Le Maroc est « prêt à sacrifier froidement sa jeunesse », selon Le Monde

24 mai 2021 - 08h20 - Espagne - Ecrit par : J.D

Les relations surchauffées entre Madrid et Rabat vont permettre, de façon irréversible, de sortir le Maroc des clichés sous lesquels il apparaît aux yeux de l’Espagne et même de l’Europe toute entière. C’est l’avis du quotidien français Le Monde qui analyse la question migratoire sous différents angles aussi bien diplomatique que géopolitique.

Pour Le Monde, tout porte à confirmer que l’afflux subi de près 8000 Marocains dans l’enclave espagnole en moins de 72 heures, a été planifié par les autorités marocaines. Selon la publication, cet épisode de la crise diplomatique entre les deux pays va marquer pour bien longtemps encore, Madrid mais aussi l’Europe. Ceci en dépit du fait que plus de 5600 des Migrants ont été rapatriés vers leur pays, la carte jouée par le Maroc aura blessé profondément Madrid par-delà, Bruxelles. En effet, l’arme migratoire utilisée par Rabat rappelle à l’Europe, la stratégie du Turc Recep Tayip Erdogan et de l’ex-Guide Lybien, Mohamed Kadhaffi. Ils « n’ont pas hésité à jouer de l’arme migratoire en Méditerranée pour faire pression sur l’Europe », rappelle l’éditorialiste avant d’avertir que « l’attitude de Rabat constitue un fâcheux précédent ».

Analysant la question sous le prisme diplomatique, le journal rappelle que Rabat avait promis que la décision unilatérale de l’Espagne de recevoir en catimini Brahim Ghali, chef du Polisario, aura des conséquences. Et la réponse promise par Rabat se révèle être «  la vague migratoire orchestrée vers Ceuta  ».

Pour le journal, le royaume du Maroc n’a pas hésité à agir ainsi, car il se sent assuré par son succès diplomatique sur la question du Sahara. Sur ce dossier, les USA, sous Donald Trump, ont reconnu la « souveraineté marocaine » sur le Sahara en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et l’Israël.

Toutefois, avertit l’analyste, il s’agit d’un pari bien risqué. L’afflux dans l’enclave de Ceuta de migrants mineurs (enfants et adolescents ou encore nourrissons), au péril de leur vie et sous la passivité de la police marocaine, pourrait fortement écorcher l’image du royaume. Cela peut apparaître comme un acte de « cynisme d’un pouvoir prêt à sacrifier froidement sa jeunesse sur l’autel de ses intérêts diplomatiques  ». Les scènes de migrants marocains de tous âges, prêts à mourir que de rester dans leur pays, illustrent la précarité sociale d’une certaine population marocaine qui ploie sous la misère ambiante malgré l’image de pays émergent qu’on tente de montrer à la face du monde.

Au-delà des forces et revers diplomatiques, la publication invite à regarder le royaume avec réalisme en tenant grand compte de ses nombreuses potentialités. Porte d’entrées vers l’Afrique occidentale et positionné au cœur de la coopération sécuritaire et migratoire dans la région, le Maroc pratique un islam éclairé. Sa diaspora en Europe est dynamique, parfois influente. En revanche, atténue le quotidien, la gouvernance marocaine se veut de plus en pus, autoritaire, citant les emprisonnements de journalistes et d’intellectuels critiques, citant le cas de Soulaiman Raissouni.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Diplomatie - Ceuta (Sebta) - Polisario - Immigration - Autonomie Sahara - Le Monde - Gouvernement marocain

Aller plus loin

Migrants à Sebta : le Maroc évoque la fatigue des policiers

Le Maroc ne faiblit pas devant les «  provocations  » de l’Espagne qui, face au flux migratoire de cette semaine, a convoqué en des termes peu diplomatiques, l’ambassadrice du...

Des Marocaines viennent récupérer leurs enfants à Sebta

Les autorités espagnoles et marocaines sont en train de se concerter pour le retour en famille des mineurs ayant traversé seuls, la ville de Sebta, entre lundi et mercredi.

Puigdemont : «  Le Maroc a le droit de soulever la question de la souveraineté sur Sebta et Melilla  »

À l’heure où l’Espagne fait face à une crise migratoire majeure, Carlos Puigdemont, président d’Ensemble pour la Catalogne et ancien président de la généralité de Catalogne...

Migrants à Sebta : Amnesty international critique le Maroc et l’Espagne

À Ceuta, on enregistre ces derniers jours de multiples scènes d’expulsions forcées et de violences commises par les forces de l’ordre espagnoles qui jettent en mer des personnes...

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : le gouvernement et les syndicats divisés sur la hausse des salaires

Fin de la lune de miel entre le gouvernement et les centrales syndicales. Si la première phase des négociations s’est déroulée dans une ambiance détendue, des discordes sont apparues au cours du deuxième round sur certaines questions essentielles comme...

L’armée marocaine envoie l’artillerie lourde au Sahara

Après avoir prolongé en 2021 le mur de défense de 50 km à l’est pour sécuriser Touizgui dans la province d’Assa-Zag et compléter le dispositif sécuritaire à l’est, les Forces armées royales (FAR) ont déployé l’artillerie lourde dans la même zone.

Les Marocains parmi les plus expulsés d’Europe

Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».

Maroc : augmentation des salaires des enseignants-chercheurs avant fin 2022

Le chef du gouvernement a fait part de son intention d’augmenter les salaires des enseignants-chercheurs avant la fin de 2022, et de signer un accord avec le syndicat avant la fin de l’année. Cette décision a été prise lors d’une réunion entre Aziz...

Maroc-Israël : deux ans de relations fructueuses, selon Alona Fisher-Kamm

Mardi a été célébré le deuxième anniversaire de la reprise des relations entre le Maroc et Israël. Une occasion pour Alona Fisher-Kamm, cheffe par intérim du bureau de liaison de Tel-Aviv à Rabat, de faire le bilan de ce rapprochement.

Tanger Med : Un recrutement qui fait polémique

Zineb Simou, la parlementaire du parti Rassemblement national des Indépendants (RNI), a interpellé le gouvernement d’Aziz Akhannouch sur un recrutement au port de Tanger Med jugé exclusif.

Brahim Ghali s’en prend à nouveau au Maroc

Le président de la « République arabe sahraouie démocratique » (RASD), Brahim Ghali, a mis en garde lundi contre les politiques hostiles du Maroc dans la région, allusion faite à son alliance avec Israël.

Hausse historique du prix du gaz au Maroc, une première en 30 ans

La bonbonne de gaz vendue au Maroc devrait voir son prix augmenter progressivement pendant trois ans, vient de révéler le Premier ministre Aziz Akhannouch.

Le Polisario craint toujours les drones marocains

Le Front Polisario craint de plus en plus les attaques par drone du Maroc au Sahara. Depuis la reprise en 2021 d’un conflit de faible intensité entre les deux parties, une vingtaine d’attaques ont été déjà enregistrées selon un rapport de l’ONU.

L’Espagne tire un trait sur le Sahara occidental

Le ministère espagnol des Affaires étrangères, sous la houlette de José Manuel Albares, a retiré de son site internet une section consacrée au Maghreb et au Moyen-Orient. Auparavant, cette partie incluait l’engagement de l’Espagne pour...