L’homo Sapiens d’Afrique du Nord déjà moderne il y a 80.000 ans

1er novembre 2007 - 00h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

L’Homo sapiens a adopté pour la première fois un comportement moderne il y 80.000 ans en Afrique du Nord, soit plus du double de ce qui était admis communément, affirme le préhistorien marocain Abdeljalil Bouzouggar, en se basant sur une parure de coquillages.

Ce chercheur de 40 ans est co-responsable avec Nick Barton, de l’université d’Oxford, de la mission qui a récemment découvert la plus ancienne parure au monde, 14 coquillages perforés, dans l’est marocain.

"Rien ne justifie désormais de considérer des populations vivant avant 50.000 ans comme archaïques. Au contraire, elles avaient un comportement moderne", assure ce spécialiste de la culture des Atériens, population préhistorique d’Afrique septentrionale et du grand Sahara.

"Les Atériens utilisaient déjà des symboles : cela signifie que leurs besoins dépassaient la chasse, la pêche et la subsistance. Ils recherchaient des coquillages pour les utiliser comme parure : c’est pourquoi ils les perforaient et les décoraient à l’ocre rouge", souligne t-il.

C’est en 2003 qu’une équipe maroco-britannique découvre dans la "grotte des Pigeons" à Taforalt au Maroc, un premier coquillage perforé long de 3 cm, baptisé "Nassarius gibbossulus". Poussant plus loin ses recherches, elle en trouve 13 autres. Les coquillages ont été ensuite datés selon quatre méthodes dans des laboratoires en Grande-Bretagne et en Australie. Le verdict tombe : 82.500 ans.

Un coquillage identique avait été découvert en Afrique du Sud il y a quelques années mais il n’avait que 75.000 ans.

Située à 50 km de la Méditerranée et perchée à 720 m d’altitude, la "Grotte des Pigeons" surplombe une vallée verdoyante où les animaux venaient s’abreuver et, sur un autre versant, une plaine qui fournissait les nombreux silex nécessaires à la confection des instruments. Dans cette caverne de 30 mètres de profondeur et 10 mètres de hauteur, l’espace révèle une véritable organisation : au fond, les habitants dormaient, au centre se trouvait le feu, et on perforait les coquillages près de l’entrée, pour bénéficier de la lumière.

"Il fallait que les collecteurs de ce type de coquillages aient préalablement reçu des directives. C’est cela qui nous fait dire que le groupe possédait un langage et un système de communication très avancés", assure le chercheur. En outre, "une population qui collecte ces mollusques, les perfore, les ocre et les utilise, dispose incontestablement d’un sens de l’identité", explique-t-il.

Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français, qui a participé aux recherches, partage cet avis : "sachant que ces objets constituent, avec l’art, les sépultures et l’utilisation des pigments, les indices les plus concluants de l’acquisition d’une pensée symbolique, cette étude amène les chercheurs à réviser leur thèse sur l’origine de l’homme moderne", affirme-t-il.

Pour l’équipe qui a travaillé au Maroc, cette parure était portée comme collier ou comme bracelet car on y a repéré des traces d’usure. "Mais, au-delà d’un objet d’embellissement, c’est l’indice d’une organisation sociale très complexe", souligne Bouzouggar.

La tradition de fabriquer et porter des objets de parure s’est poursuivie durant la préhistoire au Maroc car certaines coquillages travaillés ont été découverts dans des strates plus récentes de la Grotte des Pigeons. Autre point essentiel de cette découverte, dont les résultats ont été publiés en juin dans la revue de l’Académie nationale des sciences à Washington, ces innovations sont antérieures de 40.000 ans aux plus anciennes parures trouvées en Europe.

AFP

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