Pétrole : 4,6 milliards de DH investis depuis Talsint en vain

3 juin 2008 - 23h37 - Economie - Ecrit par : L.A

Huit ans après la déconvenue douloureuse du faux gisement de Talsint, le Maroc ne perd pas l’espoir de trouver du pétrole sur son sol. Le même sentiment prévaut au sein des sociétés d’exploration internationales puisqu’à ce jour elles sont 29 à s’activer, tant en mer (offshore) qu’à l’intérieur des terres (onshore).

« Dans la période d’avant 2000, la recherche avait marqué un net recul. Par la suite, on a assisté à un regain d’intérêt pour notre pays », se réjouit M’hamed El Mostaine, directeur de l’exploration pétrolière à l’Office national des hydrocarbures du Maroc (Onhym). Et l’on peut dire que des investissements conséquents ont été entrepris.

Entre 2000 et 2007, ce sont près de 4,6 milliards de DH, dont 12 %, soit 575 MDH, supportés par l’office, qui ont été dépensés dans les études, la reconnaissance sismique et les forages. Pas moins de 110 permis de recherche sont actuellement délivrés. Quelque 300.000 km2 sont concernés, dont 93.000 km2 en offshore. Au total, ce sont plus de 45% du territoire qui sont actuellement en cours d’étude ou d’exploration.

Malgré cela, le Maroc reste largement sous-exploré par rapport à ce qui se fait dans les pays potentiellement pétrolifères. C’est ainsi que, depuis les années 20 et jusqu’en 2005, on n’y a fait que 290 puits, soit 0,04 puit pour 100 km2 alors que la densité est de 10 pour 100 km2 au niveau international. En 2006, il y a eu 7 forages de différentes tailles, contre 403 en Egypte, 285 en Algérie, 128 en Libye, 29 en Tunisie. Précisons que, sur le site de Talsint, deux nouveaux forages ont été lancés en 2007, à 50 km du chef-lieu de la région.

Le dernier en date, d’un coût de 52 millions de dollars (406 MDH), est actuellement réalisé en offshore, au large de Rabat, par Petronas, une société malaisienne. Une dizaine sera entamée dans les prochains mois.

De longues années et des investissements lourds pour arriver à la phase finale dite de production

La lourdeur des investissements constitue ainsi une contrainte significative pour l’exploration. En moyenne, un forage en onshore coûte entre 100 et 150 MDH. Ce chiffre est multiplié par 4 à 8 en offshore, en fonction de la zone et de la profondeur du puits.

Les spécialistes estiment qu’il faut en moyenne, pour un même emplacement, 10 forages à partir du moment où l’on a des indices sérieux de présence de pétrole ou de gaz. Et ce n’est pas tout. Un forage est précédé et suivi par d’autres étapes qui ont aussi un coût. Par exemple, en amont, une reconnaissance en deux dimensions (2D) revient entre 60.000 et 100.000 DH par km2 alors qu’en 3D le coût est de 300.000 à 500.000 DH. Il faut aussi comprendre que le processus d’exploration pétrolière est très long et se décompose en plusieurs phases.

On compte d’abord près de deux années pour les seules études géologiques et géochimiques, une ou deux pour le traitement des données, une à deux autres pour les interprétations et l’évaluation d’un bassin. C’est seulement après que l’on peut décider d’un forage. La durée des travaux est de 6 mois à une année. En cas de découverte, on procède à une appréciation qui peut prendre de longs mois. Enfin, le développement du site et la mise en place complète des infrastructures demanderont au moins huit ans, selon le volume et la qualité du gisement.

50 milliards de barils de schistes bitumineux à exploiter ?

Dès lors, l’on comprend que tout investisseur doit avoir un minimum d’espoir de trouver du pétrole avant de s’engager dans une aventure longue et coûteuse. D’où la question de savoir s’il y a des chances d’en trouver en quantités appréciables au Maroc. Après la déconvenue de Talsint, peu d’experts s’aventureront à répondre à une telle question. Certains considèrent même que la région n’est pas franchement propice à la formation de grands gisements.

Mais, à l’Onhym, on avance des arguments assez forts. D’abord, en matière d’exploration d’hydrocarbures, personne au monde ne peut évaluer les chances de présence ou d’absence d’indices, le dernier exemple en date étant le Golfe de Guinée, au large des côtes africaines, où l’on parle de réserves de 10 milliards de barils, ce que l’on n’aurait pas imaginé il y a quelques années.

Le deuxième élément est palpable et s’illustre par la présence sur le terrain de grands opérateurs mondiaux engagés dans des opérations d’exploration lourdes. Enfin, troisième argument et non des moindres, le Maroc reste potentiellement un pays pétrolifère.

Autrefois totalement immergé, le pays (fonds marins compris) dispose d’une superficie de 800.000 km2 de bassins sédimentaires, structures géologiques propices à la formation de pétrole.

A cet effet, le bassin offshore à hauteur de Tarfaya est le plus susceptible de receler de l’or noir. En 1999, une étude publiée par trois chercheurs dans la revue Oil & Gas journal indiquait que la région présente des similitudes importantes avec d’autres bassins atlantiques producteurs de pétrole à l’instar du Golfe du Mexique ou encore l’offshore canadien qui, rappelons-le, était voisin de celui de Tarfaya, avant la dérive des continents.

Dans tous les cas, l’espoir fait vivre et, selon M’hamed El Mostaine, « les opérateurs dans le domaine savent bien mesurer le risque et ne viennent dans un pays que sur la base de données prometteuses ». Au Maroc, ils s’engagent sur un programme précis évalué en collaboration avec l’Onhym. « C’est sur cette base qu’ils déposent une caution bancaire égale à 5% du coût projeté du programme de recherche.

Une manière pour le Maroc de s’assurer qu’il ne s’agit pas pour les prospecteurs d’obtenir un permis et de mener l’affaire à leur guise et à leur rythme, car s’ils abandonnent où s’ils ne respectent pas les délais impartis, ils perdent cette première mise », explique M. El Mostaine. Il ajoute en substance que, jusqu’à présent, l’office, qui procède à un suivi des opérateurs deux fois par an, n’a pas eu à traiter ce genre de différend.

Pour montrer qu’il y a des possibilités de trouver du pétrole, un autre cadre de l’office souligne qu’en dehors des bassins du Gharb, d’Essaouira et du pré-Rif, personne n’est allé dans les autres parties du Maroc. Bien évidemment, c’est à l’Onhym de réaliser des études pour attirer les explorateurs, car personne ne s’aventurerait dans des parties du Maroc où des explorations préliminaires ne démontrent pas de vraies promesses.

La recherche n’est pas circonscrite au brut. L’Onhym est en train de boucler une réflexion sur un code pour l’exploitation de schistes bitumineux dont les réserves sont estimées à 50 milliards de barils uniquement dans les deux sites identifiés à Timahdit et Tarfaya.

Avec les cours que connaît actuellement le baril de pétrole, il est évident que leur exploitation présente des opportunités évidentes (sachant qu’à l’époque de cette découverte, on avait estimé le coût d’extraction de chaque baril à 40 dollars). Mieux, de nouvelles techniques d’exploitation beaucoup plus performantes ont été mises au point. Le Maroc reste donc plein d’espoir, même s’il n’a pas de pétrole...

Source : La vie éco - Mohamed El Maâroufi

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Investissement - Energie - Recherche - Pétrole

Ces articles devraient vous intéresser :

Nouvelle découverte de fossiles de vers marins « géants » au Maroc

Des chercheurs de l’Université Complutense de Madrid (UCM) et de l’Institut des géosciences (IGEO) ont découvert deux vers marins de l’ère paléozoïque, il y a 455 millions d’années, sur le site marocain de Tafilalt Biota. Ils correspondent au nouveau...

La voiture 100% marocaine verra le jour en 2023

Le Maroc prévoit de fabriquer localement des voitures de marque marocaine. Le projet va démarrer à court terme et nécessitera un investissement 100% marocain.

Maroc : les autorités veulent imposer une réduction de la facture énergétique de 30%

Pour faire face à la hausse de la facture énergétique, les autorités ont demandé aux collectivités de baisser drastiquement la consommation de l’électricité des établissements publics et des réseaux d’éclairage public.

Maroc : du changement dans le paiement des factures d’eau et d’électricité

Le gouvernement d’Aziz Akhannouch poursuit le chantier de modernisation des services publics. Le paiement des frais d’eau et d’électricité aura des nouveautés à partir du 1ᵉʳ janvier 2024.

Un important gisement de cuivre découvert au Maroc

Un important gisement de cuivre vient d’être découvert par la société minière marocaine Red Rock Mining, spécialisée dans la recherche et l’exploitation de gisements de cuivre et soutenue par des investissements étrangers.

Des chercheurs marocains révolutionnent l’isolation des habitations

Des chercheurs marocains des Universités Moulay-Ismail de Meknès et de Rabat ont développé une nouvelle méthode d’isolation des habitations. Celle-ci est écologique et surtout économique.

Étonnante découverte de fossiles de dinosaures au Maroc

Des fossiles d’abelisauridae, des dinosaures parents éloignés des tyrannosaures, ont été découverts au Maroc, ce qui relance le débat, ouvert depuis plus de 200 ans, sur l’extinction des dinosaures de la surface de la terre.

Centrale de Ouarzazate : les dégâts déjà réparés suite au séisme

Le ministère marocain de l’Énergie a assuré que les infrastructures énergétiques n’ont subi aucun dommage lors du séisme d’Al Haouz, à l’exception de la centrale solaire de Ouarzazate où des dégâts « mineurs » ont été constatés et déjà réparés.

Le Français Faurecia va créer 1400 nouveaux emplois au Maroc

L’entreprise française Faurecia, spécialisée dans la fabrication d’équipements automobiles, va renforcer sa présence au Maroc, à travers la création d’une nouvelle usine à Salé. Dans ce sens, un protocole d’accord a été signé entre le groupe et l’État.

Gazoducs, regazéification et hydrogène vert : les paris du Maroc

Le Maroc travaille à développer les énergies renouvelables pour garantir son indépendance énergétique. Les autorités du royaume ont prévu un plan ambitieux de construction d’oléoducs et de gazoducs pour atteindre cet objectif d’ici 2030.