Un TGV Casa-Marrakech-Agadir dans 10 ans

6 décembre 2004 - 11h56 - Economie - Ecrit par :

Deux études de faisabilité ont démontré la nécessité et la rentabilité du projet.
Le premier axe, Casablanca - Marrakech - Agadir via Essaouira, devrait coûter 22 milliards de DH, en plus de 100 MDH pour les études techniques.
Casa - Tanger et Casa - Oujda sont prévus par la suite.

Casablanca-Agadir par train en 2 heures et demie ! Ce ne sera pas par train classique mais par TGV. Ce n’est pas un rêve mais une option sérieusement envisagée. La réflexion menée conjointement par le ministère du Transport et l’ONCF, depuis bientôt deux ans, commence à mûrir. Mieux. On a aujourd’hui une idée très précise de certains détails comme les tracés des lignes, l’armature générale du réseau TGV Maroc, les coûts de réalisation des lignes, leur rentabilité et bien d’autres éléments. Tout est consigné dans les deux premières études qui ont été réalisées depuis 2002 par la société française spécialisée Systra (filiale commune de la RATP et de la SNCF), et dont les conclusions sont claires : le TGV au Maroc c’est plus que possible, c’est même inévitable.
En fait, tout a commencé, il y a un peu plus de deux ans, quand Karim Ghellab, l’actuel ministre du Transport, qui était à l’époque Dg de l’ONCF, avait entamé une réflexion de fond sur l’avenir du transport ferroviaire au Maroc. Les premiers constats ont tout naturellement amené à tendre vers la solution TGV. Pourquoi ? En fait, quand on parle de l’avenir du rail au Maroc, il est nécessaire de distinguer entre trois types de trafic : le transport des marchandises, le transport de voyageurs sur les courtes distances (du genre navette) et le transport de voyageurs sur les longues distances dépassant les 300 kilomètres. Il est ressorti de ce premier diagnostic que, autant pour les deux premiers créneaux, l’ONCF n’a aucun mal à se positionner autant l’avenir est incertain pour le troisième, à savoir le transport de voyageurs sur les longues distances.
C’est en se posant la question sur l’avenir de ce créneau au Maroc que l’idée du TGV Maroc est née. Il est incontestable que dans le monde entier, la tendance du ferroviaire est aux lignes à grande vitesse, appelées communément LGV. Par exemple, outre la France qui a été pionnière dans le domaine, l’Espagne et le Portugal ont pris l’option définitive du TGV. D’ailleurs, notre plus proche voisin européen mène actuellement un programme de construction de LGV à raison de 1 500 km par an. Le Portugal, pour sa part, a réservé un budget colossal de 50 milliards d’euros pour son programme LGV. Et le Maroc ? « Il faut y aller, nous n’avons pas le choix », affirme un haut responsable au ministère du Transport, considérant que « pour les longues distances, de plus de 300 km, le train classique n’a plus d’avenir à moyen et long terme ».

Une ligne pour TGV est 30 % plus chère qu’une ligne classique
Le choix doit être fait d’autant plus rapidement que le réseau ferroviaire n’est pas encore parachevé.
En effet, on ne peut pas continuer d’élargir le réseau pour les trains classiques qui supposent déjà des investissements lourds, sachant que dans quelques années on sera confronté à l’option TGV. Autant arrêter un choix
dès maintenant. C’est-à-dire dans un horizon de trois ans. Du moins pour la ligne Casablanca-Marrakech. Cette ligne arrive aujourd’hui presque à saturation et il faudra lancer les travaux de doublement de la voie au plus tard en 2008. Pourquoi alors doubler une voie classique ?
Pour l’option LGV, les deux premières études se sont focalisées sur l’axe Casa-Marrakech-Agadir long d’un peu plus de 500 km. La première étude de faisabilité, réalisée en 2002, avait pour but de comparer le coût d’une ligne classique et d’une LGV. Les résultats ont été très encourageants. Une LGV est à peine 30 % plus chère qu’une ligne classique, soit 22 milliards de DH pour l’axe étudié. Peu par rapport à ce que l’on supposait.
Une fois la question du coût éclaircie, il fallait aborder la rentabilité économique du projet. C’est l’objet de la deuxième étude. Les experts ont conclu qu’une LGV Casa-Marrakech-Agadir serait économiquement rentable dans les mêmes conditions que les grands axes européens. Mais il faut distinguer la rentabilité économique de la rentabilité financière. La première prend en considération les effets induits du projet en termes de création d’emplois, d’augmentation de trafic, de flux économiques, de gains de temps (2 heures et demie pour Casa-Agadir), tandis que la rentabilité financière est une notion plus étroite, à caractère plutôt comptable. Bien entendu, financièrement parlant, une telle ligne ne peut être rentable que sur le long terme, ce qui est le cas partout dans le monde.
Pour les tarifs, le ministère du Transport répond vaguement qu’ils « se situeront entre celui du billet d’un train classique et celui de l’avion et tiendront compte du pouvoir d’achat du Marocain ». Manière de dire que pour l’instant on n’en sait rien. Il est encore trop tôt.

Le Casa-Marrakech devrait être prêt en 2010
Quid de la suite ? Une troisième étude destinée à définir le schéma d’armature générale du réseau a été récemment confiée toujours à Systra. L’étude est en cours de finalisation mais, selon les informations que nous avons eues, c’est vers une armature construite autour de trois axes principaux : Casa-Marrakech-Agadir, Casa-Tanger et Casa-Oujda que l’on se dirige. Si les deux derniers axes s’inscrivent dans le long terme, le premier (Casa-Marrakech-Agadir), lui, est plutôt prévu à moyen terme, étant donné que l’ONCF devra programmer le doublement de la voie dans trois ans, au plus tard.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les premières études se sont focalisées sur cet axe. A ce titre, La Vie éco a appris que l’étude sur l’armature générale du réseau a démontré que le tronçon Marrakech - Agadir serait plus rentable s’il passait par le couloir littoral et donc par Essaouira. En termes d’infrastructures, la solution qui a pratiquement été retenue consiste à poser au moment du doublement de la voie Casa-Marrakech, une ligne hybride qui permettra la circulation d’un train classique et d’un TGV qui pourra atteindre une vitesse d’au moins 200 km/h. Cette voie pourrait, selon les premières estimations, être lancée en 2007 pour être prête en 2010. Le tronçon Marrakech - Agadir (via Essaouira) serait lancé ultérieurement, mais cette fois-ci la ligne serait une vraie LGV et sur laquelle le train pourrait atteindre les 300 km/h. Si les projections sont tenues, on peut espérer prendre le TGV Casa-Agadir vers 2015.
Maintenant que les idées se précisent mieux, il s’agit de passer aux premières phases de concrétisation, à commencer par les études techniques approfondies. A ce titre, une source au ministère du Transport explique à La Vie éco que pour l’axe Casa-Marrakech-Agadir, par exemple, cette phase coûtera au bas mot 100 MDH, d’où le problème du financement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, lors de son dernier déplacement à Paris, le ministre de l’Equipement et du Transport a tenu à rencontrer son homologue français et en a profité également pour s’entretenir avec des responsables d’Alsthom qui se trouve être le fabricant des rames de TGV. Objectif principal de ces entretiens : trouver déjà un financement pour ces études dans le cadre des mécanismes de coopération maroco-française. Apparemment, les Français seraient disposés à donner un coup de pouce. Pour ce qui concerne le financement de la réalisation proprement dite, il faudra commencer à y penser dès maintenant, car il nécessitera, comme l’indique M. Ghellab, plusieurs dizaines de milliards de DH.

Saâd Benmansour - La Vie Economique

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