Dans l’univers des jeunes "No Limit"

3 juillet 2007 - 00h02 - Maroc - Ecrit par : L.A

Des jeunes complètement "No Limit" ! Effet de mode peut-être, mais d’année en année, ils se distinguent. Pointés du doigt par certains les accusant de "mal éduqués, mal cultivés, sataniques...", ils s’en moquent éperdument ! Pour d’autres plus au moins ouverts et tolérants, ce sont des "teens agers" qui veulent se frayer leur propre univers, mais ils finiront tôt ou tard par reprendre la voie de la raison. Mais pour d’autres encore, il s’agit d’une génération "Lost" entre deux mondes et diverses cultures et mentalités...

La musique, le vestimentaire, les styles de coiffure... ne sont finalement que des moyens leur permettant d’échapper aux contraintes et tabous d’un monde où ils peinent à se retrouver. Leur combat reste des plus rudes ! Mais déterminés, semble-t-il, à aller jusqu’au bout, ils continuent à tenir à leur différence et veulent l’exprimer haut et fort. Cheveux courts et la dégaine d’un "rude boy", ils ont déjà peaufiné leur " life system" : un monde sans tabous. Leur slogan " laisses- toi aller". Leurs idoles : Che Guevara, Salvador Allende, Batma, Nelson Mandela, Bob Marley, Nass El Ghiwane et autres Jamal Abdennaser. Leurs retrouvailles, certes au hasard, prennent diverses formes : les festivals, notamment ceux d’Essaouira, Chaouen et L’boulevard à Casablanca...Des espaces où ils font de leur mieux pour s’y retrouver.

Contre courant...?

Qui sont alors ces jeunes, rebelles soient-ils, prêts un jour à défendre les valeurs aux quelles ils croient ? Sont-ils dépolitisés pour autant..? Qui sont leurs idoles ? Autant de questions qui se posent avec acuité tout autant que la jeunesse marocaine, dans son ensemble, représente la grande interrogation de l’avenir, ne constituant pas une catégorie homogène et reste, que certains le veuillent ou non, une force à ne pas sous-estimer. La Nouvelle Tribune est allée à la rencontre de cette jeunesse rebelle à la recherche de son propre univers. Des jeunes barbus aux cheveux longs, au look singulier qui fait d’eux une bande à part, mais qui ont beaucoup de messages à transmettre. Round up sur une jeunesse bien de chez nous, mais complètement ailleurs...!

Désoeuvrés et le plus souvent pas une "tune" en poche, ils réservent le clair de leur temps à satisfaire leurs besoins. Avec d’autres potes, ils aiment être entourés (à l’américaine, notamment à la manière Snoopy Doggy Dog) de jolies nanas. Le programme du week-end est bien rempli. Un moment d’évasion pour boire, fumer du hasch et honorer leurs gonzesses ou "Satates" selon le jargon de la "maison". A ce niveau bien précis, ils ne cherchent d’ailleurs "que vivre comme ils l’entendent". Le fondement de la philosophie qu’ils prônent est apprécié pour ses vertus thérapeutiques et d’exaltation de l’âme...ni plus ni mois !

Ainsi, du 31 mai au 2 juin dernier, ils étaient au rendez-vous avec L’boulevard des jeunes musiciens organisé à Casablanca. Les groupes musicaux participants qui ont chanté du Rap, Hip Hop, Hard Rock, Gnaoua, Fusion...) ont enthousiasmé un jeune public avide des paroles crues et féru d’un hip-hop et rap osés et corsés à la marocaine. Des attentes aux espérances, des désirs aux frustrations, bon nombre de ces jeunes s’identifient à ces chanteurs et se reconnaissent en les sujets abordés : prostitution, drogue, injustice sociale, chômage, exclusion, H’rigue et Harragas, bidonvilles, pauvreté, racisme…Tous les sujets chocs de la société et qui inquiètent certains milieux ont été évoqués sans réserve et sans ligne rouge au grand bonheur d’une horde de jeunes assoiffés de mobilisation rebelle, ne serait-ce que pour quelques jours ! Le look, le vestimentaire et la coiffure comptent également. Des tee shirts recelant le portrait de musiciens rasta (Peter Tosh, Bob Marley) ou de militants politiques (Che Guevara, Salvador Allende, Martin Luther King, Nelson Mandela...), nous démontre que cette vague de jeunes reste trèp attachée aux courants idéologiques des années 60, 70 et 80.

Parmi celles et ceux influencés par leurs philosophies, certains considèrent que ces idéaux auraient pu être d’"Ouled Derb". Ce n’est pas si bête, après tout ! Bob, Gandhi, Che, Batma...ont passé une grande partie de leur existence dans des ghettos urbains. "Ils ont donc dû vivre les mêmes épisodes et dû ressentir les mêmes frustrations que nous autres", disent ces jeunes. On constate alors à quel point ces idoles vivent toujours dans le coeur de ces jeunes marocains. Et dans les deux cas de figure, ils sont en présence d’artistes ou militants politiques rebelles et tiers-mondistes. Bob était, durant sa jeunesse, aussi désargenté qu’un Boujemiî, par exemple, et il a donc accouché d’une oeuvre quasi-identique à celle des Ghiwane, abordant des thèmes universels relatifs à l’injustice et à la violence sociales. Si Bob a chanté "Africa Unite", les Ghiwanes ont également chanté "Ifriquia", un hymne en l’honneur du continent noir. Mais cela ne veut en aucun cas dire que le phénomène se limite au niveau des quartiers populaires et n’appartient qu’à une seule couche sociale. pas à une catégorie socioprofessionnelle identique. On y trouve aussi bien des bourgeois bohèmes au physique de jeune premier que des gars du quartier, mais aussi des jeunes ou moins jeunes filles. N’est-ce pas là (le fait que le concept de la lutte des classes soit, comme par enchantement, annihilé) une application de la philosophie articulée tout au long de l’oeuvre de ces idoles ?

Pour le politologue Mohamed Darif, toutes les mouvances idéologiques, tendances et tous les courants politiques qu’a connus le monde ont été introduits au Maroc et ils avaient par conséquent de l’impact sur l’espace politique marocain. Ces idéologies, explique-t-il, ont trouvé de l’écho au Maroc grâce à sa position géostratégique qui reste ouverte à toutes les idéologies mondiales toutes tendances confondues. Aujourd’hui, cette situation trouve le terrain encore plus fertile avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. La jeunesse marocaine a de multiples moyens à sa disposition pour consulter divers sites véhiculant des idéologies de tout bord. Au-delà, c’est toute un autre enjeu : ce phénomène démontre, poursuit Mohamed Darif, que la jeunesse marocaine n’a pas besoin d’instances politiques pour exprimer sa politisation, mais à travers la coiffure, l’habillement et autres signes externes, elle essaye de se démarquer politiquement. « Ces jeunes là se distinguent par un esprit ouvert et universel. Ils ne croient pas aux spécificités sociales de chaque Etat. Ils vivent l’universalisme et un monde sans frontière. Ils sont de ce fait intégrés et reflètent de la sorte le processus de la mondialisation en cours, mais autrement. Cela veut dire qu’ils combattent la mondialisation imposée par une contre mondialisation culturelle mais qui a une dimension politique car la majorité de ces jeunes reste influencée par l’idéologie gauchiste », souligne-t-il.

In fine et comme on le voit, nos jeunes rebelles donnent l’impression qu’ils se désintéressent à la politique. Impossible de stigmatiser l’attitude de cette tranche d’âge, qui comprend des mineurs tout comme des citoyens à part entière, des diplômés tout comme des chômeurs, des indifférents tout comme des militants assidus. Compte tenu de leur style, leur look et leur conception des choses, ils semblent débranchés, n’adorent religieusement que la musique et la politique de Che, Marley, Mandela, Martin Luther King, Salvador Allende, Boujmiï, Jamal Abdennaser, Malcom X, Kwamé Nkrumah, Gandhi, Patrice Lumumba…

Certes, ces derniers étaient loin d’être des prophètes, mais ils étaient (l’histoire peut en largement témoigner) éclairés d’une humanité et d’un courage bien exemplaires. Par leurs engagements, ils ont fini par banaliser un style, une philosophie...une vie, véhiculant moult messages de paix et sagesse : "wisdom is better than silver and gold", mais aussi de courage, volonté et audace "where there’s a will there’s always a way", "I have a dream", de respect de l’autre "don’t gain the world and lose your soul", d’honnêteté, d’unité et d’union, d’humilité que nombre d’individus, voire même d’Etats, gagneraient aujourd’hui à ressasser et à assimiler. D’ailleurs, en ces périodes de troubles et de belligérance exacerbée, le monde a plus que jamais besoin d’un tel discours d’union, d’humanisme et de paix. Il est vrai que devant une telle conception de la vie, on trouve à l’origine une philosophie en quête d’une identité culturelle, idéologique, voire existentielle. Ce n’est pas donc une question de vestimentaire, de portraits ou le fait d’arborer une coiffure quelconque avec des dreadlocks, de fumer de la Ganja (marijuana ou chanvre indien) à longueur de journée ou de dodeliner sur des airs de Rub-a-Dub Style. Cela va beaucoup plus loin. Les opus de ces idoles historiques ont fini de revêtir une dimension politique, largement mystique, thérapeutique et engagée à souhait. Une partie importante de notre jeunesse s’en inspire et y croit toujours. Nos leaders politiques en sont-ils conscients ?

La Nouvelle Tribune - Hassan Zaatit

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