Frattini presse les Etats à "tenir leurs engagements" sur l’immigration

12 février 2007 - 00h00 - Monde - Ecrit par : L.A

Vous allez présenter aux ministres européens de l’intérieur, le 15 février à Bruxelles, des mesures pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine, notamment par un meilleur contrôle des frontières. Mais vous paraissez douter de la bonne volonté des Etats.

Je ne peux pas accepter qu’on parle toujours du principe de solidarité et que, le moment venu, les Etats membres se montrent réticents. Je leur demande seulement de traduire, dans des actions concrètes, ce que les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé au Conseil européen de décembre 2006. Si je dois mettre en place une stratégie méditerranéenne pour l’organisation de patrouilles côtières et pour une meilleure coopération avec les pays de la rive sud, il me faut les bateaux, il me faut les hélicoptères, il me faut les avions, il me faut les experts. C’est pour cela que j’ai adressé à tous les ministres une lettre très franche dans laquelle je les presse de tenir leurs engagements. Je n’ai pas encore reçu de réponse, mais je profiterai de la prochaine réunion pour les mettre une nouvelle fois devant leurs responsabilités. Je dirai ensuite franchement quels sont ceux qui coopèrent et quels sont ceux qui ne coopèrent pas. Je sais pouvoir compter sur l’appui politique de la présidence allemande. Il y a urgence. Il faut que les opérations puissent commencer au printemps, à la fois aux îles Canaries et en Méditerranée centrale.

Quelle forme prendra la coopération avec les Etats de la région ?

Je viens de recevoir une lettre des autorités libyennes, qui acceptent d’accueillir pour la première fois une délégation d’experts de l’Union européenne pour étudier les conditions d’une surveillance renforcée de sa frontière sud, par laquelle passent de nombreux immigrants. En retour, Tripoli sera partie prenante de la coopération en Méditerranée. J’organiserai prochainement à Malte une réunion dite des "5 + 5", c’est-à-dire les cinq pays de la rive nord (Portugal, Espagne, France, Malte, Italie) et les cinq de la rive sud (Tunisie, Maroc, Mauritanie, Libye, Algérie), auxquels s’ajouteront la Grèce et Chypre du côté européen, l’Egypte du côté africain.

Où en est-on des initiatives en faveur de l’immigration légale, autre sujet qui ne fait pas l’unanimité entre les Etats ?

J’ai proposé il y a quelques semaines la création de centres pour l’emploi dans les pays d’émigration, qui fonctionneraient comme des agences de placement pour les candidats au départ. Le premier va voir le jour au Mali, où Louis Michel, le commissaire au développement, vient de se rendre. C’est une expérience pilote, qui devra être suivie d’autres, dans les pays qui en ont fait la demande comme le Sénégal, le Ghana, la Mauritanie. Ces centres seront des structures légères, chargées à la fois de rassembler des offres d’emploi en Europe et d’assurer une formation professionnelle, éventuellement linguistique, payée sur des fonds européens. C’est ce que nous appelons l’immigration accompagnée. L’opération engagée au Mali concerne les travailleurs saisonniers demandés par des pays de l’Union européenne dans trois secteurs : l’agriculture, les travaux publics, le tourisme.

Comment les choses vont-elles se passer ?

L’Union disposera d’un levier, les quotas nationaux. Les Etats indiqueront le nombre de travailleurs dont ils ont besoin. Et nous demanderons au Mali de nous proposer une liste de candidats. Il devra aussi s’engager à les reprendre à l’expiration de leur contrat. Supposons que l’Italie ait besoin de 4 000 travailleurs agricoles, la France de 3 000, l’Espagne de 8 000. Les Maliens nous diront combien de leurs ressortissants sont prêts à travailler dans ces pays. Mettons qu’ils aient 3 000 candidats, nous les attribuerons à chacun de ces Etats en proportion de leur demande.

Cela ne concernera pour le moment que les saisonniers. Pour les autres, en particulier les travailleurs hautement qualifiés, envisagez-vous une formule de permis permanent comparable à la "carte verte" américaine ?

Oui, je suis favorable à une sorte de "carte verte", que je préférerais appeler "carte bleue", par référence à la couleur du drapeau européen. Ce document permettrait à ses titulaires de se déplacer à travers l’UE. Aujourd’hui, si une multinationale souhaite déplacer un de ses ingénieurs venu d’un pays tiers de son siège de Rome à son siège de Bruxelles, par exemple, il faut recommencer à zéro les procédures de visa, de permis de séjour, de permis de travail. Ces procédures seraient facilitées. De même, il serait possible à un travailleur de retourner chez lui au bout d’un certain temps, pour faire profiter son pays de son expérience acquise, puis de revenir en Europe sans recommencer les procédures. Cette immigration "circulaire" est un des moyens de lutter contre la fuite des cerveaux.

Percevez-vous des résistances, parmi les Etats membres, à l’égard du développement d’une immigration légale ?

Il y a des sensibilités différentes. Je comprends que certains Etats soient hésitants parce qu’ils ne veulent pas mettre en cause le principe de la préférence communautaire, qui donne la priorité aux travailleurs européens. Ce principe doit être maintenu, mais un équilibre doit être trouvé.

Le Monde - Thomas Ferenczi

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Sujets associés : Immigration clandestine - Union européenne

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