Les juifs et la construction du capitalisme marocain

25 mai 2005 - 10h29 - Culture - Ecrit par :

Il est difficile d’établir la part d’héritage judéo-arabe dans la constitution du proto-capitalisme marocain. Il faut remonter à la société pré-coloniale marocaine pour identifier l’apport strictement juif.

Le chercheur Simon Lévy, dans une contribution à l’ouvrage collectif « civilisation marocaine », considère que « les juifs, seule minorité religieuse au Maroc, avaient une place spécifique aux plans économique, juridique et administratif (...) une répartition tacite des tâches économiques, une spécialisation -non obligatoire- qui répondait aux besoins d’une société ». Pour S. Lévy, les juifs étaient Le joker, « l’élément mobile » d’une société qui commençait seulement à subir le choc du commerce international et la pression des puissances aux XVIIIe et XIXe siècles. Pour Louis Massignon, dans son « enquête sur les corporations musulmanes d’artisans et de commerçants », la part des traditions juives dans la vie corporative des musulmans est « certainement importante car ce sont surtout des artisans dans les villes qui figuraient parmi ces convertis passés du judaïsme à l’islam ».

Pour les métiers " interdits "

En milieu rural, les musulmans étaient essentiellement agriculteurs ou éleveurs, les juifs exerçaient des métiers méprisés par les tribus musulmanes ou frappés du sceau de l’interdit. Il en est ainsi du travail du métal, de la cordonnerie, de la fabrication des seaux de puits. Des pans entiers de l’artisanat marocain ont ainsi été développés par les juifs « beldyines » (berbères) dans les campagnes marocaines. En milieu urbain, outre le travail de l’orfèvrerie, du brocard et de la numismatique (frappe de monnaie). « Une main d’œuvre juive était employée à l’hôtel de la monnaie, travaillant avec d’autres artisans chrétiens sous la direction d’un amine musulman, au temps où les sultans battaient monnaie à Fès », souligne feu Haïm Zafrani dans l’immense ouvrage « deux mille ans de vie juive ».

A l’origine du commerce international

Les juifs qui pratiquaient couramment, en milieu urbain, un certain nombre de langues étrangères, ont été au centre du développement du commerce international. Les réseaux tissés avec des coreligionnaires établis à Manchester ou à Hambourg ont créé les premiers jalons de rapports entre un pays musulman et le monde chrétien. Le grand négoce, comme le souligne Haïm Zafrani, se trouve entre les mains d’une oligarchie qui, disposant de capitaux, de relations avec le makhzen et de moyens d’information de caractère économique grâce à leurs correspondants internationaux, monopolise l’exportation de produits locaux (céréales, cuirs et peaux) et l’importation de diverses denrées, en particulier les textiles. Les juifs ont été aussi à l’origine de la création des premières banques marocaines. S. Lévy souligne que « les couches aisées pratiquaient également les métiers du courtage, le commerce de produits agricoles et une activité interdite aux musulmans, le prêt à intérêt. A partir du XIXe siècle, ils assurèrent la représentation des banques de Tanger, dont trois avaient été créées par des juifs marocains (banques Nahon, Pariente, Benchimol) ».

Le Journal Hebdo

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Histoire - Judaïsme marocain

Ces articles devraient vous intéresser :

Plan de sauvetage des monuments marocains après le séisme

Le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a assuré vendredi de la forte implication de son département dans le plan de reconstruction des sites historiques touchés par le séisme.

Les confidences de Gad Elmaleh sur sa rencontre avec le pape François

L’humoriste marocain Gad Elmaleh s’est confié après sa rencontre avec le pape François, au Vatican le 23 décembre, à qui il a présenté son film « Reste un peu », sorti en France le 16 novembre et dont le scénario repose sur son cheminement spirituel...

Emmanuelle Chriqui : Une voix marocaine contre l’antisémitisme

À l’heure où la guerre fait rage entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, l’actrice canadienne d’origine marocaine Emmanuelle Chriqui dénonce le déferlement d’antisémitisme.

Maroc : les nouvelles mesures sur la communauté juive, saluées

David Toledano, membre de la communauté juive marocaine et président de la Fédération des industries des matériaux de construction, a salué le décret, portant organisation des communautés juives, estimant que ce texte est « exceptionnel [et] répond...

Le Maroc inaugure la première synagogue universitaire du monde arabe

L’Université polytechnique Mohammed VI (UM6P) a inauguré une synagogue universitaire, une première au Maroc et dans le monde arabe. Le lieu de culte, situé à côté de sa nouvelle mosquée, reflète la coexistence des religions au Maroc.

Des prières rogatoires dans les synagogues marocaines

Après les mosquées, c’est au tour des synagogues au Maroc d’accueillir des prières rogatoires en faveur de la pluie.

« La marocanité du Sahara est irréfutable »

La souveraineté du Maroc sur le Sahara est irréfutable si l’on s’en tient aux documents royaux historiques, a affirmé jeudi Bahija Simou, la directrice des Archives royales, lors d’une conférence organisée par l’Association Ribat Al Fath pour le...