Le Maroc autonomise le conflit sahraoui

7 juillet 2006 - 10h33 - Maroc - Ecrit par :

De passage à Paris, Khalli Henna Ould Rachid jure y croire dur comme fer. « Seule l’autonomie sous souveraineté marocaine, mais toute l’autonomie, rien que l’autonomie, peut constituer une sortie honorable au Sahara, sans vainqueur ni vaincu. Mohammed VI a eu le courage de réparer le péché originel et l’erreur la plus grave du Maroc dans ce conflit : le refus d’impliquer les Sahraouis dans la solution de leur problème. »

Insoluble

Critiquant vertement la gestion du Maroc de Hassan II, qui « a matraqué et jamais écouté les Sahraouis », l’énergique et déterminé président du Corcas (Conseil royal consultatif des affaires sahariennes), mis sur pied par Mohammed VI en mars, a au moins un mérite : un langage peu manichéen et donc nouveau dans ce conflit insoluble. Depuis plus de trente ans, l’impasse y est en effet programmée. Le Front Polisario réclame « l’indépendance » de l’ex-colonie espagnole, désertique et riche en phosphates, annexée par le Maroc en 1975.

L’Algérie ­ qui abrite le Polisario et le soutient politiquement, économiquement et militairement ­ clame qu’elle n’a rien à voir avec ce conflit transformé en formidable arme contre l’éternel rival marocain. Le Maroc, où l’affaire est « cause nationale » susceptible de déstabiliser la monarchie, a dénié toute légitimité au Polisario et désigné Alger comme seul interlocuteur. Campant sur son intransigeance concernant « ses provinces du Sud », Rabat a fini par se résigner (lentement) à leur « autonomie » , concept tabou dans le royaume des années 70.
Du coup, la crise a placé plus d’une fois le Maroc et l’Algérie au bord de la guerre, englouti des sommes faramineuses et usé plusieurs plans de paix de l’ONU. Aussi excitant pour le profane qu’un sorbet au navet, le conflit bloque pourtant toute construction du Maghreb et entretient l’instabilité d’une région qui n’en a pas besoin.
Interne. Khalli Henna Ould Rachid a donc beau jeu de marteler que cette affaire « devient négative pour tout le monde ». « Personne n’a intérêt aujourd’hui à encourager le séparatisme, surtout pas l’Algérie.

Le Sahara n’a ni empêché la guerre civile dans ce pays, ni l’existence d’un foyer de tension aux frontières de l’Algérie avec la Mauritanie et le Mali. Il est tout aussi vrai que le conflit est un problème interne au Maroc, car le royaume des années 70 a été incapable de répondre aux revendications des Sahraouis et d’accepter une autonomie digne de ce nom. Le changement radical, c’est que Mohammed VI s’y est engagé et en confie la réalisation aux principaux intéressés, les Sahraouis. » Le roi a réactivé un conseil des notables sahraouis tombé en désuétude, en nommant 140 membres que les observateurs reconnaissent « représentatifs des tribus locales ». A commencer par son président, Khalli Henna Ould Rachid, issu d’une famille influente de la plus grande tribu du Sahara, les R’guibat.

Reste à savoir si le Maroc envisage une simple régionalisation ou s’il est prêt à une autonomie réelle répondant aux critères internationaux ? C’est la condition sine qua non s’il veut crédibiliser son initiative de paix et convaincre les populations sahraouies habituées jusqu’ici, au mieux à des solutions concoctées par l’administration centrale sans la moindre consultation, au pire à la répression. « En réalité, c’est concernant les compétences exclusives du gouvernement sahraoui qu’il faudra surtout innover », estime Khalli Henna Ould Rachid, les domaines de souveraineté du Maroc étant évidents : « timbre et drapeau », pour reprendre une expression qui fit florès sous Hassan II. Le président du Corcas exclut en tout cas toute « manoeuvre » du royaume, car « l’autonomie est la seule solution pour réparer l’injustice faite aux Sahraouis ».

« Réconciliation »

Reste la « légalité internationale », c’est-à-dire le référendum d’autodétermination de l’ONU exigé par le Polisario et l’Algérie. « Il est irréalisable, sauf à changer les frontières de quatre pays puisque le peuple sahraoui était présent dans l’ex-Sahara espagnol, au sud-est algérien, au nord-ouest de la Mauritanie et à l’extrême nord du Mali », martèle le président du Corcas, qui assure avoir de nombreux contacts avec le Polisario et « considérer l’Algérie comme un grand partenaire du Maroc ». « Je crois fermement à leur entente, la France et l’Allemagne ayant bien réussi à sceller leur réconciliation. »

Hier, Mohamed Abdelaziz, le président de la RASD (République sahraouie) ­ qui rejette l’autonomie ­, devait défiler à Alger lors des célébrations de l’indépendance. Une première. Et Ould Rachid de noter : « Le père de Mohamed Abdelaziz est membre du Corcas. »

José Garçon - Libération ( France )

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