à son processus de développement. Dans ce sens, un mécanisme est en cours d’élaboration pour accompagner les talents marocains à l’étranger, conformément aux orientations royales.

L’Espagne « fait un cadeau » au roi Mohammed VI

Le gouvernement de Pedro Sánchez s’active pour organiser une visite officielle au Maroc en vue de renforcer les liens diplomatiques entre les deux pays. Pour sa réussite, le président du gouvernement espagnol aurait accepté de faire un cadeau au roi...

Aide au logement : un vrai succès chez les MRE

Près de 20% des potentiels bénéficiaires du nouveau programme l’aide au logement lancé par le roi Mohammed VI en octobre dernier sont des Marocains résidant à l’étranger (MRE).

Enfants de Dounia Batma : Mohamed Al Turk dénonce une exploitation sur les réseaux sociaux

Mohamed Al Turk, l’ex-mari de Dounia Batma actuellement en détention, reproche à la sœur de l’actrice marocaine, Ibtissam, de chercher à gagner la sympathie des Marocains en publiant des photos de leurs filles, Ghazal et Laila Rose, sur les réseaux...

Maroc : un ancien diplomate accusé de prostitution de mineures risque gros

L’association Matkich Waldi (Touche pas à mon enfant) demande à la justice de condamner à des « peines maximales » un ancien ambassadeur marocain, poursuivi pour prostitution de mineures.

Les chrétiens marocains contraints de vivre leur foi en secret

Les chrétiens marocains sont rejetés par leurs familles et la société. Bien que la Constitution de 2011 garantisse la liberté de conscience, la pratique d’une religion autre que l’islam sunnite est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans...

Maroc : un « passeport » pour les nouveaux mariés

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle à la mise en place d’un « passeport » ou « guide » pour le mariage, dans lequel seront mentionnées les données personnelles des futurs mariés, ainsi que toutes les informations sur leurs...