MRE : Prescripteurs peut-être, investisseurs rarement

17 décembre 2007 - 23h10 - Economie - Ecrit par : L.A

« Nous sommes prêts à jouer le rôle d’ambassadeurs économiques du Maroc. Mais il faut d’abord que nous en soyions convaincus. Pour cela, nous demandons à être éclairés sur les opportunités et les risques liés à l’investissement au Maroc pour rapporter une information fiable à nos interlocuteurs ». Cette affirmation est de Alaa Oumansour, un jeune investisseur marocain qui a sillonné le monde pour vendre ses solutions Telecom. Elle résume la position des compétences installées à l’étranger par rapport au thème de la cinquième édition des Intégrales de l’investissement, tenue la semaine dernière à Skhirat. Une rencontre dédiée à la mobilisation de la diaspora marocaine dans le cadre de la « diplomatie économique ».

Force est de constater que l’intérêt des MRE pour investir dans leur pays d’origine demeure très faible : les transferts sont dédiés en premier lieu au soutien familial et à l’acquisition de logement ou de terrains.

Lorsqu’ils sautent le pas, ils se heurtent aux « indéfectibles » dysfonctionnements bureaucratiques. Corruption, maquis administratifs et juridiques, lourdeurs des procédures…, un leitmotiv durant les deux jours des Intégrales. « Plusieurs marocains installés en France et en Europe préfèrent lancer leurs projets dans les pays d’Europe de l’Est. Ils manquent toujours de visibilité par rapport au climat des affaires marocaines », affirme Hassan El Mesnaoui, élu et conseiller auprès de la Chambre de commerce de Montpellier.

Personne ne croit au mythe du retour massif des MRE pour investir dans leur pays d’origine. Cela est d’autant plus vrai pour ceux issus des deuxième et troisième générations qui n’ont presque aucun contact avec le Maroc. Mais cela ne réduit en rien leur attachement à leurs racines, aussi lointaines soient-elles. Preuve en est la présence importante d’intervenants de marque, toutes générations confondues, venus des autres coins du monde. « Au lieu de MRE, mieux vaut parler de MORE, marocains d’origine résidant à l’étranger. Ces mar-européens, mar-américains et mar-asiatiques incarnent la morocanité là où ils se trouvent », indique Brahim Benjelloun Touimi, administrateur directeur général de BMCE Bank.

Autant profiter de cette fibre patriotique pour véhiculer une bonne image du Maroc en tant que destination d’investissement. C’est de là que vient l’idée de regrouper ces compétences dans des réseaux. L’objectif étant d’inciter chacun des membres à promouvoir son pays d’origine auprès de ses contacts. C’était le principal sujet des tables-rondes et ateliers organisés durant la deuxième journée des Intégrales. « Il est vrai que moins de 10% des MRE songent à rentrer chez eux pour investir. Mais nous devons relever le défi de convaincre les 90% restants de devenir des prescripteurs de la destination Maroc », explique Adil Douiri, ex-ministre du Tourisme.

Le résultat des débats est on ne peut plus clair : le patriotisme ne sert à rien pour promouvoir la destination Maroc. Les MRE veulent avoir des arguments clairs et solides pour jouer leur rôle de prescripteurs d’investissement. « Il nous arrive souvent de conseiller le Maroc, mais en tant que destination touristique. Nous ne pouvons pas risquer notre réputation en recommandant d’investir au Maroc sans avoir de visibilité sur son climat des affaires », lance Oumansour.

Pourtant, la solution est toute simple. « Il suffit de nous dresser un récapitulatif sectoriel des opportunités des risques liés à l’investissement au Maroc et de nous préciser les cibles requises en fonction de nos activités et nos pays d’accueil », souligne Mohamed Homman, une des références de la biotechnologie en Suède. Il ambitionne d’ailleurs d’installer son unité de recherche en virologie au Maroc.

La balle est désormais dans le camp des officiels marocains. C’est à eux de faire un pas vers les compétences installées à l’étranger. Cela s’est concrétisé suite à la création du Morocco Investment Network. Un réseau composé dans un premier temps des 25 MRE qui sont intervenus lors des Intégrales de l’investissement. A l’issue de cette rencontre, des lettres de mission leur ont été remises pour les officialiser en tant qu’ambassadeurs économiques de leurs pays d’origine. A part ça, aucun outil de travail ne leur a été fourni pour l’exercice de leur mission, du moins pour le moment.

Cet outil de travail ne tardera pas à être mis en place, selon Leïla Sbiti, directrice adjointe des investissements. La première étape consiste à installer une plate-forme de communication pour assurer une liaison permanente entre les membres, d’ici fin janvier 2008. Ensuite, il sera question de leur fournir des données globales sur le climat d’investissement au Maroc pour parler le même langage vis-à-vis de leurs interlocuteurs. Ces informations seront ensuite segmentées en fonction des secteurs d’activités.

On ne quitte pas son confort sans contrepartie

« Lorsque l’économie de l’Irlande était en souffrance, les gouvernements ont essayé de mobiliser leur diaspora, notamment aux Etats-Unis, en jouant sur la fibre nationale pour la convaincre d’investir ou s’établir au pays. Cette démarche n’a pas porté ses fruits parce que ces gens-là sont d’abord des hommes d’affaires, ensuite des américains et enfin des irlandais d’origine. Donc ils ont refusé de s’aventurer. Mais quand la situation économique a changé. cette diaspora a mis ses fonds dans l’investissement », raconte Eoin Gahan. directeur du commerce et de la perspective de l’agence gouvernementale Forfas en Irlande.

« Les gens ne vont pas quitter le confort dans les pays d’accueil pour des sentiments. Il leur faut des conditions motivantes. Ces conditions se résument en la création d’opportunités correctes », conseille Jean-Louis Domergue, consultant, ancien représentant de l’Organisation internationale pour les migrations en Afrique de l’Ouest et du Centre.

Immigrés high-tech

Au moment ou les marocains parlent à peine de création de réseaux à l’étranger, les pouvoirs politique et économique des pays d’accueil en Europe, soutiennent fortement le retour au bercail des immigrés. Des mécanismes financiers ont été mis en place pour canaliser l’épargne des migrants vers des projets immobiliers ou générateurs du revenu, dans le cadre du « co-développement ». Un joli concept pour faire passer la pilule de « l’immigration choisie ». « Nous voulons asseoir des règles claires, en concertation avec les pays d’origine, pour bien répondre aux besoins des deux parties en matière d’immigration », lance Brice Hortefeux, ministre français de l’Immigration.

En clair, la France ne veut plus subir les flux d’immigration illégaux et la manie des regroupements familiaux. Pour ce faire, Hortefeux a rapidement joint l’acte à la parole. Il a instauré la carte « Compétence et talents » qui fait office de carte de séjour et permet un regroupement familial plus facile, seulement pour les immigrés hautement qualifiés. De plus, les métiers autorisés aux travailleurs des « pays tiers » ont été limités à 30 contre 150 pour les ressortissants des pays de l’Est. Même les possibilités d’étudier en France ont été cantonnées aux filières scientifiques. En parallèle, la France, en partenariat avec la Commission européenne, a instauré des instruments financiers pour encourager le retour des immigrés de longue date. Il s’agit du compte co-développement dédié à la construction de logements au bercail. Le gouvernement français s’est aussi engagé à soutenir la création de 1.000 PME des immigrés dans leurs pays d’origine. Le système bancaire français, notamment le Groupe Caisse d’Epargne, a déjà inclus ces formules dans son offre dédiée à ce segment.

L’Economiste - Nouaim Sqalli & Jalal Baazi

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