Ça plane pour le low-cost

22 juillet 2008 - 17h54 - Economie - Ecrit par : L.A

Depuis que les voies du ciel marocain sont pénétrables, une dizaine de compagnies low-cost s’y bouscule. L’arrivée de ces offres au service minimal et aux tarifs imbattables a-t-elle réellement démocratisé le voyage en avion. Etat des lieux.

Une évolution de 17% de 2006 à 2007 : c’est la plus forte croissance mondiale du trafic aérien. Et elle est marocaine. Depuis 2003, le nombre de passagers sillonnant le ciel du royaume a doublé, passant le cap des 10 millions. Cap symbolique s’il en est, puisque c’est bien au
nom de l’objectif 10 millions de touristes en 2010 que fut signé, en décembre 2006, l’accord d’Open Sky entre le Maroc et l’Union Européenne, principale facette de la libéralisation du trafic aérien officialisée deux ans plus tôt.

Un cap symbolique, mais non moins réel, qui doit beaucoup à l’arrivée dans l’horizon marocain de compagnie au concept nouveau, le low-cost. La recette : des prix défiant toute concurrence, avec des allers-retours Maroc-Europe dépassant rarement, en moyenne, l’autre seuil symbolique des 1000 DH. En 2007, 91% des 142 lignes créées sont des low-cost, avait signalé le ministre des Transports, Karim Ghellab, aux 8ème Assises du tourisme, annonçant du même coup la création de 22 nouvelles fréquences et 5 routes supplémentaires à partir d’octobre prochain. Et selon le ministère du Tourisme, l’Emiratie Air Arabia a conclu un accord avec Régional Air Lines pour créer une compagnie low-cost desservant des pays arabes.

13 compagnies, 18 pays, 314 lignes

Aujourd’hui, 13 compagnies “à bas coût” sont présentes au Maroc, dont 2 nationales, Atlas Blue et Jet4You, et les deux plus grandes au niveau mondial, à savoir la Britannique EasyJet et l’Irlandaise RyanAir. Leurs autres concurrentes se nomment Air Berlin, Click Air, Condor, Norvegian Air Shuttle, Transavia.com, Thompson Fly, Fly Nordic, Happag Lloyd ou encore My Way. Au total, selon l’Office national des aéroports (ONDA), 18 pays européens sont desservis par plus de 314 lignes, Atlas Blue et Jet4You s’installant en tête de peloton. Entre ces compagnies, pour l’instant, la concurrence est adoucie par une forte complémentarité de dessertes (Marseille, Bologne et Düsseldorf pour l’UE, Marrakech, Agadir ou Fès pour le Maroc) et de clientèle (touristes sur Paris Orly - Fès, MRE sur Lyon - Casa). “D’une manière générale, chaque fois que nous entrons sur une ligne, nous boostons le trafic de 30 à 40%. Et tout le monde y trouve son compte”, analyse ce membre du département marketing de Jet4You, première compagnie low-cost privée marocaine. Ainsi, la croissance de la ligne Casa - Bruxelles (de 2 à 3% par an il y a peu) a fait un bond de 50% entre 2006 et 2007. Et entre Londres et Marrakech, le nombre de fréquences a quintuplé (passant de 8 à 46) en 2006. Pour autant, il faut se rendre à l’évidence : les low-cost ne cessent de grappiller des voyageurs aux compagnies “normales” déjà installées. “Pour 2007, on compte plus de 2,8 millions de passagers low-cost du ou vers le Maroc, soit 23% du total des voyageurs (12,1 millions)”, rapporte Abdelhanine Benallou, directeur général de l’ONDA.

Face à ces nouvelles venues aux dents longues, qui semblent même faire de l’ombre aux charters qu’affrètent les agences et tour-opérateurs pour des packagings de voyages bon marché, les compagnies traditionnelles sont bien forcées de réagir : augmentations de lignes, recentrage sur le hub, baisses de coûts, création de filiales à bas coût… “Les compagnies classiques présentes au Maroc depuis des décennies se sont retirées au profit de leurs filiales low-cost. C’est le cas d’Iberia avec Click Air ou d’Air France-KLM avec Transavia”, analyse la direction de Royal Air Maroc, qui maintient son leadership (60% de parts du trafic aérien commercial en 2004, 57% en 2007)… grâce à sa filiale low-cost Atlas Blue.

MRE, touristes et hommes d’affaires

Ce qui ne l’empêche pas de revoir ses prix à la baisse, mais seulement à titre exceptionnel, pour “préserver son image et celle de sa clientèle”, estime Salima, 27 ans, ancienne hôtesse intérimaire de la RAM, aujourd’hui salariée de Jet4You. Pour autant, rares sont les clients associant low-cost à voyage cheap. “Il y a beaucoup d’hommes d’affaires sur les vols d’EasyJet, en direction de Madrid et de Londres”, fait remarquer Nuno Caneira, chef d’escale de Mar Handling à Casablanca. “Selon une étude de l’Office national marocain du tourisme, 70% des touristes anglais qui viennent au Maroc en low-cost sont diplômés universitaires, des cadres sup’ en somme”, poursuit Abdelhanine Benallou. “Cela dépend beaucoup des destinations, nuance Nuno Caneira. Dans l’ensemble, c’est une clientèle mixte”. Chez Jet4You, “40% des passagers sont des touristes, et 50% des MRE, précise le département marketing. En plus, ils sont jeunes. C’est une autre culture que celle de la voiture surchargée et du ferry”.

Dans la file du guichet d’enregistrement d’EasyJet, à l’aéroport Mohammed V de Casablanca, pour le vol Casa-Madrid, Assia Fatati, 26 ans, les mains tatouées de henné, se demande “comment font les Marocains ‘du Maroc’ pour prendre leurs billets”. Installée à Valladolid depuis trois ans, elle a pris son aller-retour sur Internet avec sa carte bancaire espagnole, il y a un mois, pour “environ 100 euros”. Un bon tarif en quelques clics, mais quasi inaccessible à ses compatriotes restés au pays : moins d’un passager sur dix à bord des avions Jet4You réserve via le Web. “Entre l’impossibilité pour la plupart des Marocains de payer par Internet et le durcissement des politiques migratoires européennes, il est difficile de parler d’une réelle démocratisation du voyage en avion grâce au low-cost”, acquiesce Nuno Caneira. Les compagnies low-cost au Maroc ne sont donc pas tout à fait “ce que les autoroutes ont été pour l’Espagne”, a récemment comparé le PDG de Jet4You, Jawad Ziat.

La compagnie marocaine tâche pourtant d’y remédier, en s’associant à un réseau d’une cinquantaine d’agences au Maroc, qui proposent des billets Jet4You moyennant une commission de quelque 120 DH par segment de vol. Autres spécificités en préparation pour doper ses revenus : la réservation d’espaces publicitaires dans ses avions et le lancement de nouveaux services de réservation de voitures et d’hôtel, appelés “Cars4you” et “Hotels4you”. Car pour le Maroc, doper et désaisonnaliser le tourisme reste le principal objectif. Cela semble marcher : “Pour 81% des touristes venant au Maroc en low-cost, c’est leur première visite”, rapporte Abdelhanine Benallou.

Satisfait ou… pas remboursé

Décollage globalement réussi, donc, pour les low-cost sur les tarmacs marocains. Qu’en est-il à l’atterrissage ? Les passagers sont-ils autant satisfaits lorsqu’ils s’offrent un aller Bologne-Casa pour à peine plus qu’un paquet de Marlboro ? “Côté sécurité, rien à dire, c’est nickel, assure Nuno Caneira. EasyJet a par exemple l’une des flottes les moins âgées au monde”. La qualité du service, par contre, ne fait pas l’unanimité, et les récits de mésaventures voyagent de bouche à oreille, comme celle de ces passagers bloqués une nuit entière à l’aéroport “spécial low-cost” de Marseille, incident qui arriverait régulièrement. Lundi 30 juin, à Paris, flottait comme un air de rébellion devant le guichet d’enregistrement Jet4You pour le vol vers Casablanca, prévu à 21h30 à Orly et finalement parti vers 1h du matin de… Roissy. La veille, même scénario. “C’est la première et la dernière fois que je voyage avec cette compagnie !”, menace l’un. “Il n’y a personne à qui parler, pour nous tenir informés, ou juste pour s’excuser”, grogne l’autre. Plus loufoque : à l’aéroport Charleroi, en Belgique, après un concert, le groupe Hoba Hoba Spirit s’est vu demander de payer un billet pour… les guitares. “De toute façon, on n’avait même pas de carte de crédit internationale”, rapportent-ils après avoir finalement remporté le bras de fer.

Payer un billet low-cost implique-t-il légitimement ce genre de situations ? Chez les compagnies interrogées, on récuse tout laxisme et assure que les passagers sont pris en charge en cas de pépin. “Low-cost ou pas, le client a droit à un interlocuteur, une alternative, estime Abdelhanine Benallou. Pour pallier ces différences de traitement, l’ONDA a décidé de prendre en charge un repas au-delà de 3 heures de retard, et l’hôtel pour plus de 6 heures, avant de tout facturer à la compagnie. Mais certaines plus que d’autres sont tentées de se débiner”. Chose qui, pour Assia Fatati, n’est pas propre aux low-cost : “J’ai eu tout plein de problèmes de bagages et de retard avec Iberia ou la RAM, et en plus, j’ai été mal reçue. Quel intérêt ai-je à payer le triple pour un vol d’une heure et demie ?”.

Source : TelQuel - Cerise Maréchaud

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