Michaël Chrétien Basser : “Mon cœur m’a dit de jouer pour le Maroc”

29 décembre 2007 - 21h04 - Sport - Ecrit par : L.A

À quelques semaines de la CAN 2008, le jeune et talentueux latéral droit de l’AS Nancy et des Lions de l’Atlas revient sur les chances de l’équipe nationale dans la compétitions continentale, ainsi que sur les raisons qui l’ont poussé à choisir le maillot rouge et vert.

Comment se porte l’équipe nationale, à près d’un mois de la Coupe d’Afrique des nations ?

Je dirais que tout va pour le mieux. Il y a une très bonne ambiance au sein du groupe et la motivation est au rendez-vous, surtout qu’on reste
sur de bons résultats devant les équipes de France et du Sénégal. Maintenant, il faut continuer sur cette lancée et confirmer lors des prochaines échéances.

D’après vous, quelles sont nos chances dans cette compétition ?

Récemment, tout le monde a pu constater que cette équipe avait de grandes qualités. Du coup, je n’ai pas peur de dire que le Maroc est l’un des premiers favoris pour le sacre continental. Je suis persuadé que nous pouvons aller très loin dans cette CAN, à condition de nous donner à fond comme nous l’avons fait jusqu’à présent, et de miser sur notre jeu collectif.

Depuis l’arrivée d’Henri Michel, on assiste à un réveil des Lions de l’Atlas. Comment l’expliquez-vous ?

Il est vrai que depuis la nomination d’Henri Michel à la tête du groupe, une nouvelle dynamique s’est installée. Et ce n’est pas un hasard : Michel est incontestablement un grand coach. Il sait encadrer son équipe comme il le faut, arrive à tirer le maximum de ses joueurs et trouve toujours les mots justes pour les encourager et leur donner confiance. Jusqu’ici, tous ses choix se sont avérés judicieux et ont fini par porter leurs fruits. Espérons que cela ne s’arrêtera pas en si bon chemin.

Qu’est-ce qui ne marchait pas avec son prédécesseur, Mhamed Fakhir ?

Je n’ai pas envie de verser dans la critique, sachant que Mhamed Fakhir a malgré tout atteint ses objectifs, en qualifiant l’équipe du Maroc pour la CAN. Mais je me souviens qu’à l’époque, l’ambiance au sein du groupe était moins bonne. Nous ne posions pas trop de questions : nous nous contentions de faire ce qu’on nous disait de faire. Aujourd’hui, les choses sont différentes. Les joueurs sont vraiment contents d’être là et sont visiblement plus motivés. Nous sommes mieux encadrés physiquement et nous avons plus de liberté, que ce soit sur le terrain ou en dehors. Henri Michel n’est pas toujours derrière notre dos : c’est quelqu’un qui a su nous responsabiliser et nous faire confiance. Il sait que nous sommes des professionnels.

Comment vous êtes-vous retrouvé au sein de la sélection marocaine ?

En 2005, peu de temps après avoir annoncé publiquement vouloir jouer pour les Lions de l’Atlas, Baddou Zaki m’a convoqué pour un match amical. Malheureusement, je n’ai pas pu jouer à cause d’un problème d’ordre administratif : je n’avais toujours pas ma nationalité marocaine. Et pour que mon club, l’AS Nancy, me permette de rejoindre la sélection, il fallait absolument que je lui présente un passeport ou une carte d’identité marocains. J’ai finalement dû attendre plus d’un an pour obtenir ce précieux sésame et que la situation se débloque.

Comment avez-vous été accueilli par le reste du groupe ?

Je ne connaissais personne à part Youssef Hadji qui, à l’époque, ne jouait pas encore à l’AS Nancy. Je suis arrivé un matin, j’ai seulement dit bonjour et je me suis tu. Tout le monde m’a alors regardé avec de grands yeux, en se demandant d’où je pouvais bien débarquer. C’était, je le reconnais, un peu difficile pour moi, vu que personne n’était venu vers moi. Je me suis retrouvé tout seul dans mon coin. Mais ça n’a pas duré longtemps. Au fur et à mesure qu’on se retrouvait sur le terrain, des liens se sont créés avec les autres joueurs.

Pourquoi avez-vous décidé d’opter pour le Maroc, sachant que vous aviez déjà évolué avec l’équipe de France espoirs ?

Du point de vue sentimental, c’était très important pour moi. Mon père est marocain et j’ai encore de la famille au Maroc. J’ai également grandi dans une banlieue avec beaucoup de Maghrébins, qui suivaient et supportaient les sélections de leurs pays d’origine. J’avoue que cela m’a énormément influencé. Je me souviens que tous les jeunes rêvaient de jouer avec le Maroc, la Tunisie ou l’Algérie. Et puis, sur le plan sportif, j’étais convaincu que j’avais plus à apporter à la sélection marocaine qu’à l’équipe de France.

Était-ce une décision facile à prendre ?

Pas vraiment. Lorsque j’ai eu mes 18 ans, mon agent est venu me demander si cela m’intéressait de jouer pour le Maroc. Je n’avais pas de réponse. Je ne savais pas de quoi mon avenir était fait. J’étais jeune et je me posais beaucoup de questions. Je n’étais pas encore passé professionnel et je devais d’abord me concentrer sur mon rendement au sein de l’AS Nancy, sachant que les clubs français hésitent à recruter des joueurs africains qui jouent en sélection. Au bout d’un an et demi de réflexion, alors que je commençais à m’imposer dans mon club, j’ai enfin annoncé publiquement mon choix.

Et si vous aviez reçu une convocation de l’équipe de France A, qu’auriez-vous fait ?

Du moment que j’avais déjà pris et annoncé ma décision, rien ni personne ne pouvaient me faire changer d’avis.

Vous n’avez aucun regret aujourd’hui ?

Vraiment aucun. Ce qui m’ennuie actuellement en France, ce sont ces journalistes qui me rappellent sans cesse que j’aurais pu continuer avec l’équipe de France. Et, des fois, cela ressemble à des reproches. Mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que je ne suis pas un opportuniste. Je dois jouer avec mon cœur et mon cœur me dit de défendre le Maroc. Je le dis encore une fois, je suis très fier de porter les couleurs du Maroc et si j’avais pu le faire plus tôt, je l’aurais fait.

Comment avez-vous vécu ce match contre les tricolores au Stade de France ?

C’est toujours particulier de rencontrer l’Equipe de France qui est, faut-il le rappeler, l’une des plus grandes sélections du football mondial. Pour nous, c’était un excellent match de préparation pour la CAN. Mais au-delà de cet aspect, cette rencontre représentait beaucoup de choses pour certains joueurs, comme moi, qui ont grandi en France et qui sont même français. Sans oublier cette ambiance incroyable qu’il y avait dans les gradins ce soir-là. Ce fut un grand moment de bonheur et de fierté pour les joueurs.

Côté marocain, on avait l’impression que c’était plus qu’un match amical…

En effet, Nous avons tout donné lors de cette rencontre. On voulait vraiment montrer que nous pouvions rivaliser avec les plus grandes équipes, et je pense qu’on a atteint cet objectif. En France, avant ce match, personne ne nous prenait au sérieux. Lorsque je revenais dans mon club, après un match en sélection, et que je disais à mes coéquipiers qu’on avait par exemple battu la Namibie, tout le monde se mettait à rigoler. Il était temps qu’on remette les pendules à l’heure : c’était une question de fierté.

Durant ce match, vous est-il arrivé de vous dire que vous auriez pu être dans le camp adverse ?

Franchement, et même si c’est difficile à croire, cela ne m’a jamais traversé l’esprit. Les choses étaient très claires dans ma tête : j’avais choisi le Maroc et la France faisait désormais partie du passé. Ce soir, j’étais à 300% marocain et fier de l’être.

Que pensez vous des sifflements qui ont accompagnés le chant de l’hymne français ?

Honnêtement, j’étais gêné. J’ai même eu un peu honte. Heureusement, il n’y avait qu’une petite minorité derrière ce geste, que je considère comme un manque de respect. Pour autant, j’étais vraiment très content et très fier de l’ambiance qu’il y avait au stade ce soir-là. Le public a montré qu’il savait se tenir, surtout qu’à la veille de cette rencontre, tout le monde prédisait des débordements, de la violence. C’est une belle leçon administrée aux mauvaises langues.

Vous figurez parmi les révélations de la Ligue 1. C’est une consécration ?

C’est surtout le résultat de beaucoup de travail. J’ai aussi la chance d’avoir un entraîneur qui m’a toujours fait confiance. C’est ma sixième année en tant que titulaire. Cela me permet d’avoir beaucoup de temps de jeu et autant d’occasions de progresser. C’est un peu à l’image de ce qui arrive cette saison à l’AS Nancy, qui est la véritable révélation du championnat.

Il paraît que vous êtes convoité par de nombreux clubs européens. Qu’en est-il ?

C’est vrai que, récemment, de nombreux de clubs ont montré leur intérêt. Je pense à l’Olympique Lyonnais, L’Olympique de Marseille, le FC Séville ou encore l’AS Rome. Mais je n’ai pas envie de précipiter les choses. Je ne me vois pas partir ailleurs au prochain mercato. Mais à la fin de la saison, j’aimerais bien tenter ma chance ailleurs, de préférence dans le championnat espagnol. J’espère en tout cas que, d’ici là, tout ce beau monde continuera à s’intéresser à moi.

Au fait, Chrétien, ce n’est pas un patronyme courant pour un Marocain…

Oui je sais, tout le monde me fait la remarque. Chrétien est le nom de famille de ma mère française, avec qui j’ai grandi et qui n’a jamais été mariée avec mon père marocain, dont le nom est Basser. En fait, j’ai toujours préféré qu’on m’appelle Basser. D’ailleurs c’est le nom qui est inscrit sur mes papiers.

Vous savez que vous portez le même nom qu’un des plus grands attaquants du football marocain ?

Oui je sais, vous devez faire référence à Salaheddine. Mais lui, c’est Bassir, et non Basser (Rires). D’ailleurs, on m’a chanté à plusieurs reprises la chanson “Bassir, Bassir, ouh ouh”. Je suis très admiratif devant ce qu’il a pu réaliser durant sa carrière. J’espère pouvoir en faire autant.

TelQuel - Mehdi Alaoui Sekkouri

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