Le Maroc met en place une autorité de lutte contre la corruption

26 août 2008 - 23h54 - Maroc - Ecrit par : L.A

Les responsables politiques marocains et ceux de la société civile ont accueilli favorablement la création d’une nouvelle autorité chargée de la lutte contre la corruption au Maroc, mais se disent méfiants quant à son indépendance vis-à-vis du gouvernement.

L’Autorité Centrale pour la Prévention de la Corruption, autorisée pour la première fois par décret l’an dernier, mais qui n’avait pas encore vu le jour, est sur le point de devenir une réalité, avec la nomination par le Roi Mohammed VI de M. Abdesselam Boudrar, l’un des membres fondateurs de Transparency Maroc, au poste de directeur.

Dans son discours du 20 août dernier, le souverain avait demandé au gouvernement de travailler activement à ce que cette instance devienne une réalité. "Dans nos efforts pour nous assurer que les affaires publiques sont conduites dans le respect des normes d’éthique, nous devons aujourd’hui mettre en place une Autorité Centrale pour la Prévention de la Corruption… Chacun d’entre nous doit rester vigilant et déterminé, se conformer aux lois et à l’autorité d’une institution indépendante, et faire usage des mécanismes de surveillance et de responsabilité pour mettre un terme à l’impunité et lutter contre les comportements corrompus et frauduleux", avait déclaré le Roi.

Aux termes du décret de mars 2007, cette nouvelle instance sera chargée de surveiller et de collecter des informations sur la corruption, et de coordonner les politiques de lutte anti-corruption. Composée de représentants de différents ministères et organismes, elle devra répondre devant le Premier Ministre.

Bien qu’elle ait été saluée par nombre de responsables politiques et personnalités de la société civile, certains critiquent néanmoins le manque d’indépendance de cette instance vis-à-vis du gouvernement.

Le secrétaire général de Transparency Maroc Rachid Filali Meknassi a déclaré à Magharebia qu’il était maintenant essentiel de mettre en place cette instance, afin de pouvoir traiter le phénomène endémique de la corruption. Il a par ailleurs indiqué que l’annonce du Roi avait été un signal politique clair adressé au gouvernement pour qu’il pèse de tout son poids dans ces efforts de lutte.

M. Meknassi a souligné que cette autorité aurait un rôle purement consultatif : "Son objet n’est pas de déclencher des procédures légales ni de lancer des enquêtes."

"J’espère que cette instance ne sera pas un simple forum de discussion, mais un organisme capable d’apporter des solutions concrètes", a-t-il ajouté. Le président de la Commission pour la Justice et la Législation de la Chambre basse du parlement a pour sa part indiqué que l’affiliation de cette instance au cabinet du Premier Ministre l’empêchera de mener efficacement sa mission à bien. "Il est impératif que cette autorité soit indépendante, afin qu’elle puisse se pencher sur tous les cas de corruption, aussi sensibles qu’ils puissent être", a déclaré Mohamed Ansari.

La députée et avocate Fatima Mustaghfir a expliqué à Magharebia qu’à moins de consolider les efforts de tous les acteurs de la société, cette nouvelle instance ne sera pas en mesure de lutter contre le phénomène croissant de la corruption dans la culture marocaine. "Nous devons initier une vaste campagne dans les médias visant à modifier les attitudes des gens et à les sensibiliser aux dangers de la corruption. L’annonce par le Roi lui-même de la création de cette autorité est un signe de l’ampleur du phénomène. Toutes les institutions nationales doivent s’unir pour mettre un terme à ce problème", a-t-elle déclaré.

Le Maroc se trouve toujours dans les dernières places de l’Indice de Perception de la Corruption de Transparency International, même si sa position s’est légèrement améliorée en 2007, passant de la 79ème à la 72ème place sur 179 pays passés au crible par cette ONG.

Source : Magharebia - Sarah Touahri

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Corruption - Transparency Maroc - Abdesselam Boudrar

Ces articles devraient vous intéresser :

Parlement européen : le Maroc aurait offert des séjours à la Mamounia

La députée socialiste Marie Arena et l’ex-eurodéputé italien Antonio Panzeri, visés dans le scandale au parlement européen, auraient bénéficié en 2015 d’un séjour de luxe à l’hôtel La Mamounia de Marrakech, tous frais payés par les autorités marocaines.

Maroc : la liste des députés poursuivis pour corruption s’allonge

Trois députés marocains viennent d’être déférés devant la justice pour corruption. Déjà une vingtaine de parlementaires sont poursuivis en justice pour des faits de corruption et dilapidation des deniers publics.

Maroc : des biens et des comptes bancaires de parlementaires saisis

Au Maroc, les parquets des tribunaux de première instance ont commencé à transmettre aux nouvelles chambres chargées des crimes de blanchiment d’argent les dossiers des présidents de commune et des parlementaires condamnés pour dilapidation et...

Corruption au Maroc : des élus et entrepreneurs devant la justice

Au Maroc, plusieurs députés et élus locaux sont poursuivis devant la justice pour les infractions présumées de corruption et d’abus de pouvoir.

Corruption au Maroc : les chiffres qui révèlent l’étendue des dégâts

Une étude de l’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC) dresse un état des lieux préoccupant de la corruption au Maroc.

Deux fonctionnaires du consulat du Maroc à Barcelone en prison

Accusés de détournement de fonds, deux anciens fonctionnaires du consulat du Maroc à Barcelone ont été placés en détention, mercredi, par le procureur général du Roi près du tribunal des crimes financiers de Rabat.

L’Europe cherche à punir le Maroc

L’éclatement du scandale de corruption au Parlement européen doublé d’une résolution relevant la détérioration des droits de l’Homme est à l’origine des nouvelles tensions entre le Maroc et l’Europe. Cette dernière cherche-t-elle à punir le royaume ?

Maroc : les tribunaux submergés après la levée des mesures restrictives

Depuis que l’amélioration de la situation épidémiologique au Maroc a entraîné l’assouplissement des mesures restrictives, la vie a repris dans les tribunaux avec une hausse considérable du nombre de plaintes, procès et affaires pénales.

Affaire Rachid M’Barki : les ramifications d’un réseau d’influence

L’affaire Rachid M’Barki du nom de l’ex-présentateur franco-marocain du journal de la nuit de BFMTV, mis en examen pour « corruption passive » et « abus de confiance » n’a pas fini de livrer tous ses secrets.

Hafid Derradji accuse la CAF de corruption à cause du Maroc

Le commentateur sportif algérien de beIN Sports, Hafid Derradji, affirme que la Confédération africaine de football (CAF) a attribué l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025 au Maroc et n’hésite pas à accuser l’organisation de...