Tit-Mellil : Tortures dans une maison de « malfaisance »

23 octobre 2003 - 14h48 - Maroc - Ecrit par :

Un gosse salement amoché, une famille blessée en son sein et indignée, une geôle honteuse, et, enfin, des responsables, des tortionnaires qui se défilent. Voilà, en quelques mots, l’histoire du drame d’Ahmed Cabrane, 18 ans, victime d’une bavure invraisemblable parce qu’il s’est aventuré, un beau jour, à se promener non loin de son lieu de travail, sans la carte d’identité nationale...

Bab Marrakech, 26 septembre, quelques instants avant la prière du vendredi. Ahmed Cabrane se dirige tranquillement, comme à son habitude, vers la mosquée la plus proche de son boulot lorsqu’il se fait alpaguer par une estafette de police.

A partir de ce moment, son existence bascule. Constatant qu’il n’avait pas sa carte nationale sur lui, et le prenant probablement pour un gosse de la rue, les policiers l’ont transféré, sans aucune forme de procès, à Tit-Mellil, dans un lieu appelé « Dar El Kheir » (maison de bienfaisance, littéralement), sorte de centre de détention sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, à mi-chemin entre Sing-Sing et le « 36 », de maison de redressement où sont parqués vagabonds, fous furieux et délinquants.

Constatant que leur enfant ne rentrait pas au bercail, les parents d’Ahmed et son frère aîné, Lahcen, se lancent éperdument à sa recherche. Après avoir effectué le tour des hôpitaux et des commissariats, il leur est suggéré par un officier de police d’aller chercher leur rejeton à Tit-Mellil. Ils s’y rendent illico, et les responsables du pensionnat rassurent la famille éplorée : « Votre fils se trouve bien chez nous », leur indique-t-on. Fin du cauchemar ? Que nenni !

Ce n’est que le 6 octobre, deux semaines quasiment après la disparition de la chair de leur chair, que ses parents ont pu mettre fin à son calvaire en le reprenant chez eux. « La faute à la bureaucratie. Le directeur de ce centre nous a d’abord dit qu’il nous fallait souscrire un engagement auprès de la commune. Il nous a ensuite signifié, une fois que nous lui avons remis ce qu’il demandait, que l’affranchissement d’Ahmed ne pouvait intervenir qu’après la réunion d’une foutue commission », commente Lahcen, qui dit être prêt à remuer ciel et terre pour que les responsables du rapt et des mauvais traitements subis par son frère soient identifiés, pour qu’ils paient.

« Ils nous ont dit, le jour où nous allions finalement le reprendre, qu’il avait provoqué une bagarre avec deux pensionnaires du centre et qu’il avait été envoyé au poste de Gendarmerie de Tit-Mellil. Ahmed faisait pitié à voir. Il m’aurait arraché des larmes même s’il m’était inconnu », précise amèrement Lahcen.

Visage bouffi, yeux au beurre noir, ecchymoses sur tout le corps, taillades, hémorragie interne... Ahmed eut pu succomber à ses blessures. Il aurait affirmé aux membres de sa famille qu’il a été torturé à plusieurs reprises par des employés du centre, qu’il a subi des injections de produits calmants surpuissants à plusieurs reprises...

La version des faits d’Ahmed n’a pu être opposée à celle des responsables de « Dar El Kheïr ». C’est le silence radio au niveau du pensionnat pour SDF. Toutefois, selon le clan Cabrane, qui a porté l’affaire devant la justice, la vérité éclatera bientôt. Un employé de ce centre de « malfaisance » aurait même reconnu les faits devant la gendarmerie Royale.

La Nouvelle Tribune

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Famille - Enfant - Tit Mellil - Torture

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : un ancien diplomate accusé de prostitution de mineures risque gros

L’association Matkich Waldi (Touche pas à mon enfant) demande à la justice de condamner à des « peines maximales » un ancien ambassadeur marocain, poursuivi pour prostitution de mineures.

Plus de 70% des femmes marocaines recourent aux méthodes contraceptives

Au Maroc, plus de 70 des femmes ont recours aux méthodes contraceptives. C’est ce qui ressort d’un récent rapport du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).

Achraf Hakimi : « Ma mère était une femme de ménage. Mon père était un vendeur ambulant »

Le Maroc a remporté dimanche son match face à la Belgique (2-0) lors de la 2ᵉ journée du groupe F de la Coupe du monde. Achraf Hakimi a dédié la victoire à sa mère qu’il est allé embrasser dans les tribunes à la fin du match. L’image de la scène est...

Maroc : une sortie en voiture vire au drame

Une sortie en famille qui finit en tragédie. Deux sœurs de 19 et 10 ans sont mortes noyées samedi dans le barrage de Smir près de la ville de M’diq, après que l’aînée, qui venait d’avoir son permis de conduire, a demandé à ses parents à faire un tour...

Le mariage des mineurs diminue au Maroc

Après une hausse en 2021, le nombre de mariage de mineurs a diminué l’année dernière. Cela représente certes une note positive, mais il y a encore du chemin à faire pour en finir avec cette pratique.

Nisrine Marabet, 14 ans, disparue en Belgique

Child Focus, l’organisation belge dédiée à la protection de l’enfance, a lancé un avis de recherche suite à la disparition inquiétante de Nisrine Marabet, une jeune fille de 14 ans. Nisrine a été vue pour la dernière fois le dimanche 30 avril à...

Maroc : les femmes divorcées appellent à la levée de la tutelle du père

Avant l’établissement de tout document administratif pour leurs enfants, y compris la carte d’identité nationale, les femmes divorcées au Maroc doivent avoir l’autorisation du père. Elles appellent à la levée de cette exigence dans la réforme du Code...

Le harcèlement sexuel des mineures marocaines sur TikTok dénoncé

Lamya Ben Malek, une militante des droits de la femme, déplore le manque de réactivité des autorités et de la société civile marocaines face aux dénonciations de harcèlement sexuel par des mineures sur les réseaux sociaux.

Une famille marocaine au tribunal de Beauvais pour un mariage blanc

Une famille marocaine est jugée devant le tribunal de Beauvais pour association de malfaiteurs dans le but d’organiser un mariage blanc. Le verdict est attendu le 12 janvier 2023.

Les Marocains de plus en plus obèses

Près de la moitié de la population marocaine (46 %) sera obèse d’ici 2035, selon les prévisions de la World Obesity Forum.