L’université marocaine se convertit au réalisme

13 septembre 2007 - 00h41 - Maroc - Ecrit par : L.A

L’un des objectifs centraux de la réforme de l’enseignement était de combattre le chômage des diplômés, en rapprochant un peu plus le système éducatif des besoins de l’économie. Il y a cinq ans, le taux de chômage des diplômés était à un tel niveau -entre 30 et 40%, selon les chiffres officiels- que le système était complètement discrédité.

La réponse à ce chômage frictionnel aura été l’introduction des filières professionnalisantes dans les facultés, au niveau des licences, et par la création des masters dits spécialisés. Depuis deux ans, ce processus est passé à la vitesse supérieure. Où qu’elles soient, toutes les facultés affichent dans leur portefeuille des programmes qualifiants censés accélérer ou, du moins, faciliter l’insertion de leurs lauréats sur le marché de l’emploi. Et à la clé, optimiser les ressources que la collectivité consacre à l’enseignement. Selon les estimations officielles, un étudiant du supérieur coûte en moyenne 10.000 dirhams par an, un chiffre à prendre avec des pincettes tant, dans certains cas (écoles d’ingénieurs), il peut être multiplié par 5.

6% des effectifs du supérieur dans le privé

Plutôt que de multiplier des formations par trop généralistes (qui restent nécessaires), la tendance est aujourd’hui à des programmes à la carte. Ainsi on trouvera par exemple des licenciés en animation culturelle, gestion des théâtres en lieu et place des diplômés en lettres. Toutes les branches se sont converties à ce réalisme et, depuis peu, cette réorientation a insufflé de l’émulation entre établissements. Le plan Emergence, comme le programme « 10.000 ingénieurs », aura joué le rôle d’accélérateur.

Le monde économique était depuis longtemps demandeur de ce réajustement du système éducatif, les entreprises éprouvant des difficultés à trouver des profils adaptés (à ne pas assimiler à opérationnels). Tout ce processus devrait monter en puissance sans sacrifier le rôle fondamental de l’université, celui qui consiste à produire des savoirs, de la recherche et à irriguer la société en réflexions dans divers domaines.

Cette « révolution » culturelle de l’université marocaine manque cruellement de ressources, d’après les responsables. Professionnaliser les filières passe obligatoirement par l’implication des praticiens dans l’enseignement. Il est impensable qu’un diplôme en assurance ou en comptabilité internationale soit préparé sans ce va-et-vient entre la pratique et la théorie. Au contraire du privé, le recours aux vacations dans le supérieur public reste encore trop limité faute de moyens. Pour convaincre un magistrat ou un analyste financier de dégager un peu de son temps, il faudra bien plus que les 65 dirhams bruts que rapporte l’heure de vacation à l’université.

La promesse gouvernementale de revaloriser cette vacation, ou au moins la porter au même niveau que ce que pratiquent les écoles privées, est restée lettre morte pour l’instant. Malgré tout, certains établissements réussissent des résultats spectaculaires avec peu de moyens. Le sens de l’initiative du management, mais aussi la mobilisation des enseignants font parfois des miracles. Depuis trois ans, l’Institut agronomique et véterinaire (IAV) Rabat réussit un étonnant Grand Chelem de ses lauréats. Le taux d’insertion de ses ingénieurs frôle les 100% après une remise à plat complète du programme et une habile politique de coopération avec les entreprises.

Le secteur privé, qui accueille 6% des effectifs de l’enseignement supérieur, souffrait moins de cette inadéquation de sa « production » par rapport à la demande. Il est en revanche demandeur de plus de reconnaissance politique de son rôle dans l’offre éducative et de mesures d’accompagnement. En principe, l’accord-cadre conclu avec le gouvernement au printemps dernier devait lui apporter un début de réponse. Mais il semble encore que les pouvoirs publics n’en voient pas l’urgence. La preuve, le mécanisme crucial d’accréditation des écoles qui devait être mis en œuvre pour aboutir à la reconnaissance académique de leurs diplômes cale. Le ministre de tutelle s’était engagé dans une déclaration à L’Economiste en promettant que les premières écoles accréditées seraient prêtes cette rentrée 2007/2008. Il n’en est rien. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

L’Economiste - Abashi Shamamba

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