Les MRE , Vacances ou business ?

21 août 2002 - 02h47 - Maroc - Ecrit par :

N’avez-vous jamais croisé entre Tanger et Casablanca ces MRE de retour au pays chargés de bagages, vélos, frigos, friteuses, ballons, tables, portables, bouées, lavabos, postes de télévision… Bref un vrai supermarché concentré dans un seul véhicule !

Leur passage nous fait sourire et l’on se demande pourquoi ils sont si chargés et pas toujours avec du neuf. Le Maroc manque-t-il à ce point d’appareils ménagers pour que nos MRE risquent parfois leur vie sur les routes ?
Quels sont les profils ? que proposent-ils ? et enfin, quels sont leurs lieux de prédilection ?
On trouve un peu de tout, cela va du plus jeune au plus âgé. Les personnes adultes restent majoritaires : retraités, parents de la 1re et 2e génération. Mais ce qui paraît d’autant plus incroyable, c’est que les plus jeunes reproduisent le schéma des anciens. Un transporteur marocain domicilié dans la commune de Aïn Chock confirme. Il explique que de plus en plus de jeunes entre 16 et 22 ans ramènent aussi des produits destinés à la vente. Il ajoute que bien souvent, ces jeunes sans travail espèrent gagner de l’argent pour passer leurs vacances. “Lors de mon voyage, deux adolescents assis derrière moi avaient pour seul bagage deux scooters”, souligne une étudiante qui a fait le déplacement au Maroc en autocar. Un des deux adolescents lui a révélé qu’il avait déjà envoyé un scooter par l’intermédiaire de son plus jeune frère.
Le commerce des scooters semble être une bonne affaire, les véhicules se vendent à bas prix, assez pour passer quelques semaines à la plage, consommer... et draguer. Pour les plus âgés, c’est une autre histoire. Ils apportent des produits de toutes sortes, pourvu que cela se vende. Avec cet argent, il est possible de passer des vacances plus ou moins tranquilles car souvent, ce sont des familles nombreuses et il faut pourvoir les enfants en argent de poche pour la plage, les glaces, mais aussi les proches qui n’ont pas de revenus.
“On ne peut pas être MRE sans argent, cela équivaudrait à passer pour un perdant aux yeux de la famille”, affirme un Marocain expatrié en Italie depuis 10 ans à Brescia.
Sur la liste des produits vendus, il y a un peu de tout. Le premier prix est attribué au matériel ménager.
Vous trouverez de tout chez le MRE : un réfrigérateur pour la mère ? une machine à laver pour la belle-mère ? ou alors un four pour la fille qui se marie ce mois-ci ? Le fourgon du MRE est une vraie caverne d’Ali Baba. Mais ne croyez pas que tout ce matériel est neuf. Souvent, il est usagé et il se vend ! Les Marocains sont prêts à investir pourvu que le produit soit étiquetté “étranger”. Une croyance perdure : les produits de l’étranger sont de meilleure qualité. Si l’on examinait le rapport qualité-prix, il n’est pas sûr que les acheteurs soient gagnants. Les MRE le sont-ils pour autant ?
Un exemple : le MRE achète une machine à laver à 800 DH, il ajoute 800 de plus pour qu’elle soit acheminée jusqu’au pays. Arrivé à la douane, il devra débourser une taxe d’environ 1.100 DH. En conclusion, le prix de revient de la machine s’élèvera à 2.700 DH, ladite machine sera revendue entre 3.000 et 3.500 DH. De l’argent investi pour pas grand-chose.
Le second prix revient aux portables et scooters qui se vendent comme des petits pains. Ce créneau appartient comme nous l’avons vu plus haut aux plus jeunes. Certains portables “tombés d’un camion” peuvent se vendre entre 700 et 1.500 DH, voire plus. Une fois de plus, un produit venant de l’étranger se vend plus facilement. Un petit commerçant de Derb Ghallef avoue sa préference pour les produits étrangers et n’hésite pas à acheter des portables directement à des MRE.
Le troisième prix revient enfin aux vêtements et produits de luxe.
Le MRE est à la recherche permanente de vêtements qu’il achètera à un moindre prix sur les marchés pour les revendre ici au prix double. Ce qui marche le mieux ? les vêtements pour enfants. Les mères sont à l’affût de vêtements qu’on ne trouvera pas exposés dans “une kissaria” et quel plaisir de s’entendre dire à la voisine de palier que le petit short de son bambin vient de France ou d’Italie. Reste le créneau des produits de luxe pour une clientèle en majorité plus aisée que la moyenne, prête à dépenser la moitié de son revenu en produits de beauté, en foulards et tissus rares qu’elle peut aisement trouver sur place. Croyance quand tu es là...
Le MRE connaît tous les endroits où il pourra distribuer sa marchandise. Les lieux de prédilection ? Les souks tel Derb Ghallef ou encore la grande kissaria de Hay Mohammadi. Il fait de la vente “à la sauvette” à l’aide de sa voiture ou son fourgon. Il ne décharge rien. Tout reste dans le coffre. Il est souvent accompagné de sa famille pour l’aider. Les enfants prendront plus tard le flambeau.
Bien sûr, cela reste illégal et le MRE risque de se voir confisquer sa marchandise. Les membres des forces auxiliaires tournent autour des parkings pour empêcher ce commerce illicite. Néanmoins, le MRE finit par revenir. Vous pourrez les croiser à partir de 16 heures à Derb Ghallef garés sur le parking. Nul besoin de se renseigner, il vous suffira d’observer une voiture entourée de badauds pour comprendre que le MRE travaille.
Le MRE peut aussi écouler sa marchandise tout en restant chez lui. Le simple bouche à oreille suffit. Souvent une connaissance ou un membre de la famille du MRE en parle à une personne et ainsi de suite. L’acheteur se présente chez le vendeur, il vient de “la part de” et le tour est joué. Il peut encore aller voir directement un commerçant et lui proposer du matériel.
Les MRE constituent des devises pour notre pays, certes, mais ne font pas toujours marcher le commerce intérieur. Il est révolu le temps où avoir un réfrigérateur à la maison était un luxe. Alors MRE, “bienvenue chez vous” mais par pitié, soyez plus léger !

l’économiste

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