Maroc : en finir avec le tabou de la sexualité

13 novembre 2023 - 20h00 - Maroc - Ecrit par : A.P

Le professeur d’université émérite en sociologie et expert consultant en « sexualité, genre et féminisme en islam », Abdessamad Dialmy, dénonce le tabou persistant de la sexualité au Maroc et la difficulté pour les jeunes de vivre pleinement leur sexualité à cause des lois liberticides.

« La liberté sexuelle devrait être un droit fondamental. J’en suis profondément convaincu et toute ma carrière universitaire, mes cours, mes recherches et mes écrits ont eu pour objectif de lutter contre les tabous qui répriment la sexualité des jeunes Marocains. Aujourd’hui encore, ils sont contraints de se marier et de fonder une famille pour vivre leur sexualité légalement. Sinon, ils risquent de tomber sous le coup de la loi. Les articles 489, 490 et 491 du Code pénal répriment respectivement l’homosexualité, la sexualité préconjugale et l’adultère. Je demande depuis 2007 l’abrogation de ces articles liberticides », s’offusque Abdessamad Dialmy dans une réflexion publiée dans Le Monde Afrique.

À lire : Appel à un débat sérieux sur l’avortement et la sexualité au Maroc

Le professeur d’université a soutenu sa thèse de doctorat d’État sur la sexualité de la jeunesse marocaine en 1980. Dans ce travail de recherche qui a fait l’objet d’une publication en arabe en 1985 aux Éditions maghrébines sous le titre « Femme et sexualité au Maroc », l’expert faisait état d’un « double interdit religieux et juridique » aux jeunes Marocains en matière de sexualité. « Au Maroc, comme ailleurs, l’âge moyen au premier mariage n’a cessé de reculer. Il est aujourd’hui de 26 ans pour les filles et de 32 ans pour les garçons. En attendant de se marier, et pour concilier désir et tabou, les jeunes pratiquent donc des rapports sans défloration », explique-t-il.

À lire : Maroc : la vérité sur l’interdiction aux femmes de séjourner seules dans un hôtel

Et de poursuivre : « Bien sûr, les jeunes Marocains des classes aisées ne connaissent pas ces limites. Ils ont brisé le tabou de la virginité et de la préservation de l’hymen. Des lesbiennes se déflorent mutuellement et refusent de conclure des mariages hétérosexuels. Des homosexuels se marient entre eux par simple lecture de la première sourate du Coran (Al-Fatiha) en présence de témoins homosexuels pour donner une légitimité islamique à leur union. Pour moi, le Maroc connaît une explosion sexuelle. Les pratiques préconjugales se généralisent depuis les années 1970 ».

À lire : « Personne ne peut légaliser l’homosexualité au Maroc »

Le sociologue note par ailleurs « le développement de la prostitution et d’une homosexualité plus assumée » ainsi qu’une « hausse des violences sexuelles et sexistes, des infections sexuellement transmissibles, des grossesses non désirées, des avortements clandestins, des enfants nés hors mariage ». Abdessamad Dialmy reste toutefois optimiste. Plutôt que de militer pour une « une révolution sexuelle radicale », il appelle à « une réforme juridique, c’est-à-dire la reconnaissance des libertés sexuelles et du droit à l’IVG, une réforme éducative qui instituera l’éducation sexuelle sans tabou à l’école et une réforme culturelle pour construire une masculinité non violente à l’égard des femmes ».

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Droits et Justice - Abdessamad Dialmy - Homosexualité Maroc - Sexualité - Code pénal marocain

Aller plus loin

Maroc : la vérité sur l’interdiction aux femmes de séjourner seules dans un hôtel

Une circulaire du ministère de l’Intérieur aurait interdit aux femmes de séjourner dans un hôtel de leur ville de résidence. Interpellé sur la question par le député de l’Union...

« Personne ne peut légaliser l’homosexualité au Maroc »

Le ministre de la Justice et secrétaire général du Parti authenticité et modernité (PAM), Abdellatif Ouahbi, a assuré que l’homosexualité ne peut être « légalisée » dans un «...

Maroc : plus de la moitié des femmes mariées, victimes de violences conjugales

Malgré les nombreuses mesures, le Maroc fait toujours face au défi des violences conjugales. Selon un rapport sur les droits de l’homme, le phénomène est inquiétant, d’autant...

Appel à un débat sérieux sur l’avortement et la sexualité au Maroc

Au Maroc, les relations sexuelles hors mariage et l’avortement sont deux pratiques interdites par la loi et la religion. Des interdits qui sont pourtant contournés, d’une...

Ces articles devraient vous intéresser :

Carte du Maroc sans le Sahara : l’ONCF annonce des poursuites judiciaires

L’Office national des chemins de fer (ONCF) aurait publié sur l’une de ses affiches une carte incomplète du Maroc, suscitant la colère des internautes marocains. L’Office vient de démentir l’information et envisage de poursuivre les auteurs de cette...

Un agriculteur espagnol attaque la famille royale marocaine

Le Tribunal de l’Union européenne a entendu mardi les arguments de l’entreprise Eurosemillas, spécialisée dans la production de semences sélectionnées, qui demande l’annulation de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété...

Deux fonctionnaires du consulat du Maroc à Barcelone en prison

Accusés de détournement de fonds, deux anciens fonctionnaires du consulat du Maroc à Barcelone ont été placés en détention, mercredi, par le procureur général du Roi près du tribunal des crimes financiers de Rabat.

Les avocats marocains passent à la caisse

Les avocats marocains doivent désormais s’acquitter d’une avance sur l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés au titre de l’exercice en cours auprès du secrétaire–greffier à la caisse du tribunal pour le compte receveur de l’administration fiscale....

Maroc : le casier judiciaire électronique enfin lancé

Le ministère de la Justice a procédé mardi, au lancement de quatre nouveaux services numériques dont le casier judiciaire électronique.

Le chanteur Adil Miloudi recherché par la police

Le célèbre chanteur marocain Adil El Miloudi est sous le coup d’un mandat d’arrêt pour avoir, dans une vidéo, menacé des fonctionnaires de police.

Maroc : une série télévisée accusée de faire l’apologie de l’homosexualité

La série « 2 wjoh » (deux visages) aborde-t-elle l’homosexualité ? C’est en tout cas ce que semblent dénoncer de nombreux internautes sur les réseaux sociaux après la diffusion d’un extrait du teaser de la série qui sera diffusée tous les jours à 19h45...

Concours d’avocat : profond désaccord au sein de la profession

La polémique liée au concours d’accès à la profession d’avocat a fini par diviser le corps des avocats, dont certains défendent le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, et son département contre tout « favoritisme » tandis que d’autres appellent à...

Maroc : l’utilisation de WhatsApp interdite dans le secteur de la justice

Le procureur général du Maroc, Al-Hassan Al-Daki, a interdit aux fonctionnaires et huissiers de justice d’installer et d’utiliser les applications de messagerie instantanée, et principalement WhatsApp, sur leurs téléphones professionnels.

Les adouls marocains vont préparer les jeunes mariés à la vie sexuelle

L’Ordre National des Adouls au Maroc, l’Association marocaine de planification familiale (AMPF) et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) s’unissent pour préparer les jeunes marocains au mariage. Une convention dans ce cadre, a été...